Et si l’échec était indispensable pour innover ? Une idée saugrenue pourriez-vous penser, mais en êtes-vous bien sûr ? Dans les processus d’innovation, en particulier ceux qui découlent de démarches de créativité (coworking, codesign,…), il est attendu de transformer ses idées en actions concrètes. Et pour cela, il faut expérimenter. C’est un peu comme si l’on voulait se lancer dans une nouvelle pratique, physique ou sportive, qui nécessite d’oser et de prendre des risques… comme celle d’apprendre à faire du vélo ou à skier. Impossible d’y arriver du premier coup, c’est à dire sans essayer, donc sans tomber !
Pour transformer une idée créative en innovation concrète, en d’autres termes pour que celle-ci « rencontre la main de l’utilisateur », qu’il en fasse un usage particulier, il faut expérimenter. Cela ne peut se faire sans passer par une succession de petits échecs, tous nécessaires à l’accomplissement du projet. On parle du « droit à l’échec » ou du « droit à l’erreur », mais aussi plus clairement de la « nécessité d’échouer ». Chaque échec devient alors une nouvelle opportunité pour tenter d’améliorer ce qui n’a pas fonctionné dans un premier temps, pour trouver une solution qui permettra de recommencer de manière plus efficace, voire d’améliorer ce que l’on avait entrepris lors du premier essai. On apprend de ce que l’on tente, c’est le principe du « test and learn » qui ne peut se passer de l’échec. Celui-ci en soi n’est donc pas si important. C’est plutôt la façon dont on l’analyse et ce que l’on en retire pour rebondir qui compte.
L’éducation à la française n’aime pas l’échec. Elle n’encourage pas vraiment à la prise de risque, ce qui n’est pas le cas dans d’autres régions du monde où le fait de se tromper fait clairement partie de la vie. C’est le cas de certains pays anglo-saxons par exemple ou nord-européens qui l’ont inclus dans leur politique d’éducation. L’éducation occidentale, française en particulier, nous entraine au contraire à fuir les échecs. A l’école, on fait tout ce que l’on peut pour empêcher qu’ils ne surviennent. Les enseignants sont entrainés à corriger les erreurs dès qu’elles apparaissent. On soustrait des points à la note/20 dès qu’une erreur est détectée. Tout au long de son parcours scolaire, on apprend à éviter les erreurs pour améliorer ses résultats aux examens. Tout est fait pour anticiper le fait qu’une erreur puisse survenir. Cette façon de la chasser nous empêche de réaliser qu’il est nécessaire de « prendre des risques » pour avancer dans nos projets, notamment quand il s’agit de transformer ses idées en action, de passer de la créativité à l’innovation. Ainsi, la peur de l’échec, telle qu’elle nous est inculquée devient un réel frein à l’expérimentation, d’autant plus si les idées que l’on peut avoir au départ sont originales et audacieuses.
L’échec fait partie du processus normal d’apprentissage. Cela commence pour chacun d’entre nous lorsque nous devons passer pour nous déplacer du mode quadrupède à celui de bipède. Les enfants qui expérimentent à chaque moment de la journée pour accomplir à partir de ce qu’ils ont envie toutes sortes d’action ne se posent pas la question d’échouer ou pas. C’est l’envie qu’ils ont de réussir quelque chose, leur motivation du moment, qui leur fait franchir le pas de l’idée à la réalisation. Et pour cela, il tentent, ils essayent… selon un principe attribué à Sir Winston Churchill ou à François Mitterrand (selon les sources) qui aurait dit que « le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre de vue son enthousiasme ».
Et si l’on valorisait nos échecs,… voire même si on les célébrait ? Audacieux, penserez-vous ? Mais non ! Fail camp ou « journée de l’erreur » à l’image de ce qui a été organisé récemment par la Société des Musées du Québec avec une séance sur les insuccès sont autant de bonnes idées pour s’améliorer grâce à l’échec. Se réunir et exposer ses échecs, erreurs et autres déconvenues est une manière vraiment intéressante, sous-estimée en réalité, pour en tirer soit des solutions aux problématiques en cours, pour revoir les choses de manière plus efficace et se relancer mieux armés dans d’autres projets similaires ou pas. Nos échecs sont de futures réussites. Chacun d’entre eux doit être considéré comme un tremplin pour rebondir et aller encore plus loin.
Attention, tous les échecs ne se valent pas ! La notion d’échec ou d’erreur est fortement liée à la temporalité. En effet, il faut échouer souvent, mais sur des temps très courts ! Rien à voir avec les échecs dans lesquels on s’englue obstinément et qui nous mènent fréquemment à la catastrophe. Au mieux, de ceux-ci, il nous restera toujours la possibilité de rebondir… mais avec un peu plus de douleurs et moins de performance à court terme. Non, les échecs productifs sont bel et bien ceux qui sont analysés progressivement et régulièrement. Aussi, rien de mieux que de le faire à plusieurs, en général avec les personnes concernées par le projet ou dans un contexte professionnel qui fera qu’elles peuvent vous apporter de nouvelles idées car intéressées plus ou moins par votre activité.
Parler régulièrement des ses échecs, les décrire avec ses collaborateurs, collègues et autres personnes, est la manière la plus efficace pour trouver de bonnes idées qui permettront de transformer ces déconvenues en de nouvelles opportunités de réussite. Cela semble simple, une fois écrit sur le papier, mais bien plus difficile à mettre en œuvre, tant nous sommes peu habitués (voire pas éduqués) à étaler nos problèmes en détail devant les autres. C’est sans doute l’une des raisons qui font que ces « fail camp » ou « journées de l’erreur » restent encore des événements exceptionnellement rares et ceci malgré leur efficacité redoutable. On continue à leur préférer de longues réunions souvent bien peu productives, dans lesquelles on passe beaucoup de temps à expliquer ce qui fonctionne bien… pas vraiment efficaces pour progresser dans l’avancée de nos projets, mais auxquelles on est si habitués. A revoir alors, comme si ces moments d’échanges inefficaces n’étaient pas aussi de longs et mauvais échecs qui mériteraient d’être transformés en « fail camp » ?
Bonjour Jean Charles,
merci pour cet article intéressant et tellement vrai.
J’ajouterais qu’il est d’autant plus important d’accepter de faire des erreurs dans un monde incertain.
Je me réfère souvent à l’analogie entre la conduite d’un projet d’innovation et se déplacer dans une pièce dans le noir. Il vaut mieux se déplacer vite en se « cognant » dans les meubles et les murs, c’est le moyen d’exploration le plus rapide pour trouver la sortie 😉
A bientôt,
Laurent du blog Innover Malin