On dit parfois que « la meilleure façon d’apprendre, c’est d’enseigner ! ». Alors pourquoi ne pas s’en inspirer pour imaginer une nouvelle approche pédagogique, une méthode qui permette de favoriser ainsi les apprentissages ? Pourquoi ne pas oser renverser la classe comme cela est illustré dans le TEDx de Viroflay 2018. Ci-dessous la méthode telle qu’elle est expérimentée à Lille et comme elle a été soumise récemment au Prix d’excellence I-Site Innovation Pédagogique ULNF 2018.
L’article est téléchargeable sur : La classe renversée (Prix Innovation ISITE 2018) JC Cailliez
Les objectifs de la classe renversée. Force est de constater qu’en ce début de XXIème siècle, une majorité d’étudiants souhaite être plus active dans l’acquisition de ses connaissances. Ces étudiants aimeraient en particulier apprendre à leur rythme et échanger différemment avec leurs enseignants. Partant de ce constat, une réflexion a été menée à l’Université Catholique de Lille (Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de Lille), EESPIG de l’ULNE qui a conduit ses 5 facultés en 2012 à un programme intitulé « Horizon 2020 » pour inciter ses enseignants à s’engager dans l’innovation pédagogique. La classe renversée qui est présentée ici est l’une des expérimentations qui s’intègre dans ce dispositif de transformation des pratiques pédagogiques universitaires.
Le principe de la classe renversée. La classe renversée peut se définir comme une méthode pédagogique en DIY ou « do it yourself ». Elle est résolument innovante par rapport aux classes inversées habituellement expérimentées dans le monde de l’éducation. En effet, elle ne livre pas aux apprenants le contenu du cours, ce qui représente une véritable révolution pour ce qui est attendu d’un « cours magistral ». Cette méthode particulièrement originale a été imaginée, il y a 4 ans, pour un cours de génétique moléculaire destiné à des étudiants de 3ème année de licence de biologie. L’enseignement pleinement magistral y est abandonné au profit d’une méthodologie co-élaborative dont le but est de sortir les apprenants d’une certaine passivité pour les mettre en situation active d’apprentissage. Le changement de posture est bilatéral. D’une part, les étudiants passent de l’état de « consommateurs » à celui de « constructeurs du savoir ». Ils vont bâtir le cours sans qu’aucun document ne leur soit fourni. D’autre part, l’enseignant passe de la production et de la transmission du cours à l’accompagnement de ses étudiants dans la construction de leur savoir… jusqu’à jouer le rôle d’élève !
La production du cours par les étudiants. Dans un premier temps, les étudiants sont rassemblés autour de l’enseignant qui va leur présenter la démarche. Comme pour tout processus d’innovation pédagogique, il est nécessaire de leur expliquer le pourquoi d’une méthode qui les invite à apprendre autrement. Ce temps d’échange prend environ 2 heures, quelques jours avant le premier cours. Ne pas le faire reviendrait à prendre le risque qu’ils en rejettent le principe et ne se motivent pas d’entrée. On leur explique que le cours ne sera plus donné de manière académique, mais qu’ils devront le construire par eux-mêmes et en équipes de 6 à 7 étudiants. Ces équipes sont construites de niveau égal en termes de prérequis scientifiques, d’aptitudes à construire les chapitres et à les transmettre aux autres pour une bonne compréhension de tous. C’est un « casting » déterminant qui permet d’éviter une trop forte concentration par équipe de « bons » ou de « mauvais » élèves (étudiants plus ou moins bien adaptés au mode d’enseignement académique), mais aussi de « leaders » ou de « suiveurs » (étudiants aux comportements plus ou moins expansifs). Les équipes qui fonctionnent de manière autonome peuvent interagir entre-elles lors des séances de travail. Les chapitres du cours sont élaborés par les étudiants selon un protocole précis avec un livrable préétabli et calibré. Le travail attendu est à la fois collectif et individuel. Chaque étudiant doit participer avec son groupe à la construction de plusieurs chapitres et assimiler ceux réalisés par les autres. Cette pédagogie est pleinement collaborative. Elle se passe dans une grande salle avec plusieurs postes de travail amovibles (tables sur roulettes permettant d’aménager l’espace différemment, chaises et tabourets, postes informatiques fixes, paperboard et post-its, tableaux mobiles avec feutres à encre délébile, matériel de projection, portables et tablettes des étudiants, tableau interactif, Wi-Fi avec un très bon débit…) pouvant accueillir chacun un groupe. Elle utilise un ensemble de plateformes et outils informatiques (Google Drive, Facebook, Moodle, Twitter…), ce qui permet aux étudiants de publier leurs travaux « dans le cloud » accessible par tous. Le mode d’animation est libre dans chaque groupe, mais il leur est suggéré de partager les responsabilités : recueil des informations avec discernement sur internet, consultation de document sur la bibliothèque numérique en réseau, vérification du respect des livrables (publication de la production sur la plateforme informatique). Chaque séance commence par un quart d’heure généralement consacré à des questions, quizz ou autres types d’exercices permettant les interactions entre les équipes. Ces exercices précèdent le travail en DIY qui peut être interrompu pour des temps collectifs avec des présentations orales. Il s’agira par exemple de faire un focus sur un point de connaissance fondamentale (exposé bref du professeur, questions-réponses, méthode des « tableaux tournants », cartes mentales…) ou de répondre à des questions de manière collective. En fin de séance, la production de chaque groupe est sauvée sur la plateforme collaborative. Les étudiants peuvent s’organiser pendant la semaine pour le faire évoluer et préparer des questions pour la séance suivante.
