Avez-vous déjà entendu parler des tableaux tournants ? C’est un exercice classique dans la classe renversée ! Une pédagogie nouvelle nécessite de nouvelles méthodes et de nouveaux genres d’exercices. Les « tableaux tournants » en sont une illustration. Cette méthode originale est sans doute l’une des plus efficaces d’un point de vue collaboratif car elle permet de faire travailler ensemble tous les étudiants, sans aucune exception. Elle est essentiellement utilisée pour faire des focus sur des éléments du cours, en général liés à des notions fondamentales, celles qui nécessitent une explication plus poussée. Elle est inspirée de la méthode créative du Word Café qui propose aux participants d’un groupe de réflexion de passer d’une table à l’autre et d’écrire ce qu’ils pensent sur une nappe en papier, de co-dessiner par exemple des cartes mentales ou de rassembler des post-its porteurs d’idées similaires et qu’il s’agira ensuite de regrouper par association d’idées.
Appliquée à une classe renversée, son principe est très simple. Dans un premier temps, l’enseignant pose une question ou donne les éléments d’un problème à résoudre. Il peut s’agir de s’interroger sur une définition, de décrire un mécanisme ou de faire des comparaisons. Les étudiants se retrouvent en groupe devant un tableau en Velléda qui est monté sur roulettes. Chaque groupe dispose de son propre tableau. Il lui servira à illustrer, par un dessin ou un schéma annoté, la réponse à la question posée. Pour cela chacun utilisera son propre matériel informatique qu’il s’agisse de PC, de tablettes ou même de smartphone en méthode BYOD (« Bring Your Own Device »), pour aller rechercher sur le web les informations qui leur sont nécessaires à la résolution du problème.
Dès les premières minutes de l’exercice, les étudiants commencent à retranscrire sur leur tableau tout ce qu’ils trouvent d’intéressant, tout ce qui leur semble pertinent d’illustrer pour avancer dans la résolution du problème. L’enseignant ne fait preuve d’aucune passivité. Il se déplace d’un groupe à l’autre pendant l’exercice. Il peut même les aider en fonction de leurs attentes. Il se met à leur disposition pour toutes sollicitations, comme par exemple celle de vérifier la crédibilité d’une source documentaire, de donner une explication face à une incompréhension, de fournir un complément d’information ou un avis sur le choix des informations retenues ou sur les dessins et illustrations qui seront réalisés. Cette première phase du travail nécessite généralement 5 à 10 minutes. Cela dépend de la complexité de la question à laquelle il faut répondre. Au terme de ce premier temps de production, et avant même que ce travail ne soit fini, l’enseignant demande à chaque groupe de quitter son tableau et de s’installer devant celui de l’équipe voisine. Chaque groupe change ainsi de place et les tableaux passent d’un groupe à l’autre. C’est la première rotation.
La suite de l’exercice consiste pour chaque groupe à compléter (à enrichir) la production devant laquelle il se retrouve, celle qui a été commencée par le groupe l’ayant précédé. Tout est permis, sans aucune restriction. On peut corriger ce qui a été écrit, effacer des notions que l’on trouve hors de propos ou peu pertinente. On peut aussi réorganiser la présentation, ajouter des éléments manquants sous n’importe quelle forme (définitions, schémas, tableaux, dessins…).
Chacun apporte sa connaissance. Ce n’est plus uniquement un professeur qui inonde ses élèves de son savoir, un savoir parfois stagnant. Le savoir collectif est vivant. C’est cette vivacité qui fait avancer les sciences car chacun peut apporter son savoir, parfois même naïf, ce qui va donner une nouvelle vision dans les équations à résoudre. Rien n’empêche, en cas d’incompréhension, d’interroger les membres du groupe précédent puisque tout le monde reste dans la même pièce et que les interactions entre les étudiants sont recommandées. L’exercice dure plus ou moins le même temps que pour la séquence précédente. Chaque groupe dispose ainsi de 5 à 10 nouvelles minutes pour compléter la production de son nouveau tableau. On procède ensuite à une deuxième rotation et dans les mêmes conditions. Les « tableaux tournants » continuent alors de s’enrichir mutuellement. A la fin de la dernière rotation (souvent la troisième pour éviter que l’exercice ne dure trop longtemps), chacun des groupes se retrouve devant son tableau de départ et le redécouvre tel qu’il a été complété les autres. Les cinq dernières minutes de l’exercice seront utilisées par le professeur qui demandera dans un premier temps à ses étudiants lequel des tableaux ils trouvent le plus complet, le plus explicite. Une fois le choix fait, il donnera ses dernières explications devant ce tableau, oubliant les autres, se contentant de valider l’ensemble de la production, de corriger les quelques erreurs subsistantes et d’ajouter un ou deux éléments d’importance qu’il jugera nécessaire de mentionner.
