Il n’est pas évident d’évaluer la contribution d’un élève dans un travail d’équipe. Tous les enseignants vous le diront qui sont confrontés à ce genre de problème quand ils demandent à leurs élèves de construire une production commune qui sera évaluée, voire même très souvent notée. Dans la classe renversée, où les étudiants construisent en équipes de 6 à 7 personnes le contenu du cours, cette difficulté à évaluer la contribution de chacun dans son équipe a été résolue en adaptant un test pratiqué dans le monde de l’entreprise, celui du 180°.
Sous forme de provocation, il s’agirait de se demander : Comment détecter les passagers clandestins dans un travail collectif ? En cliquant sur ce lien, vous comprendrez mieux ce que sont ces petits papiers que je vous livre sur ces deux photos.
Dans la classe renversée, les étudiants sont invités à travailler en équipe pour produire le contenu du cours et même les questions d’examen. Au cours du semestre, ils sont évalués sur la qualité de cette production collective, ce qui leur vaut une note collective. Beaucoup d’entre eux, particulièrement ceux que l’on appelle par habitude « les bons élèves » (pas forcément les meilleurs, mais parfaitement adaptés aux méthodes pédagogiques classiques) n’aiment pas ce concept de « note collective ». Ils trouvent en effet injuste que tout le monde soit « payé » de la même manière et non proportionnellement à son engagement au service du collectif, ayant même souvent l’impression que ce sont eux qui bossent le plus en comparaison à leurs camarades de classe.
La méthode du 180° est un test qui propose à chaque étudiant d’exprimer la perception qu’il a du travail de ses camarades dans une même équipe, tout d’abord par rapport à lui-même, en s’évaluant sur une échelle à 6 niveaux (5 = excellent ; 4 = très bon ; 3 = bon ; 2 = moyen ; 1 = faible ; 0 = sans avis). Les étudiants sont amenés à donner leur avis sur les 5 critères d’évaluation jugés importants par l’enseignant pour le bon déroulement de la construction des chapitres en équipe : 1) la recherche d’informations pour être en mesure de rédiger les chapitres (IN), 2) la participation à la rédaction des chapitres (RE), 3) la recherche d’illustrations (schémas, photo ou vidéos) pour faciliter la compréhension des chapitres (IL), 4) les explications données aux membres de son équipe qui ont des difficultés de compréhension (EX) et 5) la communication avec les autres équipes pour enrichir la production de son chapitre (CO).
Quelques éléments de méthode : Pour être sur que les étudiants ne soient pas influencés par leurs voisins de table lors du test, on procède de la manière suivante : alors qu’ils sont répartis en équipes à leurs tables respectives, on leur demande de se déplacer chacun vers une table différentes, sauf l’un ou l’une d’entre eux qui ne change pas de place. C’est le principe de la ventilation qui fait qu’autour de chaque nouvelle table, aucun des étudiants n’aura de collègues de son équipe. Cela va donc empêcher les influences lors du remplissage des fiches, puisque personne n’est concerné par les réponses des autres aux évaluations par catégorie d’action. De plus, le format des fiches qui leur est proposé est de très petite taille, ce qui les oblige à écrire en très petits caractères, empêchant ainsi la curiosité des autres au moment du test.
Les étudiants vont d’abord s’autoévaluer sur une échelle de 0 à 5. Ils le font en utilisant une grille à 6 niveaux (avec des scores identifiés de 5 à 0). Cette première autoévaluation qui les invite à réfléchir sur leur propre implication dans le groupe, leur servira ensuite de référence. Ils vont ensuite «évaluer leur perception » du travail des autres membres de leur équipe, non plus en utilisant cette grille, mais cette fois-ci par rapport à eux. Ainsi, si on considère par exemple un critère d’évaluation comme IN : dans un premier temps, l’étudiant se note lui-même (il s’attribue un score). Imaginons par exemple qu’il se donne 3 (ce qui veut dire « bon »). Dans un deuxième temps, lorsqu’il notera ses camarades, à chaque fois en les comparant à lui-même et non plus en utilisant la grille. Par exemple, il mettra automatiquement 3 à tous ses collègues dont ils pensent qu’ils ont été aussi efficaces que lui dans la recherche d’informations (IN) sur internet ou dans les ouvrages. Il mettra automatiquement 2 à ceux qu’il trouve moins efficaces que lui dans ce domaine (voire 1 si la différence est importante). Il mettra automatiquement 4 s’il pense que son camarade a été plus performant (voire 5 en cas de très nette différence). Se noter soi-même par rapport à une grille est difficile pour un étudiant, mais faisable. Noter les autres est plus facile par rapport à soi qu’en utilisant une grille, car les étudiants manquent de référence en évaluation du travail des autres, sauf s’il s’agit de se comparer aux autres, ce qui leur parait moins complexe. Au final, les étudiants évaluent avec ce test la « perception qu’ils ont » du niveau d’engagement des autres membres de l’équipe par rapport au leur et non par rapport à une moyenne qui serait imposée par l’enseignant.
L’enseignant récupère ensuite les grilles des étudiants et va faire la moyenne, grille par grille des scores de chacun dans une même équipe (sans tenir compte de son propre score qui n’a comme seul but de sonner une référence de départ) ce qui donne un tableau, puis un histogramme.
Ci-dessous à titre d’illustration deux histogrammes obtenus cette semaine du 6 mars 2023 et qui représentent les résultats du 180° pour 2 équipes sur les 11 de cette année universitaire. Sur le premier, on observe une bonne homogénéité dans l’équipe composée de 6 étudiants. Les différences de valeur moyenne entre les étudiants ne sont pas significatives, ce qui veut dire que tous ces étudiants considèrent avoir fourni une quantité et qualité de travail à peu près égales.
Sur le deuxième histogramme, on s’aperçoit que l’élève 1, voire aussi un peu le 2, est considéré par les autres comme ayant contribué davantage au travail collectif. Quant à l’élève 4, c’est plutôt le contraire.
Les résultats de ce test ne sont pas rendus aux étudiants. Ils servent uniquement à l’enseignant pour moduler la note individuelle de certains en attribuant des bonus ou des malus, ceci de différentes façons qui restent au choix.
Inspirant ! Je vais proposer cette méthode aux formateurs que j’ai en formation.
Merci pour le partage ! Nous utilisons une méthode plus « classique » avec ChallengeMe pour identifier la contribution individuelle, mais je note d’ajouter celle ci dans nos futurs développements !
« Sur le deuxième histogramme, on s’aperçoit que l’élève 1, voire aussi un peu le 2 », ça ne serait pas plutôt « voir aussi un peu le 5 » ?