Le professeur qui devient élève ! Il parait que la meilleure façon d’apprendre, c’est d’enseigner ! Alors pourquoi ne pas demander aux étudiants de dispenser le contenu du cours qu’ils ont construit eux-mêmes, une bonne façon de vérifier leur niveau d’apprentissage ? Il leur est ainsi demandé de « monter sur l’estrade » et de faire le cours. Cela permet au professeur de se rendre compte de la compréhension des contenus des chapitres par ses étudiants, notamment sur les fondamentaux. Le professeur devenu « élève » va jouer le rôle du candide. Tout le monde se met en cercle autour de lui. Les étudiants volontaires de chaque groupe font le cours au tableau. Ils présentent les parties les plus importantes de leur chapitre. Il ne leur est accordé que 10 à 15 minutes. C’est le temps des explications. Puis vient celui des questions pendant lequel l’enseignant « étudiant » ne se prive pas d’interroger ses « professeurs » comme s’il ne comprenait pas ce qui lui est expliqué. L’échange qui s’instaure permet de faire une mise au point en terme de compréhension de ce qui est produit dans chaque chapitre, de trier avec discernement entre ce qui est fondamental et accessoire, de corriger des erreurs quand elles sont de nature à empêcher la progression dans l’acquisition des connaissances. Bien sûr, il est possible de temps en temps pour le professeur de reprendre sa posture « normale » et de compléter, corriger ou réexpliquer certaines notions du cours. Il le fait alors sur de petites séquences de 15 minutes pour ne pas casser la dynamique du renversement de posture. Les étudiants reconnaissent qu’ils ont plus de facilité à apprendre et retenir ce qu’ils ont construit eux-mêmes et qui a ensuite été validé par le professeur.
Les interrogations inversées et devoirs à la maison pour le professeur. La classe renversée suppose que l’on inverse les rôles aussi pour les évaluations. Il est alors demandé aux étudiants de construire eux-mêmes les interrogations écrites ou les devoirs à faire à la maison, mais à destination du professeur. Chaque équipe formulent des questions et en construit les barèmes. Ce sera au professeur d’y répondre et de rendre sa copie à l’ensemble de la classe. Ce sont les « interros inversées » ou « les devoirs à la maison pour le professeur ». Les étudiants ayant récupéré la copie du professeur (en format numérique sur la plateforme collaborative) ont ensuite une dizaine de minutes pour la corriger en classe, y mettre des annotations et la noter. Pour cela, la copie peut être projetée sur les écrans de la salle de cours. Chaque équipe d’étudiants peut la corriger en ligne. L’intérêt de cette « interrogation inversée » est le suivant. Si la question est bien construite, avec un barème cohérent, (en d’autres termes, si elle peut être utilisée à l’examen), alors le professeur y répond de son mieux. Il obtient alors une très bonne note. Le travail est fini pour l’équipe qui a rédigé la question. Si au contraire, la question est mal construite, avec un barème mal adapté (ce qui arrive lorsqu’une équipe ne prépare pas suffisamment bien ce travail) et quelle est donc inutilisable pour l’examen, alors le professeur y répond de manière incomplète ou même incorrectement. Il obtient alors une mauvaise note. Mais dans ce cas, le travail des étudiants n’est pas fini car ils doivent lui fournir le corrigé. Ainsi, le travail qui n’a pas été fait en amont devra être fait en aval. L’expérience montre que les équipes s’organisent bien mieux par la suite pour ne pas se retrouver dans cette situation. Au final, l’ensemble des questions produites par les étudiants dans ces exercices fournissent de la matière utilisable pour l’examen.
