Retour sur l’année écoulée et retour du blog en mode colibri (1)

Il y a un an … en novembre 2016 … Alain Juppé pouvait raisonnablement penser qu’il serait le prochain président de la république ; François Hollande n’avait pas admis, à tout le moins il n’en laissait rien paraître, qu’il allait devoir renoncer à être candidat. 


Plus globalement, les douze derniers mois écoulés, un peu plus en fait, ont été ceux des prévisions déjouées et des horizons d’attente déçus.

Au Royaume-Uni le piège du référendum sur l’Europe s’est refermé sur David Cameron. L’élection de Donald Trump, début novembre 2016, proposera une deuxième occasion de défiance envers les sondages d’opinion. Viendront ensuite l’automne-hiver 2016/2017, marqué par la débâcle Juppé, puis le feuilleton Fillon, sa victoire non programmée à la primaire suivie de sa défaite dans « l’élection qui ne pouvait pas être perdue ». Cette fois les sondages ont accompagné le renversement de la tendance. Pourtant, il y a douze mois, qui aurait cru à une telle évolution ? Qui aurait alors parié qu’au printemps 2017, alors que le centrisme semblait avoir trépassé, le « en même temps la gauche et la droite » triompherait ? La série se poursuivra avec en octobre 2017, la proclamation d’indépendance en Catalogne puis, en ce mois de Novembre, le constat de l’insuccès (pour ne pas encore dire la défaite) d’Angela Merkel.

Le « dégagisme » que certains avaient un temps posé en principe pour l’action, ne suffit pas à expliquer ces revirements.

On observe facilement quelques marques de l’évolution en cours. Il y a bel et bien une crise de la démocratie libérale, des deux côtés de l’Atlantique. En même temps, l’économie de marché, seule en place après la démonstration des apories de l’économie « socialiste » affiche ses limites devant la montée brutale d’inégalités, dorénavant constatées à l’échelle planétaire. La crise de confiance est aussi une crise des projets, notamment de régulation du monde comme il va. La fin des trente glorieuses, la crise de 2008 (et au delà) mettent en difficulté les systèmes de protection des citoyens et de juste répartition des richesses. Les conditions de crédibilité des promesses de la social-démocratie en sont d’autant plus affectées que les déséquilibres économiques (chômage, balances commerciales, dettes) demeurent tandis que les structures financières et bancaires qui ont provoqué la crise n’ont pas réellement été changées. Une autre crise, dite «des migrants » souligne l’impréparation à l’accueil « de toute la misère du monde » et interroge la légitimité d’un tel accueil.

Restent «sur le pavé », parfois littéralement, une majorité de déçus, les floués de l’Europe, les insatisfaits du capitalisme, les orphelins du clivage gauche/droite, les effarouchés de la crise morale (plutôt à droite), les meurtris des trahisons (plutôt à gauche), tous les délégitimés, tous ceux dont les repères et les perspectives sont brouillés, à gauche et en même temps à droite.

Le repli identitaire n’est plus une affaire de définitions selon la race ou la culture, il ouvre d’un côté la porte grande au fondamentalisme religieux et à la charia aujourd’hui comme hier à l’inquisition, au nationalisme de l’autre avec son funèbre cortège d’extrémismes rances, de xénophobes et de racistes. Tout cela anime une politique de la colère, sans doute produite par la peur, assurément d’autant plus fascinée par les nouveaux populismes que les relais de l’expression populaire qu’offraient partis et syndicats s’effacent progressivement.

D’ailleurs, si l’on accepte la définition convenue d’un parti comme formant une association volontaire de citoyens au service d’une idée, il faut se résoudre à reconnaître qu’aujourd’hui, « l’idée » manque ou du moins se délite, le parti perd alors de sa raison d’être sauf à s’incarner en actions, mais c’est alors au prix de perdre de vue l’élaboration d’un projet que les militants ont d’abord pour mission de diffuser, affichages, tractages … et plus de le définir collectivement.

Ce recul des partis n’est peut-être pas sans lien avec une forme de fluctuation des opinions. Les partis, avec leurs membres « encartés » mais aussi les compagnons de route à qui s’ajoutent sans doute les options syndicales, formaient des sortes de « blocs d’opinion » alors qu’aujourd’hui une labilité accrue s’affirme.. On n’appartient (et l’expression est pleine de sens) plus à telle ou telle instance. La « conscience de classe » recule devant d’autres définitions et les glissements d’un extrémisme à l’autre deviennent moins étonnants, sans compter que la croyance en un modèle, figurant l’espoir de jours meilleurs, a beaucoup reculé devant les réalités nouvelles …mondialisation et supranationalités ne font pas rêver mais surtout elles s’affranchissent des fidélités anciennes et sans doute accroissent, par contraste, la propension au « moi d’abord ». Faire naître des majorités d’opinion dans ce contexte est de plus en plus difficile. On peut penser ainsi au Parti conservateur britannique qui se déchire encore autour du Brexit ou aux difficultés des allemands pour trouver une alliance majoritaire dans le nouveau parlement. En France, ne sortons nous pas d’une période où l’exécutif, notamment le président d’alors, était soutenu par une bonne partie de son « camp » comme la corde soutient le pendu et où la posture du frondeur dispensait d’avancer des propositions cohérentes et réalistes.

De bien des côtés, les incertitudes sont grandes. Les temps nouveaux le sont sans doute avant que l’idée vienne à quelqu’un de déclarer qu’ils le deviennent. Il faut pourtant bien du temps pour identifier la nature de cette novation,en dépit de l’insistante annonce, en France, d’une volonté de faire ce qui a été dit.

Simultanément, pour en revenir à l’objet principal de ce blog, les enjeux de l’évolution des universités continuent à prendre la forme de plusieurs défis, de son projet, de ses financements, des autonomies. Un certain nombre de propositions émergent, ainsi sur l’accès à l’université … reste à voir quelle suite sera donnée … modalités d’application, notamment sur la structuration de l’enseignement supérieur, lien avec les écoles, gouvernance … Il s’agit d’inventer des formes nouvelles et efficaces pour donner davantage d’autonomie pédagogique et de moyens, telles que les seconds ne soient pas masqués par l’agitation autour du premier Il s’agit aussi de devenir capables de protéger les étudiants les plus modestes avec une véritable aide sociale, tout en permettant sans doute aux universités de faire contribuer leurs étudiants les plus aisés. Il s’agit encore de soutenir, voire développer, l’apprentissage, d’adapter la formation continue, plus généralement, selon une formule du président Macron, de donner le goût de l’université française.

Tout cela encouragerait facilement à la sidération, pourtant, à condition de demeurer lucide sur la capacité de chacun à faire bouger les lignes, c’est aussi parce que chacun peut contribuer, à sa place et à sa mesure, aux progressions, en mode colibri, que ma résolution est finalement prise de poursuivre ce blog.

(1) la référence est au mouvement colibris qui tire son nom d’une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi, son fondateur :

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! « 

Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

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