PIA stop ou encore ?

Les diverses figures imposées des investissements d’avenir sont désormais éclairées par la publication du rapport parlementaire qui leur est consacré.

Parallèlement, les exercices de prospective se multiplient autour des universités. Un rapport commandé par le gouvernement sur la « Stratégie nationale de l’enseignement supérieur » devrait être publié prochainement. Il a été précédé par un rapport publié par l’Institut Montaigne « Université : pour une nouvelle ambition », (voir ici),

Le diagnostic y est sévère. Il dénonce un système où la sélection se fait par l’échec et dont la logique «conduit à mettre les meilleurs étudiants et une grande partie de la recherche publique dans des écoles et des organismes séparés des universités ».

Les propositions de l’un ou l’autre rapport ne pourront ignorer le rapport parlementaire, présenté par les députés Alain CLAEYS (PS) et Patrick HETZEL (UMP). Ce document traite précisément des rapprochements entre universités, écoles et organismes. Cette large étude (190 pages voir ici) a été remise « en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur la gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur ». Elle présente l’intéressante caractéristique d’être adossée à des dispositifs effectivement en place et d’avoir été construite sur la base de nombreuses auditions. Le déclaratif et la proposition le cèdent à l’expertise de mesures et évolutions observées dans le cadre des investissements d’avenir, pour une large part déclenchées par ces investissements.

Alors que la seconde campagne PIA-idex est en cours et que les premières sélections devraient être connues avant la fin du mois, le rapport définit les acquis de la démarche et analyse les opportunités d’une troisième campagne. Les conclusions présentées dans le rapport sont d’autant plus largement appelées à peser dans les définitions de l’avenir des universités que les sommes engagées sont importantes et que, dans l’ensemble, les résultats constatés confortent la démarche.

L’enjeu premier qui est rappelé, est celui des rapprochements stratégiques. Le rapport expose que « les auditions des dirigeants de grands organismes de recherche comme de responsables d’Idex montrent la réalité de la structuration des sites érigés en Idex par le PIA ». Un commentaire de Bernard Bigot, administrateur du CEA, illustre les progrès permis dans le cadre de ce processus « malgré une certaine complexité, les Idex, les Labex et les Equipex s’avèrent bénéfiques, car ils permettent de travailler en commun ». De son côté, Alain Fuchs (président du CNRS) pointe le développement de synergies fortes : « le concours des Idex a permis au CNRS de développer une véritable politique de sites et des partenariats étroits avec ses partenaires universitaires ».

Certes tous les objectifs ne sont pas déjà atteints, l’ampleur de la mission l’interdit. En revanche le chemin emprunté est considéré comme menant effectivement au résultat recherché, ce qui est donné comme étant plus qu’un encouragement à poursuivre l’effort et la démarche. Comme l’explique Louis Gallois (Commissaire général à l’investissement de 2012 à 2014) «L’effet transformant de l’Idex est évident.»

Ce constat appelle comme corollaire l’idée que « un tel effet transformant suppose d’abord une gouvernance solide », même si les interlocuteurs des parlementaires admettent que « l’établissement d’une gouvernance solide pour chaque site sélectionné ne va pas forcément de soi ». Leur conviction s’appuie sur des exemples déduits de l’expérience de certains sites. Ainsi, Louis Gallois après s’être « félicité de la transformation à l’œuvre à Saclay » ajoutait : « je suis plus inquiet pour l’Idex de Toulouse, où je n’ai pas senti de véritable affectio societatis. Il en va de même à Montpellier, où le niveau scientifique est tout à fait adapté, mais où, faute d’entente entre les universités, il sera très difficile de constituer une Idex. En effet, nous ne pouvons pas accepter une gouvernance insuffisante. »
De son côté, lors de son audition, Louis Schweitzer (qui, fin avril 2014, a succédé à Louis Gallois comme commissaire général à l’investissement) évoquait les évolutions en ces termes : « Si les réorganisations suscitent quelques protestations – c’est une litote ! –, c’est qu’elles changent réellement les choses, notamment pour les formations doctorales. »

