De la créativité à l'innovation

10/20… la note idéale pour progresser en innovation pédagogique !

Comment innover en pédagogie de manière efficace, c’est à dire avec ses élèves ? Comment réussir dans cette gageur lorsque l’on est enseignant et que l’on propose à ses élèves une nouvelle méthode de travail ? Avant de partager avec vous la méthode qui été imaginée dans ce domaine par la classe renversée, laissez-moi vous inviter à résoudre une petite énigme. Essayer de trouver la solution à cette question curieuse qui m’a été posée un jour et ne m’a pas laissé indifférent ! Pour cela, je vous plonge dans la situation qui a été la mienne, il y a quelques années de cela, à l’occasion d’un atelier collaboratif auquel je participais avec des chefs d’entreprise désireux de mieux connaître les jeunes diplômés amenés à être embauchés chez eux.

Un expert des générations X, Y et autres Z demanda aux participants de répondre à une question quelque peu énigmatique. Il nous était permis pour cela de réfléchir en groupe, mais aussi de se connecter sur internet si nécessaire, pour trouver la solution. Une dizaine de minutes nous a alors été octroyée pour répondre à cette question : « En 1492, il se passa dans l’histoire de l’humanité deux événements extraordinaires, deux événements historiques qui changèrent le rapport entre les hommes. Ces deux événements particulièrement importants dans l’histoire de l’humanité se déroulèrent, qui plus est, en même temps… pouvez-vous nous dire lesquels ? ».

La première des deux réponses ne s’est pas faite attendre, sans recours à internet pour cela tant elle était connue. Elle fuse donc de l’un des participants qui dit : « En 1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique ! Il débarque sur les plages du Nouveau Monde et découvre les Indiens d’Amérique ».

C’est évidemment une bonne réponse, plus exactement le début de la bonne réponse car il s’agit maintenant découvrir le deuxième évènement historique. C’est à ce moment de l’exercice que les participants éprouvèrent le besoin de se surfer sur le web pour trouver la suite de la réponse. Arrivèrent alors des propositions, des tentatives de réponses, comme la fin des guerres de Grenade, le dernier épisode de la Reconquistada, le décret de l’Alhambra portant sur l’expulsion des Juifs d’Espagne par les Rois Catholiques, la révolte du pain et du fromage réprimée par le duc Albert de Saxe à Heemskerk aux Pays-Bas, l’acte de naissance de l’alpinisme avec la première ascension du Mont Aiguille par Antoine de Ville sur ordre de Charles VIII, la reconnaissance de la Principauté de Liège par Maximilien de Habsbourg, la publication de la première grammaire (castillane) d’une langue vernaculaire par Antonio de Nebrija, le début de la conquête de La Palma aux îles Canaries par Alonzo Fernandez de Lugo, le début du siège de Calais par Henri VII d’Angleterre… mais point de bonne réponse. Elle se faisait toujours attendre ! Pour stimuler davantage son auditoire, l’animateur nous aide alors en nous disant que ce deuxième évènement est connu de nous tous et qu’il n’est pas besoin d’aller sur internet pour le trouver. Il poursuit en nous disant qu’il n’est même pas certain d’ailleurs que cet événement soit mentionné sur internet. Voilà qui intrigue davantage… mais qui force aussi à réfléchir et non plus à chercher mécaniquement une réponse. Quelques minutes s’écoulent et la deuxième bonne réponse arrive enfin : « En 1492, les Indiens d’Amérique découvrent Christophe Colomb ! ». Et cela est prouvé scientifiquement, ces deux événements historiques se sont bien passés en même temps ! Élémentaire mon Cher Watson !

La morale de cette histoire est double. D’une part, elle montre que l’on voit presque toujours les choses de la même manière, du même côté de l’estrade allais-je dire ! D’autre part, elle fait réfléchir au fait que ce sont souvent les mêmes qui pensent savoir ce qui est bon (ce qui est bien) pour les autres. Les dominants, les experts, les sachants « savent » ! Au utilisateurs d’apprécier ce qu’on leur propose et qui est forcément bien pour eux. Beaucoup de créatifs imaginent des innovations pour leurs usagers, mais sans réellement les impliquer. Ils pensent les connaître si bien que cela n’est pas nécessaire. Or innover, vous dirons les designers, ce n’est pas penser à la place des autres, c’est d’abord penser avec les autres. Cela est particulièrement vrai en innovation pédagogique.

Innover, c’est « faire avec » ! Autrement dit, innover en pédagogie ce n’est pas uniquement changer de méthode, passer de la méthode A à la méthode B. Par exemple, un enseignant qui remplacerait son cours magistral par une classe inversée, n’est pas forcément entré dans une démarche d’innovation pédagogique. Il ne fait qu’imposer à ses élèves une autre méthode, certes innovante à son regard, mais qui n’est pas suffisante en soi pour entrer dans une démarche d’amélioration continue. On ne peut innover sans impliquer les « usagers » jusque dans l’évolution de la méthodologie. Pas facile à accepter pour les experts et pourtant fondamental !

