Divers « baromètres » récemment publiés, notamment par educpros et par l’UNSA, soulignent « le malaise qui s’enracine à l’université » (ici), « le stress qui accompagne les fusions » (ici), et décrivent un monde de l’enseignement supérieur et de la recherche « au bord de la crise de nerfs » (ici). On lit la prolongation de ces inquiétudes dans le baromètre UNSA complet (ici) qui pointe « trois préoccupations majeures » qui s’expriment aussi dans les baromètres spécifiques au monde de l’enseignement supérieur, le pouvoir d’achat (cité par 59%) l’absence de perspectives de carrière (45%) et la surcharge de travail (40%).
La question qui se pose est, naturellement, de savoir s’il est possible de continuer ainsi. Peut-on vraiment ignorer plus longtemps l’absence de perspectives partagées, les incertitudes quant aux financements, renforcées par les ponctions sur les fonds de roulement, le sentiment d’un immense gâchis eu égard aux taux d’échec constatés ?
La brutalité qui caractérisait le quinquennat précédent a laissé des traces. Aujourd’hui, certes, cette brutalité a disparu des mots. Elle demeure pourtant présente dans les faits, d’une façon d’autant plus désespérante que les saillances qui permettraient la mobilisation et l’espoir d’une évolution ont été soigneusement gommées. Au point qu’aucun projet n’est plus exprimé. Au point que pendant trois mois la nomination d’un nouveau ministre, ou même d’un secrétaire d’Etat pour l’enseignement supérieur a été retardée. Une bien étrange situation qui n’a jamais reçu le moindre début d’explication.
Aujourd’hui qu’un secrétaire d’Etat a été nommé, personne n’imagine que tout sera résolu, comme par enchantement. Certes. Tout le monde est pourtant en droit de penser qu’il est urgent qu’un cap soit donné, et que les mots du dialogue soient clarifiés.
Voici donc un petit lexique de termes à clarifier :
« fusion », la binarité fondamentale du système, formations sélectives versus formations ouvertes « de droit » à tous n’est pas mise en cause.
« COMUE », ces « communautés » ne reçoivent que peu de délégations de compétence venues des établissements universitaires et quasiment aucunes des autres établissements, s’agit-il de simples communautés de gestion ? avec quelle utilité réelle ?
« sélection », « sélection par l’échec », sans cesse brandies contre les universités, soit pour dénoncer leur éventuelle pratique d’une sélection autorisée dans tout le reste de l’enseignement supérieur, soit pour dénoncer leurs incapacités à améliorer un taux d’échec désespérant, qui dépasse 50 % (pour les résultats de la cohorte 2007 voir ici) … ceci, naturellement sans que personne s’avise des formes d’échec qu’organisent les formations sélectives, en premier lieu à l’égard de ceux qu’elles n’ont pas retenus, ensuite pour ceux qui ne sont pas reçus aux concours d’entrée ou pas à ceux qu’ils ambitionnaient.
« égalité des chances », depuis une dizaine d’années, le pourcentage d’élèves en difficulté face à l’écrit a augmenté de manière significative, près d’un élève sur cinq est aujourd’hui concerné en début de sixième, les populations les plus fragiles sont concentrées dans certaines parties du territoire, urbaines mais aussi rurales. (on consultera avec intérêt et profit le rapport présenté par Jean-Paul Delahaye, Inspecteur général de l’Éducation nationale, consacré aux conditions de la réussite pour tous et qui mérite une diffusion bien plus large que celle qu’il connait; voir ici)
« lien enseignement recherche », l’université accueille de plus en plus d’étudiants en difficulté qui ont fait ce choix par défaut, les étudiants qui, de fait, porteront un projet de recherche auront au cours de leur formation contourné, totalement ou au moins partiellement, en premier cycle, l’enseignement universitaire dispensé par des enseignants-chercheurs de moins en moins en phase avec leur public.
« cadre national des diplômes », les diplômes varient de nature, selon qu’ils sont délivrés par des écoles ou des universités, mais aussi, de fait, d’une université à l’autre, il suffirait d’observer les mécanismes d’inscriptions aux divers niveaux et les flux migratoires des étudiants, notamment vers les universités parisiennes.
« conséquences du programme d’Investissements d’Avenir sur l’organisation de l’enseignement supérieur », elles existeront (sinon à quoi bon investir) reste à savoir comment les préparer (pour éviter d’avoir à les subir)
« doctorat », la loi de 2013 avait ouvert la porte à une évolution de la reconnaissance du doctorat, le projet de texte a fuité en avril 2015 provoquant des réactions négatives et un report de cette réforme à la rentrée 2016 (plus d’infos ici), dans ce cadre devra aussi être posée la question de l’accès aux masters. Trois ans pour construire un projet sur un objet pourtant central à l’ESR ?
« financements des universités », il faudra bien sortir d’impasses aggravées par la non compensation des dépenses liées au GVT [glissement-vieillesse-technicité] pourtant largement déterminées par les conventions nationales comme par les exemptions de droits d’inscription pour les boursiers, pas plus compensées.
Clarifier c’est définir une stratégie, le secrétaire d’Etat n’y suffira pas seul, il lui appartient pourtant d’en prendre l’initiative politique et d’inaugurer une réflexion … et non d’initier un rapport (de plus)
A défaut, naturellement il reste la tempête ….. éspérons plutôt qu’un souffle aimable vienne les voiles gonfler…