Le contrôle continu sans « notes sur 20 ». Il est peu concevable de se lancer dans une démarche d’innovation pédagogique sans changer son mode d’évaluation. Dans la classe renversée, le contrôle continu est consacré à l’évaluation de la production des connaissances, mais aussi en grande partie au mode d’organisation du groupe, au comportement et à l’implication de ses membres, au respect des livrables (publication des chapitres à la fin de chaque séance, réponses aux questions lors des interrogations de début de cours et réponses aux mails lors de sollicitations du professeur). Le contrôle des connaissances, sous son mode habituel (interrogation à l’écrit), y est inclus de manière plus disparate. L’évaluation des étudiants se fait par des interrogations posées à chaque groupe avec attente de réponse collective et par des questions qui leur sont posées individuellement. Cette évaluation a abandonné la « note sur 20 ». Elle se fait par une méthode expérimentale qui est celle de l’attribution de « points », additionnables sans maximum de manière à obtenir des scores. Ceux-ci correspondent à une addition de points que les étudiants obtiennent, soit à titre individuel (5 à 10 points), soit par le travail en équipe (10 à 50 points ou plus). Ils constituent un véritable capital qui ne demande qu’à être bonifié au fil des séances. L’intérêt principal des scores par rapport à la notation sur 20 est qu’ils ne sont soumis à aucun maximum. On ne peut ni les réduire, ni les soustraire. Une fois acquis, un point l’est jusqu’au bout du semestre. C’est une méthode de mesure (de valorisation), bien plus qu’une méthode de notation, qui correspond davantage à ce que l’on peut appeler une évaluation progressive qu’à une évaluation de niveau. Ils ne mesurent pas le niveau du but atteint, mais la progression pour s’en approcher. La quantité de points donnés par le professeur pour faire évoluer le score de chaque étudiant dépend de la quantité et de la qualité du travail fourni par celui-ci, individuellement ou en équipe. Le niveau du score permet de mesurer les capacités d’un étudiant à répondre aux attentes de l’enseignant et de récompenser aussi l’exercice de certaines compétences. Chaque semaine, les scores augmentent de manière progressive. En fin de module, ils sont transformés en points sur 20 avec la collaboration des étudiants. C’est une méthode qui retient trois niveaux : notations interpersonnelles (évaluation de la participation au groupe par les étudiants eux-mêmes), notations intergroupes (compréhension des chapitres produits par les autres) ou notations par l’enseignant (connaissances, comportement et participation, note donnée au chapitre…).
L’examen final conçu par les étudiants eux-mêmes. Les conditions de l’examen final sont imposées par l’établissement sous la forme d’un contrôle de connaissances. Celui-ci doit être réalisé de manière individuelle et sans document, le tout rédigé sur des copies anonymées. L’idée en classe renversée a donc été de « contourner » cette règle sans revenir sur son principe d’organisation, en demandant aux étudiants de construire eux-mêmes la totalité de l’examen, c’est-à-dire la rédaction de toutes les questions. Ainsi, les questions et la façon d’y répondre sont travaillées en cours avec l’enseignant. Cela est fait en utilisant la méthode de « classe inversée » pour les petites questions et celle des « tableaux tournants » (rotations des équipes devant un même tableau pour dessiner ensemble les plans et brouillons de la réponse attendue) pour les questions fondamentales. Le jour de l’épreuve, les étudiants doivent être capables de répondre à certaines de ces questions. Elles seront choisies au hasard par l’enseignant. Cela a pour mérite de les motiver à se présenter à l’examen avec ces acquis de connaissances assimilés en équipe. Charge à eux de savoir ensuite les exploiter individuellement. Dans la classe renversée, la préparation de l’examen sert donc aussi à construire le cours et non plus seulement à préparer les étudiants au contrôle de connaissances.