Pourtant ce sont les « répercussions positives » qui sont mises en avant. Parmi elles figurent « une visibilité accrue et une meilleure lisibilité des diplômes grâce à la mise en cohérence des diplômes délivrés au sein d’une même Idex. Dominique Vernay (président de la Fondation de coopération scientifique Campus Paris Saclay) a ainsi indiqué aux rapporteurs que, dans le cadre de cette idex, « alors que cet objectif était d’une mutualisation de 100 % des doctorats et de 30 % des masters, la quasi-totalité des masters est désormais mutualisée, à la surprise générale : il y a bien un effet spontanément structurant des Idex ».
Un effet structurant des Labex est également souligné. Son existence est estimée « créatrice de décloisonnements » tandis qu’il apporte une « meilleure visibilité aux travaux des chercheurs qui y travaillent » et exerce une « influence favorable sur la qualité de la formation », sans oublier « l’effet de rationalisation et de valorisation ».

Le rapport souligne en outre la continuité mise en place au-delà de l’alternance politique, observant que, « en matière de structuration, la politique des Idex est désormais relayée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ».
Si donc aucune des signalisations n’est au rouge, pas même, semble-t-il, à l’orange intermittent, non seulement il convient de tenir compte de cet ample rapport, mais d’ores et déjà quelques-unes de ses préconisations peuvent être soulignées.

Les modalités des évaluations sont jugées satisfaisantes, le rapport propose leur reconduite. Ce qui est nouveau en revanche, c’est la volonté accrue d’évaluation de l’existant, l’insistance sur une évaluation ex post.

Ce choix correspond à un raisonnement qui peut ainsi se décomposer :
– les dossiers « les meilleurs » au moment de l’évaluation ont déjà été sélectionnés,
– ces choix ont abouti à une répartition lacunaire des attributions des idex,
– le projet des idex est celui d’un double développement d’une structuration et d’une excellence, il ne s’agit aucunement d’aller vers un simple financement de pôles régionaux, sans conséquences sur les structures de gouvernance ni sur l’excellence,
– ont donc vocation à constituer les nouvelles Idex les sites universitaires et de recherche dont le projet de gouvernance ou l’affectio societatis n’avaient pas été jugés assez solides pour qu’ils soient sélectionnés

C’est donc ce dernier point qu’il s’agit de cibler. Pour réussir, il appartient à ces sites d’accomplir « de réels efforts en vue de l’excellence et d’une gouvernance robuste ».
La solidité et l’efficacité de la gouvernance des Idex doivent être comprises comme une exigence première. D’ailleurs, dans le cas où la gouvernance d’une Idex serait remise à une COMUE, celle-ci devrait alors préalablement avoir établi, pour sa propre gouvernance, des règles solides et claires, manifestant une véritable affectio societatis entre ses composantes.

Attestant de résultats, décrivant les moyens utilisés pour y parvenir et soulignant clairement les conditions d’éligibilité pour la création de nouvelles idex, ce rapport parlementaire montre (aussi) la voie aux divers sites candidats dont il est attendu qu’ils intègrent le fait que « l’aménagement du territoire est un non-critère pour les investissements d’avenir ».

Comme le souligne Jean-Pierre Korolitski, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire au Commissariat général à l’investissement, « après le temps de déclarations d’amour est venu celui des preuves d’amour ».

Encore moins que toute autre, une évaluation ex post, ne saura se contenter d’une gouvernance « light » qui laissera trop facilement apercevoir que ses principes demeurent « en construction » ou encore que les contours de l’affectio societatis qui la fonde restent « à conforter ». Il y a une forte dimension prédictive dans ce rapport parlementaire.

 

Naturellement il est toujours possible de déplorer le déploiement de xyloglossie dans le rapport, plus encore de contester les règles qui y sont rappelées. Il devient en revanche de plus en plus difficile pour ceux qui participent au jeu, d’en ignorer le règlement comme de croire à son imminent remplacement.

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