Dans un contexte économique plus que tendu, un « fossé se creuse entre les déclarations des ministres sur le budget et ce que l’on vit dans les établissements » (Marc Neveu, cosecrétaire général du Snesup), au point qu’« on n’a jamais vu une telle attaque envers l’enseignement supérieur et la recherche » (Jean-Loup Salzmann, président de la CPU).
Ces coupes budgétaires sont d’autant plus alarmantes que les mesures de restrictions sur les budgets de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche auxquelles s’ajoute l’annonce d’une réduction considérable des crédits CPER pour la période 2015-2020, sont en rupture flagrante avec la « sanctuarisation » des financements de l’ESR, naguère si souvent et si fermement affirmée (on lira ici la motion adoptée lors de la réunion du CNESER du 24 novembre).
Contraintes à une absurde fuite en avant qui leur fait « geler » des emplois, c’est à dire renoncer à leurs missions de formation et de recherche, les universités publiques connaissent de grandes difficultés. Alors qu’il est attendu des universités et des enseignants-chercheurs, plus généralement de l’ensemble de l’enseignement supérieur, qu’elles se situent face à la trop réelle concurrence internationale, ces choix politiques à courte vue sont catastrophiques.
Que ces coupes scélérates aient été subrepticement introduites à l’occasion d’un amendement lors du débat parlementaire, témoignent de ce que leurs effets dommageables ne peuvent avoir été ignorés par ceux qui les ont pourtant promus.
Seulement voilà … le contexte est « tendu » … et chacun se contente de cherche à écarter le mistigri tout en choisissant d’ignorer que défausse ne vaut pas disparition. Les injonctions contradictoires se multiplient en vain, ainsi, récemment : « Que les petites communes se regroupent ! » « Que les grandes communes limitent leurs dépenses ! » « Que l’Etat renonce aux transferts de charges ! » …
Il est pourtant patent qu’à force de vouloir sacrifier à la nouvelle (fausse) maxime que « économies bien ordonnées commencent par autrui », rien ne se fait.
Dans la continuité du billet précédent, il me semble possible d’esquisser une manière de penser certaines économies, dans l’optique d’un changement de modèle.
On en trouvera une illustration en revenant sur la mobilité étudiante, souhaitable en elle-même comme élément de formation, convoquée pour servir d’alternative à la sélection, et son lien direct avec les problématiques du logement qui vient de faire l’objet d’un débat parlementaire à l’occasion du retour sur la loi sur la mobilisation du foncier public, votée en 2013.
En France, le choix a été fait de faire dépendre le logement étudiant du secteur privé, tandis que l’Etat intervient sous forme d’aides au logement. On peut regretter ce choix. Revenir en arrière en faveur de campus complets prendra d’autant plus de temps qu’en dépit de sa pertinence le sujet n’est pas mis en discussion !
Pour l’immédiat, seule la question des aides peut être envisagée.
Elle l’est d’ailleurs, depuis plus de 10 ans, dans de nombreux documents, reportages et études, au premier chef les rapports de l’INSEE (ici) ou les analyses de « Economie et Statistiques », la revue que publie l’Institut (particulièrement le numéro 351, paru en 2002). On peut aussi consulter un article du journal Le Monde (2 août 2002), puis cet autre toujours publié dans le Monde, en Novembre 2005 cette fois. Un reportage de France 2 peut être visionné (ici). La lecture peut se poursuivre via cette source, plus récente, publiée en avril 2014 (ici) . Un autre article est à consulter, dans Libération cette fois (ici). En matière d’articles scientifiques, on pourra lire avec profit : Fack G. (2005), « Pourquoi les ménages pauvres paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L’incidence des aides au logement en France (1973-2002) », Économie et Statistiques n° 381-382, p. 17-40 et Olm C. ; Aldeghi I. (2007), « L’impact des aides publiques sur les inégalités face au logement », Credoc, Cahier de recherche 245.
L’échantillonnage proposé est loin d’être exhaustif, il ne s’agit d’ailleurs aucunement d’empiler des références mais, plus efficacement sans doute, de souligner à la fois que les discussions autour de l’APL ne sont pas nouvelles et que les diverses études et démarches convergent vers une conclusion semblable !
Le constat est ancien et n’a pas changé au fil du temps et d’études qui évoquent, toutes, un lien direct entre allocations logement et augmentations des loyers, notamment lorsque l’offre est insuffisante pour répondre à l’accroissement de la demande, ce qui est le cas en France. Les aides ne provoquent alors qu’une inflation des loyers privés. Par son effet inflationniste sur le marché locatif, le dispositif, outre qu’il est onéreux pour les finances publiques, pénalise d’abord les ménages à bas revenus.
On note parallèlement que le cumul de l’accès à l’APL et du rattachement des étudiants au foyer fiscal de leurs parents, constitue un avantage pour les ménages « aisés » (= qui paient plus d’impôts que les autres). Au printemps la Cour des comptes avait d’ailleurs estimé opportun un recentrage significatif du public des étudiants bénéficiaires de façon à réduire la pression exercée par la demande sur les petits logements et éviter ainsi qu’elle se traduise par des hausses de loyers, retournant ainsi, de fait, le dispositif contre ceux à qui l’aide devrait bénéficier. Elle s’était attiré les foudres des organisations syndicales étudiantes (voir ici la réaction de l’UNEF).
On s’interrogera sur les motifs d’un acharnement sur la même (fausse) route d’une politique, de fait inégalitaire et largement inefficace, tout entière tournée vers le seul soutien de la demande.
On pourrait sans doute aussi se demander, sans faire montre de trop d’impertinence, pourquoi (sembler ?) renoncer à une hypothèse avancée lors de la campagne pour la présidentielle, qui envisageait la refonte de l’ensemble des aides (bourses et aides au logement) dans une seule et même allocation mensuelle, qui aurait le double mérite de clarifier le dispositif tout ne permettant plus de distinguer la part destinée à l’habitat, évitant ainsi qu’elle puisse être intégrée au calcul des loyers demandés aux étudiants.
Faute d’argent, il est d’autant moins interdit d’avoir des idées que bon nombre d’entre elles sont déjà sur la table, et depuis longtemps !
Les aides aux étudiants, les financements des universités ne peuvent se réduire à la revendication de leurs augmentations en l’état. Pour être à la fois à la hauteur des défis et des besoins, c’est vers un plan d’ensemble, porteur des propositions fortes, voire novatrices, qu’il est urgent de se tourner.
Le débat est ouvert ….