10/20… la note idéale ! Dans cette optique d’innover avec les apprenants, la classe renversée a choisi dès sa première année d’expérimentation en 2014 de faire évoluer son approche innovante avec les étudiants. Pour cela, elle leur demande à la fin de chaque séance de cours d’évaluer ce qui a été fait, mais de le faire toujours de la même manière… en mettant une note qui est toujours de 10/20 ! Chaque élève est invité à remplir deux cases sur une feuille de papier qu’il pliera en fin d’exercice et rendra au professeur. Dans la première des deux cases, celle qui correspond à 20/20, il répondra à la question suivante en quelques lignes et en argumentant : « Quelle est la partie de la séance de cours qu’il a préféré et pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle lui a apporté et qui le satisfait ? » Il s’agit d’exprimer son contentement le plus fort sur un point précis, même s’il n’a pas aimé l’ensemble de la séance. Dans la deuxième des deux cases, il s’agira de faire l’exercice inverse. C’est celle qui correspond à la note 0/20. La question est : »Quelle est la partie de la séance qu’il a le moins aimée et pourquoi ? Quelle partie du cours l’a ennuyé, perturbé, mis mal à l’aise ? A quel moment s’est-il demandé à quoi cela servait ?« . Il s’agit pour lui d’exprimer son plus grand mécontentement, même s’il a apprécié l’ensemble de la séance. Chaque étudiant est obligé de remplir les deux cases à la fin du cours pour obtenir une note de satisfaction qui est toujours de 10/20 (la moyenne des deux cases). Les feuilles d’évaluation sont anonymes. Elles sont ramassée par le professeur à la fin du cours. cela prend 2 à 3 minutes pour les remplir. L’ensemble de remarques positives et négatives sera ensuite saisi numériquement et envoyé par mail aux élèves pour qu’ils puissent avoir « la température moyenne » de la classe en fin de séance et comparer leurs avis à ceux des autres.

Pour l’enseignant, les remarques positives sont motivantes, mais elles ne servent pas à améliorer le cours. Elles le conforte juste à continuer certains exercices. Ce sont les remarques négatives qui sont les plus importantes. Elles permettent de tenir compte de l’avis des utilisateurs pour améliorer les séances suivantes et contribuer à toujours faire évoluer l’innovation dans le bon sens. Elles invitent aussi les élèves à faire des propositions et non plus à juste se plaindre de ce qu’ils n’aiment pas !

Ci-dessous un exemple d’évaluation en 10/20 à la fin d’une séance de cours (février 2020) :

Impressions positives sur la séance : Le temps consacré aux exercices a été réduit, donc on a pu faire plus de choses, faire des questions et donc se tester sur nos connaissances – les explications sur le fonctionnement de la télomérase qui on permis de mieux comprendre – RAS – exercices sympas dont celui qui consiste à écrire un QCM, répondre à un autre, puis corriger un troisième – les explications du professeur sur la télomérase ; on a pu explorer les autres chapitres – le schéma explicatif sur le fonctionnement de la télomérase qui m’a été très utile – proposer des questions pour un QCM ; travailler sur des tableaux en Velléda – c’était bien de commencer un schéma, puis d’aller compléter celui d’un autre groupe : cela permet de s’approprier le sujet d’une autre manière et donc de mieux comprendre – c’était bien les questions à la fin du cours sur la télomérase (peut-être mieux préciser dans quel chapitre on se situe ?) ; c’était top les explications à la fin du cours (bonne vidéo) – séance interactive – point de cours + animation pour expliquer en fin de cours = cela permet de bien comprendre et c’est très intéressant – les explications à la fin du cours par le professeur… vraiment très claires et faciles à comprendre – discussion avec différents exercices – construire, répondre et corriger différentes questions sur les différents chapitres : cela permet une réflexion sur différents sujets – corriger les schémas des autres – les exercices permettent de mieux comprendre le cours ; l’ambiance de travail – le cours est vivant – la diversité des exercices – bonnes explications du professeur sur le fonctionnement de la télomérase ; bonne entraide entre les membres du groupe et bonne organisation – séance interactive avec les autres groupes – séance enrichissante – l’exercice sur la télomérase = très bien expliqué – le fait d’avoir pu travailler sur un nouveau (autre) chapitre – j’ai bien aimé les explications sur la télomérase – les ajouts sur les autres chapitres = ce qui donne un avis externe – le travail en groupe était interactif – découverte d’un chapitre supplémentaire ; on a appris de nouvelles choses, notamment avec la question sous forme de schéma au tableau, puis expliquée par le professeur – on change de chapitre, cela permet de connaître ce que les autres groupes ont fait – découverte d’un nouveau chapitre (le n+3) – les explications claires du professeur – travailler sur les schémas des autres groupes – bonnes explications sur le fonctionnement de la télomérase avec l’animation (vidéo) – l’exercice sur la télomérase avec le fait « d’échanger » les tableaux avec une autre équipe = c’était intéressant – cours très interactif : on ne s’ennuie pas ; thèmes abordés = très intéressants – exercice de fin de séance (la télomérase) pour comprendre des points du cours – c’est intéressant de travailler sur des schémas déjà commencés par d’autres équipes = cela permet de voir différents points de vue – c’est bien que l’on puisse retravailler sur les chapitres des autres équipes = ça nous permet de nous en imprégner davantage – intéressant d’avoir repris le schéma au tableau de l’équipe précédente – toujours voir ce que les autres font ; le petit cours sur la télomérase – j’ai bien aimé l’exercice de réalisation des schémas au tableau de l’ADN-télomérase = cela m’a permis de comprendre, bien mieux que dans des conditions d’apprentissage classique