La classe renversée qui peut s’inverser ! L’une des transformations la plus importante qui a été apportée ces deux dernières années à la classe « renversée », suite aux suggestions des étudiants, a été de passer d’un mode 100% DIY à des séquences de classe « inversée » plus classiques en fin de semestre, celles qui font travailler les étudiants en face-à-face avec le professeur une fois qu’ils ont produit le cours. Il a ainsi été décidé de limiter la phase de production des chapitres (classe renversée) au deux tiers du semestre, puis de passer pour le tiers restant en mode de digestion et partage des connaissances et de préparation aux examens (classe inversée). La différence majeure avec la classe inversée habituelle est que l’on ne fournit toujours pas de documents aux étudiants puisqu’ils ont déjà construit les chapitres du cours. Ainsi, les 4 à 5 dernières séances du semestre se déroulent de la manière suivante. Les étudiants arrivent en cours avec des questions qu’ils ont préparées, concernant les parties du cours pour lesquelles ils ont de grandes difficultés de compréhension. Le professeur recueille leurs questions en début de séance. Il les classe en 3 catégories selon leur niveau d’importance. Dans la première, les questions qui portent sur des points de détails, celles auxquelles il est capable de répondre mais qui ne valent pas la peine qu’on s’y attarde, ou celles pour lesquelles il est très facile de trouver des réponses dans le cours. Ces questions ne seront pas traitées en face-à-face avec les étudiants, faute de temps d’une part, mais aussi parce qu’il est très facile d’y répondre en faisant de la recherche sur le web. Dans la deuxième catégorie, il regroupe les questions concernant des points importants du programme, celles pour lesquelles il faudra absolument donner des éléments de réponse aux étudiants. Ces questions seront traitées en face-à-face pendant la classe. Enfin, dans la troisième, l’enseignant regroupe les questions pour lesquelles il ne connait pas la réponse, ou tout au moins pour lesquelles il n’est pas complètement sûr du niveau d’explication qu’il soit capable de fournir aux étudiants. Pour les plus importantes d’entre elles (car le temps est toujours compté en face-à-face), il va proposer que l’on y réponde sous la forme d’un challenge. Qui de lui ou des groupes d’étudiants trouvera les bonnes réponses le plus rapidement en se connectant sur des ressources en ligne ? Pour chaque question, le « jeu » est lancé. Le professeur est connecté, les étudiants aussi. Chacun de leurs ordinateurs est branché à un vidéoprojecteur qui permet à tous de visualiser l’avancée de la recherche sur internet des différents groupes et de l’enseignant. Ce dernier, bien plus expert en matière de recherche sur le web concernant sa matière, ne se presse pas trop pour trouver la bonne solution aux questions posées. Il s’agit de motiver les étudiants qui essayent de le « battre » sans les écœurer en trouvant à chaque fois la bonne réponse le premier. Lorsqu’un groupe pense avoir trouvé la solution, il fait signe à l’enseignant de manière à ce que tout le monde puisse voir ce qui est projeté sur l’écran et que l’on vérifie ensemble si le résultat des recherches est pertinent ou pas. Bien sûr, toute bonne réponse apportera des points aux membres de l’équipe qui a « battu » le professeur.
Positionnement de la classe renversée dans le schéma de Marcel LEBRUN :
Comme le souligne Marcel LEBRUN, le renversement observé dans la classe renversée est proche ou au-delà du niveau 2 (ou Type 2), celui proposé pour tenter de comprendre la dynamique des classes inversées. En effet, à l’origine, le slogan de la classe inversée, c’était « les leçons à la maison et les devoirs en classe » (le niveau ou type 1). Des leçons proposées par l’enseignant et accessibles en ligne et des devoirs en classe accompagnés par l’enseignant. Une hybridation subtile entre distanciel et présentiel allait ainsi transformer ce premier mouvement lié à l’externalisation des savoirs en un autre. Dans la configuration de la classe renversée, dans laquelle les étudiants sont invités eux-mêmes à construire le cours, en groupe, en autonomie ou en supervision légère de l’enseignant, nous sommes dans le deuxième mouvement, davantage marqué par des modifications des rôles des acteurs, tous apprenants et formateurs, niveau 2 (ou Type 2).