Que pensent les étudiants de cette méthode ? Interrogés en fin d’exercice, ils donnent leurs points de vue positifs et négatifs, partageant aussi quelques commentaires et faisant des suggestions à l’enseignant expérimentateur.
Parmi les points qu’ils trouvent plutôt positifs, on notera l’intérêt qu’ils ont à partager les informations collectées sur internet et à se les compléter les uns et les autres. Ils trouvent ce mode d’interaction entre eux et avec le professeur bien supérieur à celui des méthodes plus académiques. Ils aiment beaucoup le fait de travailler par rotation devant les tableaux et par enrichissement des informations. Ils apprécient le fait de pouvoir utiliser leur propre matériel informatique et la technologie de la salle de pédagogie expérimentale. Un autre point de satisfaction est l’aménagement du lieu, l’ambiance particulière du laboratoire de pédagogie expérimentale qui les plonge dans un « autre monde », qui les sort du quotidien de la classe avec ses rangées de tables et de chaises. Ici, on peut écrire sur des tableaux montés sur roulettes ! Tout le monde dispose d’un marqueur, à la place d’une craie en calcaire, et peut s’exprimer. De manière générale, c’est surtout l’interactivité dans le travail de groupe et avec le professeur, dès lors plus disponible pour les aider dans la recherche de documents ou par ses explications, qui les motive. Ils pensent qu’il leur sera plus facile d’apprendre le cours puisqu’ils en construisent eux-mêmes le contenu.
Parmi les points jugés plutôt négatifs, on notera le fait qu’ils trouvent les séquences de rédaction trop courtes, n’ayant pas assez de temps pour partager entre eux sur l’ensemble des données collectées. Enfin, réellement absorbés par le travail collectif et entrainés par le dynamisme qui caractérise les séances, ils n’ont pas toujours le temps de profiter des sofas et divans ou de la fontaine à eau mis à leur disposition (un autre aménagement original du Learning Lab. que l’on ne trouvait pas dans la salle de travaux pratiques de sciences physiques utilisée la première année). En deux heures de co-élaboration, ils ne pensent même pas à faire un petit break ! Le dynamisme des rotations leur fait oublier qu’ils sont en train de travailler.
Parmi les autres suggestions relevées dans leurs commentaires, on notera que bien qu’ils apprécient la nouveauté de cette pédagogie en DIY, ils souhaitent quand même disposer de documents apportés par le professeur, qu’il s’agisse de livres, polycopiés, fiches ou quelques petites présentations orales. On se défait difficilement de ses habitudes (surtout quand elles rassurent) ! Certains souhaitent que le nombre ou la durée des rotations puissent être différents. Ils ont besoin de plus de temps pour produire et assimiler ce qu’ils trouvent sur internet. Un plus grand mixte de cette méthode de classe renversée avec des séquences plus académiques leur semble bien. Ils demandent aussi que les séances de DIY commencent plus souvent par des introductions classiques comme des consignes et des énoncés des problématiques qui soient davantage présentés de manière ordonnée. Ce sont les séquences dans lesquelles ils ont été plongés un peu trop rapidement en autonomie qui les perturbent le plus. Mais au final, c’est quand même une expérience qu’ils ont envie de poursuivre et très certainement de faire évoluer en fonction de leurs remarques et suggestions… ce qui ne manque pas d’être fait !
Vos articles sont forts intéressants pour aider les enseignants á se remettre en question en innovant et adopter une ingénierie de créativité.
Essayez de prévoir des thématiques telles que l’évaluation positive et l articulations de l’Université avec le préscolaire et les autres cycles .