De la créativité à l'innovation

Une école sans cours, ni professeurs… à la finlandaise !

Peut-on imaginer une formation universitaire qui se déroule sans cours, ni même professeurs ? Peut-on imaginerqu’un tel un parcours « académique » vous prépare à la vie professionnelle comme une école de business et management en priorisant, qui plus est, la création d’entreprise ? Peut-on faire 3 d’études après le bac sans jamais suivre un cours magistral, ni même engranger de la connaissance par les méthodes habituelles des universités et des grandes écoles, celles qui consistent, même si elles ne se limitent pas à ça, à écouter ses professeurs, les experts en la matière, prendre des notes, les apprendre pour être ensuite interrogés lors des examens ? Cela est-il possible ? La réponse est oui ! Cette formation existe depuis 6 ans à l’Ecole de Management de Strasbourg et près de 25 ans en Finlande, pays reconnu pour ses innovations pédagogiques et à l’origine de cette méthode.

Team academy

Situons la scène. Nous sommes le jeudi 8 juin 2017, il est 13h, un horaire plutôt inhabituel pour aller en cours, surtout lorsqu’il n’y a pas de prof, ni de leçon à écouter. Invité pour l’occasion, je me retrouve au milieu d’une dizaine d’étudiants du « Bachelor Jeune Entrepreneur » coordonnée par Olga BOURACHNIKOVA à l’Ecole de Management de Strasbourg. Nous sommes disposés en cercle, assis bien confortablement dans des sièges aux formes et couleurs différentes. L’ambiance est conviviale, mais très studieuse. La séance est un « cercle de dialogue » qui est consacrée au partage d’informations et à la résolution de problèmes. Je ne vais y rester qu’une heure et demie, pour cause de TGV direction Lille, mais vais y apprendre beaucoup tant la méthode pédagogique pratiquée ici est inspirante. Un premier tour de table, sans table d’ailleurs, commence et chacun donne au groupe et en quelques phrases son état de forme du moment et le point qu’il aimerait voir traiter lors de la séance. Le programme de celle-ci sera d’ailleurs assez varié : retour d’expérience client suite à une prestation en entreprise, mise au point sur une façon de travailler en équipe, conseils à obtenir pour satisfaire une demande de prospect, informations sur la vie de groupe d’une autre promotion, décisions à prendre pour la préparation d’un événementiel, évaluation des activités « académiques » avant les vacances, point sur l’avancée des portfolios,… les temps de paroles sont équilibrés, visiblement de manière très naturelle et la réunion de travail avance d’un point à l’autre avec rythme, efficacité et beaucoup d’empathie. Et puis, lorsque l’attention diminue, l’un des étudiants propose un « energizer » de 10 minutes, petite séquence ludique aux allures de brise-glace qui redonne du tonus à tous pour que la réunion reprenne de l’efficacité. Pas banal, non ?

Tout en observant la scène, je prends conscience de l’originalité de cette méthode pédagogique, largement inspirée de la pratique des 5 disciplines de Peter SENGE qui sont « la maitrise de soi », « la lutte contre les modèles mentaux », « la vision partagée », « l’apprentissage en marchant » et « la vision systémique ». Cette formation originale, sanctionnée par un diplôme universitaire, a été lancée en 2011. Elle est héritée du modèle finlandais de la « Team Academy ».  Sa pédagogie est fondée sur l’apprentissage en équipe, un apprentissage par l’action et par le développement du leadership. Il s’agit d’une approche profondément innovante dans laquelle :

  • les étudiants, bacheliers à l’origine, s’engagent dès la rentrée universitaire dans des projets entrepreneuriaux de leur choix avec un chiffre d’affaire réel à réaliser,
  • les étudiants doivent choisir un certain nombre de livres à lire en fonction de leur envie d’apprentissage, mais toujours en lien avec le terrain (difficultés rencontrées dans les projets, leur équipe ou personelle),
  • les cours sont remplacés par des cercles de dialogue menés en équipe de 10 à 15 membres, encadrés par un coach formé à cette pédagogie. Chaque équipe se réunit 2 fois par semaine pour une session de 4h,
  • le rôle du coach est de créer un cadre bienveillant où de nouvelles connaissances peuvent émerger et dans lequel les étudiants peuvent dialoguer librement sur les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain, les erreurs qu’ils commettent et les questions qu’ils se posent … tout cela pour partager leurs expériences, lectures et connaissances avec les autres membres de l’équipe,
  • l’évaluation est faite 2 fois par an sur la base d’un même référentiel de 21 compétences à 360° (auto-évaluation, par les pairs, par le coach)
  • les différentes promotions se mélangent au quotidien, ce qui favorise le partage des connaissances et du réseau, forte coopération et un fort lien avec les alumni qui continue à contribuer au développement de la communauté