L’efficacité et l’impact de la classe renversée. Cette expérience de classe renversée en est à sa 5ème année d’expérimentation. Il n’y a pas encore eu d’études scientifiques pour comparer les résultats des étudiants à l’examen par rapport à ceux des années précédentes. Cela s’explique par le fait que le pourcentage de réussite est très élevé dans cette promotion, donc une différence de résultat observée à ce niveau ne serait pas vraiment significative. Nous avons cependant engagé un travail de recherche sous la forme d’un sujet de thèse de doctorat avec la collaboration de l’Université Catholique de Louvain (Belgique), plus particulièrement l’équipe de Marcel LEBRUN et Mariane FRENAY. Ce travail de recherche vise à évaluer l’impact de différentes méthodes d’innovation pédagogique, dont la classe renversée, sur l’engagement des étudiants dans leurs apprentissages. Il est mené par June SRICHINDA, actuellement en 2ème année de thèse qui compare ses observations réalisées en classe renversée avec celles d’autres approches d’innovation pédagogique (classes inversées, cartes mentales, codesign, approche par problème ou par projet, WebTV, Wikiradio, serious games…) réalisées dans le même établissement. Ce que l’on observe déjà, c’est que la classe renversée transforme l’acquisition des connaissances par les apprenants, mais pas la hiérarchie entre ceux qui ont habituellement de bonnes notes et les autres. Les étudiants qui ont de grandes capacités à comprendre en pédagogie classique restent les « meilleurs » en pédagogie inversée. Leur seule, mais grande, difficulté est d’accepter d’être évalués sur d’autres critères que celui de leur niveau de connaissances. Concernant les autres, on remarque qu’ils ont plus de facilité à comprendre certains contenus du cours puisqu’on leur explique de manière différente. Ils sont alors capables lors de l’examen de formuler des explications en réponse à une question posée dont ils n’ont pas mémorisé la réponse. Les étudiants qui suivent la classe renversée sont bien conscients du fait que l’examen reste sous la forme d’un contrôle de connaissances individuel et sans document. Mais comme ils sont invités régulièrement à donner leur avis lors des évaluations en fin de cours, il leur est possible de proposer des suggestions de modification qui sont presque toutes expérimentées, lors des séances de cours ou pour les évaluations.
L’intégration de la classe renversée à la politique de l’établissement. Cette expérience de classe renversée a été initiée en 2013. L’organisation et le suivi de ce programme ont été assurés par le Laboratoire d’Innovation Pédagogique (LIP) de l’Université Catholique de Lille dont la mission est de développer dans le champ de la pédagogie universitaire, des recherches et des pratiques au service des étudiants et des enseignants. Ce LIP, devenu aujourd’hui une Design School (HEMiSF4iRE), fonctionne comme une plate-forme pour l’innovation ouverte, basée sur la co-élaboration, qui développe pour la communauté éducative un réseau « d’explorateurs pédagogiques » qui apprennent dans l’expérience et la mise en réseau apprenant. Les modes d’apprentissage de ces acteurs au sein d’HEMiSF4iRE ont donc pour objectif de structurer petit à petit les transformations qu’ils porteront dans une relation pédagogique renouvelée avec les étudiants. HEMiSF4iRE se fixe aussi des objectifs opérationnels en matière d’animation de la recherche en sciences de l’éducation et innovation : ingénierie de la connaissance et usage des TICE dans les pédagogies universitaires, de mise en œuvre de formations (formation des nouveaux enseignants, formation des animateurs de codesign), des prestations diverses comme la mise en œuvre d’ateliers pédagogiques (lieux d’échanges de pratiques). La classe renversée est une illustration dans ce programme de ce que l’on peut mettre en œuvre par le changement de posture pour favoriser la capacité des étudiants à mobiliser l’intelligence collective au service de leurs apprentissages.
La dissémination et le transfert de la classe renversée. La méthode de classe renversée est adaptable à l’ensemble des entités d’une université, indépendamment des domaines scientifiques ou des niveaux d’enseignement. Elle n’a pas été « copiée-collée » au sein de l’Université Catholique de Lille, mais a plutôt inspiré des collègues à s’engager dans les pédagogies inversées. L’idée originale pour arriver à cela a été d’ouvrir les portes lors de tous les cours de manière à permettre à quiconque de venir vivre l’expérience en direct et au milieu des étudiants. Les profils des visiteurs sont extrêmement variés, allant des enseignants-chercheurs aux responsables administratifs de l’université jusqu’à des cadres d’entreprises (DG, DRH, DSI, managers, direction de services…) sensibilisés par les modes de transmission des connaissances ou de développement de compétences. Leur participation comme témoins est bénéfique à deux niveaux : elle leur permet d’apporter des idées à l’enseignant expérimentateur, mais aussi