La COMUE Lille-Nord de France a, comme les autres, été voulue par la loi. Elle s’apprête maintenant à rencontrer le test de la désignation de ses instances par voie d’élection dans les divers collèges.
Ce moment particulier se situe dans un double contexte de proximité entre ces élections et celles qui vont désigner les conseils des nouvelles régions et de généralisation du ressenti d’un hiatus entre le «moment électoral» et le «moment gouvernemental».
Parce que sa mission combine la production de savoirs et la diffusion des connaissances, l’université a une responsabilité particulière. A cet égard, avoir invité à Lille Pierre Rosanvallon, spécialiste de l’histoire de la démocratie, pour la conférence inaugurale, année universitaire 2015/2016, de l’université de Lille est indéniablement une bonne idée. C’est l’occasion de prolonger la réflexion autour des ressentis de mal-représentation, d’un côté, de la tentation du césarisme et des dérives aventuristes, de l’autre. C’était aussi comme une manière d’inviter les universitaires à contribuer à l’invention de nouvelle manière de poser les relations entre gouvernants et gouvernés.
Chacune à sa place, chacune selon ses moyens, la COMUE comme la représentation nationale sont de fait confrontées à la nécessité d’en passer par une jouvence de la démocratie et l’invention d’autres formes de gestion du pouvoir, d’autres manières de sortir des apories de la mal-représentation, de manière à sublimer le rite du « rendez-vous devant les électeurs ».
La nature de ce blog me conduit à m’en tenir au monde de l’enseignement supérieur, plus particulièrement donc à la COMUE, notamment à deux des écueils qui restent à surmonter.
Le premier des deux est évidemment celui qui consiste à laisser croire que la COMUE ne « fera » rien, que par conséquent l’absence d’intérêt pour le vote confirme l’irréalité des COMUE. C’est faire l’étrange choix de l’oubli du réel. La loi a construit les COMUE pour qu’elles soient l’interlocuteur principal, sur chaque site, pour le pouvoir central, notamment dans l’élaboration des contrats quinquennaux et avec eux des financements. De leur côté, les élus des Grandes Régions en construction, en Nord-Pas de Calais-Picardie comme ailleurs, seront soucieux d’échanger avec des partenaires que le suffrage aura construit, là encore en particulier lorsqu’il s’agira de répartir les subventions. (Laisser) Croire qu’une telle structure n’aura pas de rôle dans la prise de décision, c’est au mieux de la naïveté.
Le second écueil est symétrique du premier et accroît le sentiment de mal représentation déjà diffus parmi les citoyens, a fortiori ces citoyens sensibles que sont les universitaires. L’écart (il faudrait dire le fossé) est trop marqué entre la phalange réduite de ceux qui auront été élus pour animer la COMUE, à côté d’un nombre non négligeable de membres de droit, d’un côté et, de l’autre, l’ampleur des COMUE, nombre des établissements, nombre des tutelles, nombre d’étudiants, nombre des personnels administratifs, nombre des catégories aux intérêts divers voire divergents …. A cet égard d’ailleurs l’exemple de la COMUE Lille Nord de France est particulièrement édifiant puisque aux volumes évoqués, s’ajoute le fait que cette COMUE mélange des établissements publics et un établissements catholique.
Naturellement, nous touchons là aux limites des COMUE et de leurs statuts qui en font des outils exécutifs et non des lieux de délibération. Est-ce une raison pour s’en désintéresser ? Un motif de ne pas se demander (et donc prévoir) comme dans le concret ces difficultés seront abordées ? Un programme, des engagements des élus seraient bien utiles. Fallait-il au contraire considérer que devant la complexité de la tâche il convenait de ne rien voir, ne rien dire, ne rien faire ?
En réalité, le piège s’est refermé. En affichant la « non-importance » des COMUE, en laissant un vaste silence se mettre en place autour des candidatures, en éludant le débat sur la représentativité, « on » laisse s’installer une zone de « confort » provisoire, pas de questions qui fâchent, pas d’interrogations qui pourraient montrer que « le roi est nu ».
Il y aura pourtant des listes, il y aura pourtant des élus, il y aura pourtant des personnes qui auront été légitimement désignées pour administrer, délibérer et voter … et celles-ci n’auront de compte à rendre que devant ceux qui auront œuvré pour que « juste à temps » mais « à temps quand même » la machine tourne…. Etrange machine ! Etrange « projet » de gestion démocratique !
Je ne suis pas de ceux qui prônent la politique de la chaise vide…. ça ne m’empêche pas de me dire que la manière dont les candidats vont être désignés puis élus, (car ils le seront!) plus encore la manière dont, ensuite, les postes de responsabilité seront répartis, pour le moins manque d’allure et pire encore de pertinence politique.
Quelques interrogations pourraient peut-être contribuer, en contre-point, à tracer une perspective: L’omerta a-t-elle jamais servi d’autres cause(s) que celle(s) de ceux qui l’ont instituée ? Comment, à l’université, aux élections régionales, dans le pays, faire avancer le projet d’une « démocratie de la confiance », sur base de projets partagés ? Dans l’immédiat, face au sujet de la désignation des représentants élus à la COMUE, comment rattraper l’immense déficit démocratique dans lequel nous nous lançons (aveuglément?) ?