Cette expérience pédagogique est unique en France, ce qui fait qu’elle reçoit régulièrement des visites d’institutions innovantes, les comités de direction d’entreprises ou simplement tout ceux qui cherchent de l‘inspiration Les constats au bout de 6 ans sont souvent les mêmes :

  • la maturité des étudiants est impressionnante, après seulement un an de processus,
  • ils ont une capacité de s’orienter, de se projeter et de se donner des moyens, faire appel à leur motivation intrinsèque,
  • ils développent des attitudes de travail en équipe, d’engagement, de création de vision partagée, des capacités de dialogue (écoute, suspension de jugement, accueil de l’autre),
  • ils ont une bonne connaissance du terrain,
  • ils ont construit leur réseau professionnel

Quelques citations d’étudiants pour illustrer cela :« Je vois le Bachelor de la façon suivante : quand nous avons un projet, on fait, on fait, on fait,… et à un moment si on n’a pas de compétences pour avancer on va bloquer. Dans mon projet c’est comme ça que je faisais mes lectures. Je ne lisais pas pour apprendre en parallèle de mon projet. J’apprenais déjà beaucoup dans le projet et c’est au moment où j’avais besoin d’apprendre quelque chose pour passer à l’étape supérieure, quand je ne savais pas comment faire, j’ai demandé si quelqu’un pouvait me conseiller un livre, ou chercher sur Internet, et c’est comme ça que je complétais le projet. Et du coup on est vachement plus réceptive à la lecture. On comprend beaucoup plus facilement. On sait qu’à la fin du livre, ou à la fin du chapitre, on va mettre quelque chose en action dans le projet » ; « Pour moi l’amour du client est un truc qui est vraiment primordial. Sans leur retour c’est dur. Je pense que c’est cela qui me motive » ; « Je préfère être tout de suite dans l’action. Voir les clients et testés avec eux. ..J’ai envie de co-créer mon produit avec mes clients en premier »

Questions aux étudiants : « Est-ce que vous pouvez décrire vos relations avec les autres acteurs impliqués dans la formation? » Réponse : « En ce qui concerne les étudiants c’est la bienveillance et vouloir aider. Je suis assez impressionnée de la façon dont on s’intéresse à ce que les autres font que les autres s’intéressent à ce qu’on fait ». Question: « Qu’est-ce qui a créé ce climat ? » Réponse : « Je pense que c’est les coaches qui, dès la première année, arrivent à en nous apprendre les règles de dialogue : de ne pas se juger, écoute active, vraiment s’intéresser à l’autre. Je pense que c’est les coaches qui créent cela de le début. Et inconsciemment, sans qu’on se rend compte, on devient bienveillant ». Question : « Est-ce que vous pouvez résumer la formation en trois mots ? ». Réponse : « Pour moi c’est un réveil de la société où je vais apprendre à être autonome, à dire des choses librement et ouvertement, à dire ce que je pense, à faire ce que je veux. C’est aussi liberté. Si il n’y avait pas autant de liberté dans le Bachelor on ne pourrait pas grandir aussi vite et apprendre autant »

Notes de Jean-Charles Cailliez, le 13 juin 2017

Commentaires (3)

  1. Sandra Langhorst

    Sur un principe très proche fonctionnent les écoles Sudbury (pour les enfants de 4-19 ans) depuis une cinquantaine d’années déjà dans le monde entier. Nous faisons partie d’un mouvement national : EUDEC qui promeut les apprentissages autonomes et qui depuis 2 ans fleurit aux 4 coins de France. Les écoles Sudbury dont les 2 piliers éducatifs sont les apprentissages autonomes et la gestion démocratique, participent pleinement au savoir mais surtout au savoir être par le savoir faire des enfants. Nous ouvrons nous mêmes la 1ère ecole Sudbury dans PACA à la rentrée 2017 !

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  2. FR

    Restent à trouver les entreprises qui vont avec…

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  3. Aude SERRANO

    Bonjour,

    Merci pour votre article passionnant.
    La démarche est très intéressante et j’aimerais connaitre le référentiel de 21 compétences à 360° dont vous parlez. Comment s’appelle-t-il ? Comment peut-on le consulter ?

    Merci beaucoup par avance et bonne journée.

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