d’être inspiré pour transformer leurs propres pratiques professionnelles. Une mixité de profils qui enrichit l’évolution de la méthode d’innovation pédagogique en complétant les suggestions provenant des étudiants. En ce qui concerne les collègues universitaires inspirés par ces visites in situ, plusieurs d’entre eux ont initié des expériences allant de simples chapitres de cours inversés jusqu’à l’étendre à un cycle d’étude complet. Il s’agit par exemple de l’expérience de « licence inversée », telle qu’elle est menée depuis 4 ans dans la faculté de droit, soit une approche qui cherche à optimiser l’acquisition des connaissances de 500 étudiants d’une même promotion en fonction de leur propre mode d’apprentissage. Elle leur propose de travailler les matières fondamentales par thèmes, chacun d’entre eux n’étant développé que sur une seule et même semaine. C’est l’approche OWOC (« one week, one course »). Le découpage de la semaine est construit pour permettre à l’étudiant d’avoir le temps de passer d’un apprentissage en surface (réalisé par la lecture d’un « pré-read ») à un apprentissage en profondeur (qui donne ensuite du sens à la connaissance acquise). En dehors de Lille, plusieurs enseignants se sont inspirés de la classe renversée pour transformer tout ou partie de leur mode de transmission de connaissances à l’université. Parmi eux, se trouve l’expérience menée par Sébastien BETTE, Professeur associé à la Faculté Polytechnique de l’Université de Mons (Belgique) qui a repris le concept de cette méthode socioconstructiviste pour son cours en électromagnétisme et communication. Comme les autres pédagogies inversées, la classe renversée intéresse au-delà de la formation initiale. Dès sa mise en place, elle a interpelé les organismes de formation continue (CEGOS, CEP Lausanne), les établissements de formation (ESPE, FORMASUP), les directions des ressources humaines des entreprises privées (ETI, PME-PMI,TPE) et institutions publiques (Ministère de l’Education Nationale, Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Conseil Régional HDF, Conseils municipaux) et les clubs d’entrepreneurs (APM, AFNOR Compétences), ce qui ouvre l’université vers de nouveaux publics, de nouveau partenariats, notamment l’organisation d’ateliers pédagogiques (ateliers de codesign), de hackathons et/ou de conférences et séminaires renversés. Plus de 50 ateliers dans ces nouveaux environnements ont été organisés ces 3 dernières années par HEMiSF4iRE Design School directement inspirés de la classe renversée, et motivés par le besoin d’innover par le changement de posture.
La visibilité nationale et internationale de la classe renversée. La classe renversée a fait l’objet d’une large médiatisation nationale et internationale. A l’origine de son « succès », les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Scoop-It, mais surtout les publications régulières sur un blog hébergé par la plateforme Educpros (http://blog.educpros.fr/jean-charles-cailliez). Des conférences en format TEDx lui ont été consacrés, insistantes pour chacun d’entre elles sur un aspect de la méthode (TEDx Lille 2015, TEDx Belfort 2016 et TEDx Alsace 2017) qui ont obtenu plus de 15.000 vues cumulées. Un nouveau TEDx est programmé en mars 2018 à Viroflay qui fait le lien entre cette pédagogie active et les attentes des entreprises en matière d’innovation pédagogique. Au niveau national, de nombreuses journées pédagogiques, ainsi que des « conférences renversées » et ateliers co-élaboratifs inspirés de la méthode, ont été organisées depuis 3 ans : Sup Agro Montpellier, ULCO Dunkerque, UCO Angers, Ecole CPE et Université Catholique de Lyon, AUDENCIA et Ecole Centrale de Nantes, UTC de Compiègne, Ecole 3iL de Limoges, Ecole des Mines d’Alès, Université de Strasbourg, Université de Corté, UFR STAPS de l’Université de Grenoble, Université de La Rochelle, Université de Cergy Pontoise, Université de Paris Saclay, Université de la Sorbonne, Université de Rennes, Goethe Institut de Metz… L’expérience de classe renversée a permis de créer de nouveau partenariats à l’international. Des ateliers pédagogiques bâtis sur cette méthode ont ainsi été organisés dans des établissements d’enseignement supérieur et de recherche à l’étranger : Mons (Belgique) en 2014 et Lausanne (Suisse) en 2017 à l’occasion du colloque international de l’AIPU (Association Internationale de Pédagogie Universitaire), Liverpool Hope University (U.K) en 2016, HEC Montréal (Canada) en 2014 et 2017, Bangkok University (Thaïlande) en 2016, Melbourne RMIT (Australie) en 2017 (deuxième édition programmée en mars 2018) et Université de Curitiba (Brésil) qui est programmée en juin 2018.
Bibliographie
Jean-Charles CAILLIEZ, La classe renversée. L’innovation par le changement de posture (Editions Ellipses, Paris), 2017
Jean-Charles CAILLIEZ, La classe renversée (chapitre 11) dans : Ariane DUMONT et Denis BERTHIAUME, La pédagogie inversée. Enseigner autrement dans le supérieur avec la classe inversée (Editions De Boeck Supérieur), 2016