Impressions négatives sur la séance : On n’a pas pu corriger notre propre chapitre – RAS (x2) – désolé, je n’ai aucune idée de points négatifs concernant la séance d’aujourd’hui… – on n’a pas eu le temps de finir notre schéma – difficile de faire un schéma de ce que l’on ne connait pas, surtout que cela ne concernait pas notre chapitre, ni un chapitre à étudier pour cette séance – les corrections des chapitres sont difficiles car on ne sait pas où les équipes sont allé chercher les informations – trop de travaux à faire sur les 2 heures… on n’a pas le temps de se focaliser sur un sujet et vraiment le travailler ; cours trop peu structuré, une fois de plus… – je n’ai pas aimé devoir trouver un sujet à compléter dans le chapitre d’une autre équipe car je n’avais pas forcément compris le reste du chapitre, donc c’était dur de comprendre ce que je faisais – la construction du QCM : je n’ai pas trouvé cet exercice plus stimulant que ça – trop désordonné, on travaille sur trop de choses à la fois ; pas assez de temps pour faire les exposés et la modification des chapitres ; compliqué de se plonger dans les chapitres des autres – exercice en début de cours sur d’autres chapitres = pas évident car on n’avait pas eu le temps de bien se les approprier – l’évaluation de la séance en fin de cours – pas assez de temps pour faire les différentes choses demandées – exercice sur la télomérase ; difficile de réfléchir sur un sujet que l’on ne connait pas forcément en très peu de temps – pas de correction à faire sur le chapitre qu’on avait à corriger – le fait de passer d’un chapitre à un autre, c’est un peu perturbant – à la fin de l’année, est-ce que l’on connaitra tous les chapitres ? – le temps imparti pour les exercices était trop court, difficile de s’approprier un chapitre qui n’est pas le nôtre ; envie de travailler sur notre propre chapitre – plus de travail dû à un plus faible effectif dans le groupe : le travail sur d’autres chapitres est plus complexe, car nous ne nous sommes pas complètement investis – certains exercices sont trop courts : il serait bien d’avoir une séance de plus pour bien finir nos chapitres de base – pas le temps de réaliser les exercices (le temps imparti était trop court) ; nous n’avons pas eu le temps de bien nous imprégner du chapitre que nous devions lire pour la séance – pas assez de temps sur les exercices (questions + correction du chapitre n+3) – il faudrait faire plus d’exercices sur les tableaux – ne pas pouvoir avancer sur notre chapitre – beaucoup d’exercices sur différents chapitres = on s’y perd à la fin – pas de temps pour finaliser notre cours – connaissance lacunaire des chapitres ; changement de schéma au tableau (lors de l’exercice) = compliqué à gérer – on perd du temps en faisant des chapitres qu’on ne connait pas bien encore… c’est flou et long ; j’ai l’impression qu’on n’aura jamais le temps de savoir tous les chapitres – petit temps d’adaptation pour compléter le nouveau chapitre : nous perdons un peu de temps pour comprendre le chapitre ; c’est compliqué de compléter le schéma d’un autre groupe au tableau puisque nous n’avons pas tous démarré de la même façon – on voit beaucoup de choses en une seule séance sans rester concentrés sur un point en particulier = compliqué pour la compréhension – on passe trop de temps sur des sujets aléatoires sans aller en profondeur – certains QCM n’avaient pas de sens (difficiles à comprendre) – on est coupés, on n’a pas le temps de finir notre chapitre, on est pressés : c’est dommage, on fait des exercices, on ne sait pas pourquoi ? on n’a pas les liens : ce qui est important, c’est une vision globale et on n’en a pas – nous n’avons pas fini de compléter le chapitre demandé ; finir l’exercice en cours serait mieux avant d’en commencer un autre – on « paye » les retards de chapitres de certains groupes – certains chapitres sont trop « en bazar » et donc c’est compliqué de cerner les parties finies ou pas – dommage que les consignes s’enchainent aussi vite car on n’a pas le temps de finir le travail en cours et il faut déjà passer à la suite – parfois les exercices vont un peu trop vite : on manque de temps pour bien réfléchir et aller au bout de nos idées – difficile de corriger le chapitre d’une autre équipe sans savoir vraiment ce qu’on cherche à compléter (car on manque de connaissances) = il est donc compliqué d’identifier d’éventuels manques – c’est assez long de s’approprier les chapitres des autres équipes

 

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