C’est la rentrée, pourtant à l’université de Lille c’est déjà l’heure des comptes.
Le premier s’attachera au décompte de ces étudiants que l’on désigne aujourd’hui comme « extra-communautaires » . Leur nombre va sans doute accuser une baisse … liée à la hausse de leurs frais d’inscription dans le cadre d’une politique de « droits différenciés » mise en place par le MESER.
Le gouvernement le demandait, l’université de Lille l’a fait… avec seulement 6 autres universités (sur 73) qui appliquent une disposition qui, par exemple, fixe à 2 770 € (16 fois plus que l’an dernier !) le montant des frais d’une inscription en licence.
La conférence des présidents d’université (CPU) dans un communiqué publié en décembre 2018 avait pourtant mis en garde et rappelé que « pour opérer un saut qualitatif dans les politiques d’accueil des étudiants internationaux, qui ont déjà progressé, nous avons besoin de moyens supplémentaires mais l’augmentation générale des droits d’inscription annoncée ne constitue pas une réponse adaptée, car elle porte en elle le risque important d’exclure des étudiants et des doctorants que nous accueillons aujourd’hui. »
Depuis cette époque, les doctorants ont été exemptés d’une hausse des droits d’inscription que l’université de Lille a limitée aux seuls étudiants de licence.
A l’université de Lille, François-Olivier Seys, vice-président de l’université chargé des relations internationales, explique que « cet argent nous aidera à mieux accueillir les étudiants étrangers, même si nous aurions préféré que l’Etat nous donne directement les moyens » puis ajoute que « l’université de Lille a choisi de « jouer la transparence tout de suite. L’an prochain, la plupart des universités seront contraintes d’appliquer cette hausse des tarifs, y compris à ceux qu’ils auront exonérés cette année. »
On se demandera si cet affichage d’une vertu différenciée (et la rupture de la coutume de solidarité entre les établissements) a bien prévu les moyens de l’identification des sommes ainsi collectées et leur fléchage effectif à la cause annoncée …
La question n’est malheureusement pas totalement injustifiée lorsque la situation financière et comptable de l’université est envisagée, notamment à la lueur de ce que fut la gestion de l’université Lille1 au cours des récentes années. « Une formation coûteuse et mal pilotée », « une politique RH qui s’affranchit de la réglementation », « une situation financière très dégradée », « une absence de contrôle et de pilotage »… le bilan que dressait la Cour des comptes en juillet 2018, récemment rendu public, est particulièrement sévère. Il avait conduit la Cour à prévenir de ce que « la situation financière dégradée de Lille1 sera un héritage préoccupant » et à demander au ministère chargé de l’enseignement supérieur de « s’assurer que l’université de Lille s’emploie à redresser ses comptes »
Pour l’immédiat les pages que la Cour a consacrées aux « diplômes délocalisés sans contrôle » à l’IAE n’ont pas encore connu d’affichage public. Il faudra bien y venir un jour.
La Cour expose également que « l’université a pris des mesures en faveur de ses personnels, augmentant sans contrôle sa masse salariale (+14,5 % de 2011 à 2016) ». La mesure est généreuse et a assurément été bien accueillie, notamment en une période où la question de l’adoption des Responsabilités et compétences élargies était en débat dans les conseils. La conséquence sera un déficit de 2,9 millions d’euros en 2014, sachant qu’il a bien fallu constater que les mesures de redressement prises en 2015 et 2016 n’ont pas suffi à restaurer le fonds de roulement et la trésorerie à un niveau satisfaisant.
Les magistrat s’étonnent d’ailleurs de l’absence de suivi du montant du fonds de roulement mobilisable par les services de l’université et l’agence comptable tandis que « les prélèvements s’effectuaient au fil des besoins » et de ce que dans le domaine RH, « certaines décisions ont été prises en dehors du cadre légal et réglementaire … ».
Ceux qui estimeraient que la Cour des comptes est trop rigoureuse dans ses analyses, pourront se tourner vers le rapport qu’a publié l’IGAENR (inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche) qui a effectué une mission complémentaire à l’audit de l’université de Lille, réalisé d’avril à juin 2018. Cette mission s’est particulièrement attachée à l’évolution de la masse salariale, de la politique d’investissement immobilier et de l’organisation, de l’optimisation et de la rationalisation des fonctions support.
Les conclusions des inspecteurs vont dans le même sens que celles formulées par les magistrats de la Cour de comptes. Sont particulièrement pointées une « politique généreuse en direction des personnels BIATSS », l’importance des « recrutements de contractuels », « l’absence totale de marges de manœuvre » mais aussi la nécessité de maîtriser la contradiction entre « la volonté décentralisatrice de la présidence d’élargir les responsabilités et compétences confiées aux composantes de formation » et les « impératifs de pilotage central des questions stratégiques de gestion ».
Un plan d’action de 18 mesures hiérarchisées par ordre de priorité, a été proposé par les auteurs du rapport. L’enjeu est maintenant d’établir quelle diffusion a été accordée à ces mesures et quelles applications sont envisagées…
Aventurisme quant à la perception de droits d’inscription, manque de rigueur dans la gestion comptable et financière, dérives risquées maintenues dans les stratégies de gestion, l’addition est lourde et telle que, aux difficultés financières réelles, s’ajoutera très vite un déficit d’image accru par une politique des emplois fort chiche. Sans chercher, pour reprendre la formule de Françoise Giroud, à s’acharner à « tirer sur les ambulances » il serait sans doute bon de mesurer que ces manquements divers ne peuvent pas être dus aux seuls « services de l’université », même en ce compris les comptables, et que ses administrateurs choisissent d’affirmer pour l’université de Lille une vision, au moins à moyen terme, à la hauteur de ses légitimes ambitions.