La conférence inversée ! Au public de produire le contenu et aux experts de le découvrir ! Voilà une idée plutôt saugrenue, mais finalement bien naturelle pour des créatifs adeptes de la transgression des règles, histoire de les réinventer. Et si l’on détournait un amphithéâtre de sa fonction habituelle, celle qui consiste à placer des experts, des maitres, des sachants devant une assemblée attentive pour qu’ils leur dispensent leur savoir en mode descendant ? Pourrait-on abandonner, juste pour essayer, le mode de transmission 1.0 pour passer en 2.0 ? Telle a été la motivation qui a conduit les organisateurs de MOSAIC Lille 2016, l’Ecole de Printemps en Management de la Créativité (Université Catholique de Lille, 10-12 mai 2016) à organiser cette expérience.
La proposition qui a été faite aux participants était de réfléchir à la question suivante : « Comprendre les écosystèmes innovants. Quelle place pour l’Homme dans cette nouvelle société ? ». Dans la forme, l’idée de la conférence inversée est inspiré des méthodes de pédagogie inversée qui sont pratiquées à la Faculté de Gestion, Economie et Sciences (FGES) comme celle de la classe renversée (méthode en « do it yourself »).
Pendant la première heure de la conférence, personne n’est au pupitre. Aucun expert n’est invité à prendre la parole. Les micros sont bien là, mais juste posés sur des tables comme abandonnés. Les animateurs de l’évènement accueillent le public et lui expliquent d’entrée qu’il n’y a personne pour entamer la conférence, mais que celle-ci aura bien lieu à partir de… leur propre production. C’est l’approche en DIY. Au public de construire lui-même le contenu de la présentation qu’il souhaite entendre et de préparer ainsi les débats qui s’en suivront. D’une rangée à l’autre dans l’amphithéâtre, les participants sont regroupés en équipes autour d’un ordinateur qui leur permet d’aller chercher directement de l’information sur internet. Les 8 équipes du séminaire MOSAIC Lille 2016 se retrouvent ainsi disposées les unes à côté des autres. Chacune dispose de 45 minutes pour produire une seule diapositive en PowerPoint montrant une illustration et/ou une série de phrases, définitions et mots clés pouvant aider à répondre à la question posée. Comment définir un écosystème innovant et imaginer la place de l’Homme dans ce nouveau contexte ? Comme la configuration de l’amphithéâtre ne se prête pas au travail en groupe, chaque équipe décide d’occuper l’espace à sa manière pour pouvoir discuter en cercle et construire sa présentation. Ces cercles de travail improvisés sortent ainsi des rangées fixées et envahissent la moquette. On peut s’assoir par terre ou à l’envers sur les tables, ajouter des chaises en bout de rangée. L’amphithéâtre se métamorphose progressivement, mais sans aucune résistance, en espace de coworking plutôt convivial. On est très loin d’une ambiance de conférence classique car tout le monde est studieux et appliqué, bien décidé à produire du contenu et à en soigner la forme.
Au bout du temps imparti à la production de ces mini-présentations, on demande à chacun de regagner sa place, c’est à dire de s’assoir normalement dans chacune des rangées. Le mode normal va reprendre ses droits. Enfin, presque ! Quatre experts sont alors invités à se rapprocher de l’estrade et des micros leur sont tendus. Ils vont donc pouvoir s’exprimer sur le sujet qu’ils sont censés connaitre, puisqu’invités en tant qu’experts. Il s’agit de Pierre GIORGINI, Président Recteur de l’Université Catholique de Lille, Laurent SIMON, professeur à HEC Montréal, Michel SALOF COSTE, directeur scientifique de l’IIPEI et de Magali POURRAT, directrice adjointe d’un espace de coworking à Lille (Co-Factory). Les diapos de chaque équipe sont alors projetées au hasard sur un grand écran et les experts ont alors 5 à 10 minutes chacun, discussions avec le public incluses, pour réagir et donner leur avis. En quoi ces présentations qu’ils découvrent en direct les inspirent ? Sont-ils en accord ou non avec les définitions et mots-clés qui s’affichent à leurs yeux ? Bref, qu’en pensent-ils ?
Il leur est ainsi possible de rebondir sur une idée, de se questionner en direct, d’abonder ou non, de préciser tel ou tel point de leurs convictions en accord ou pas avec la production de l’assemblée qui les écoute. Les participants à la conférence peuvent aussi prendre la parole, préciser le contenu de ce qu’ils ont produit et interroger les experts comme dans une conférence en mode académique. Le dialogue s’instaure entre l’estrade et les rangées de l’amphithéâtre. Plus rien à voir avec une conférence « non inversée » ! Une facilitation graphique (Paule ANDRE, InnerFrog) est réalisée en direct pour reprendre en un seul plan l’ensemble des échanges. Elle fera office de synthèse et de compte-rendu. Assurément une expérience qui sera très rapidement reconduite !