Ce billet fait suite aux deux billets précédents sur l’apprentissage de la gestion émotionnelle à l’école, en tant que principe et pratique en classe. Ce billet traite ici du nécessaire soutien fourni aux enseignants et de la vision des établissements dans ce domaine.
Écouter et former les enseignants
De manière générale, on ne peut agir sur les élèves sans réfléchir en amont au rôle que joueront les enseignants dans le dispositif.
Il serait facile, dans notre volonté de bien faire, de ne s’intéresser qu’au ressenti des élèves et étudiants. Mais l’enseignement se nourrit des relations que les enseignants tissent avec leur classe. Si on veut imaginer un climat de classe apaisé, une ambiance de bienveillance et de coopération, il me semble donc essentiel de se poser la question du bien-être non seulement des élèves/étudiants, mais aussi des enseignants (et au delà, de tous les acteurs de la chaîne éducative). À l’heure où les indicateurs pullulent, ne pourrait-on pas s’attacher à ceux qui mesureraient le plaisir qu’éprouvent les enseignants à leur travail, ainsi qu’une mesure de leur sentiment d’être soutenus dans leurs initiatives et leurs efforts?
Les valeurs de partage, d’empathie et d’écoute ne sont vivantes que si les enseignants ont les moyens de les intégrer dans leur enseignement.
À l’institut, nous essayons de favoriser l’apprentissage par les pairs, le travail en équipe et l’entraide. Cela passe par le fait que les enseignants montent des projets en équipe, peuvent proposer en classe aux étudiants qui ont compris d’aller expliquer à ceux qui sont encore en difficulté, voire donnent parfois des évaluations où la note d’un étudiant correspond à la note de l’étudiant le plus faible du groupe…Avoir un environnement favorable (collègues, matériel…) est essentiel pour voir ces pratiques exister.
Notre ressenti est que mises en pratique, les valeurs que nous défendons diffusent globalement au sein de l’institut et favorisent le bien-être et la maturation des étudiants. Cependant, la pédagogie seule n’accomplit pas forcément des miracles. Certains étudiants semblent bloqués dans des schémas d’opposition, de défiance ou de conflit. Il semble naturel de penser que des pédagogies collaboratives doivent apprendre aux élèves à comprendre et gérer leurs émotions pour travailler plus efficacement ensemble. Mais en tant qu’enseignant, on est facilement biaisé et mal équipé pour analyser scientifiquement l’impact de choix pédagogique. Je ne connais pas de recherche scientifique validant cette hypothèse, donc n’hésitez donc pas à m’écrire si vous en connaissez…
Il me semble donc important de savoir que des outils spécifiques validés par la recherche existent et peuvent être utilisés par des enseignants qui voudraient dépasser les limites de leurs pratiques actuelles.
Prendre en compte les valeurs dans le recrutement
À l’Institut, nous plaçons les valeurs de bienveillance et d’entraide au cœur de notre projet pédagogique. Nous recrutons donc les étudiants sur leur motivation, leur goût pour les sciences, sur des facteurs de diversité, mais aussi sur leur capacité à travailler à plusieurs et à valoriser l’autre. Pour cela, nous organisons, lors de notre journée de recrutement, une épreuve de groupe dans laquelle les étudiants sont amenés à construire et étudier une question scientifique à plusieurs. Nous leur disons explicitement que nous cherchons des gens qui sauront rebondir et valoriser les idées des autres, et non pas chercher à écraser le reste de l’équipe et ainsi prouver qu’ils sont les “meilleurs”. Notre grille d’évaluation a ainsi été construite pour valoriser les leaders empathiques.
De nombreuses entreprises et organisations internationales organisent des épreuves de groupe lors de leur recrutement pour essayer de détecter les profils capables de travailler dans des équipes plurielles.
Si on considère l’équilibre émotionnel comme étant indispensable à une vie professionnelle épanouie, dans un monde du travail en profonde mutation, il n’est pas absurde de réfléchir aux meilleures façons de le travailler dans nos formations, afin de préparer nos étudiants à un monde complexe et incertain.
Conclusion
Comme souvent en pédagogie, les outils existent déjà, et leur efficacité semble même parfois soutenue par la recherche. Il faut encourager leur développement, les études sur leurs impacts, les modifier, les affiner, se les approprier, mais ils existent. Ceux qui le souhaitent ont donc à portée de main des outils qui leur permettront de former une génération plus coopérative, plus empathique et plus résiliente. La tâche est immense. Mais de mon point de vue, le besoin de réussir aussi.
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N’étant pas spécialiste du sujet, j’ai essayé, dans la mesure du possible, de documenter ces billets en citant et variant mes sources. Malgré mes efforts, ces billets restent bien loin d’un bilan exhaustif sur le sujet et ne sont qu’une invitation à poursuivre la réflexion et les débats.
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