Doit-on apprendre aux étudiants à gérer leurs émotions? (1/3)

Nous sommes tous ébranlés et horrifiés par les attentats qui nous ont secoués  vendredi 13 novembre. Passés les premiers moments de stupeur, de peur et de tristesse, viennent les moments d’analyse, pour essayer de comprendre ce qui s’est passé et de trouver des manières de réagir intelligemment à ces événements. Et parce que l’école abrite et forme la jeunesse, c’est naturellement vers elle que les regards se tournent lorsqu’on veut parler d’avenir. Les personnes que nous formons devront vivre dans un monde incertain, gérer les conséquences du dérèglement climatique, vivre une transformation rapide du marché du travail,  accueillir des vagues de réfugiés et apprendre à vivre avec un terrorisme qui n’a aucune raison de disparaître spontanément. Sachant cela, doit-on apprendre aux étudiants à gérer la peur ? les aider à développer leur empathie ? Peut-on le faire?

J’aimerais ici présenter quelques ressources bibliographiques et partager quelques retours d’expérience

L’équilibre émotionnel s’apprend

Dans Pour une enfance heureuse, la pédiatre Catherine Gueguen explique comment notre capacité à gérer nos émotions se construit dans le temps, avec l’aide de notre environnement. Un enfant qui grandit dans un environnement sécurisant, avec des adultes capables de lui apprendre à identifier ses émotions, développera une gestion émotionnelle bien supérieure à celle d’un enfant vivant sans sécurité ou dans un environnement appauvri affectivement. Les IRMs effectués sur des adultes ayant connu des enfances difficiles montrent d’ailleurs que ceux-ci ont un cortex préfrontal (lié à la gestion des émotions) hypoactif. Ce sont souvent des adultes irascibles, anxieux, peu capables de s’auto-réguler émotionnellement. Dans certains cas, une telle personne placée dans un environnement bienveillant peut apprendre à gérer ses émotions une fois adulte.

Les chercheurs qui travaillent sur le développement d’émotions positives ont étudié comment les développer chez des enfants, même dans des cas où ceux-ci ont été témoins de violences extrêmes. Ainsi, je trouve intéressant, vu le contexte actuel, de savoir que le Centre de Recherche et Éducation à la Compassion et l’Altruisme de l’Université de Stanford, par exemple, a appliqué un programme de gestion du stress à environ 80 enfants israéliens vivant dans un climat de guerre permanent. Après 16 sessions réparties sur un mois, le groupe d’enfants ayant suivi ce programme présentaient significativement moins de symptômes de stress post-traumaumatiques par rapport au groupe témoin. Le groupe de recherche travaille aujourd’hui sur la question de comprendre ce qui fait basculer d’anciens membres de gangs vers des comportements altruistes et pro-sociaux.

L’équilibre émotionnel favorise les apprentissages

S’il est rassurant de savoir que ces programmes existent, le quotidien d’un enseignant est, non pas de gérer des situations de guerre ou d’attentats (!), mais de faciliter les apprentissages en classe. Dans ce cadre, on sait que la gestion des émotions est cruciale pour apprendre efficacement. Les neurosciences confirment ce que les parents ou enseignants connaissent empiriquement : la peur inhibe les apprentissages, tandis qu’un environnement social bienveillant et stimulant les améliore. Stanislas Dehaene présente dans son cours  “Éducation, plasticité cérébrale et recyclage neuronal” des articles mettant en lumière ce phénomène chez la souris ou dans le cas tragique des orphelins roumains de l’époque de Ceaușescu (vidéo 50 min).

En tant qu’enseignante, je vois au quotidien comment les émotions peuvent être un frein à l’apprentissage, que ce soit pour l’étudiant trop soucieux ou distrait par des problématiques extérieures à l’établissement, ou pour l’étudiant qui va tout de suite rentrer dans la spirale du “je n’y arrive pas, je déteste ça, ça ne marche pas, ça ne marche jamais, ça m’énerve, de toutes les façons je suis nul-le, etc” face à une difficulté, au lieu de simplement se dire “pourquoi est-ce que ça ne marche pas?” et apprendre de son erreur. Ces problèmes communs (ce n’est pas pour rien que Chagrin d’école, de Daniel Pennac a eu un tel succès) sont un réel frein à l’apprentissage des étudiants et ne peuvent pas être traités sans s’intéresser à l’état émotionnel des apprenants.

Plusieurs études montrent que des activités de pleine conscience permettent d’augmenter les résultats scolaires des enfants ou étudiants qui les pratiquent. Par exemple, cet article de presse relate comment 48 étudiants à l’université ont vu leurs notes augmenter après avoir suivi un entraînement de deux semaines à faire des exercices de pleine conscience. Richard Davidson, de l’université de Winsconsin-Madison, a également monté un curriculum-test permettant d’entraîner l’empathie d’enfants de 4 à 6 ans. Cette étude montre que ces activités d’entraînement à l’empathie améliorent les résultats scolaires, en plus des comportements pro-sociaux visés initialement.

Il ne s’agit donc pas de mettre en place à l’école des activités d’aide à la gestion émotionnelle avec pour seule motivation la réaction aux attentats passés et éventuellement futurs. Il s’agit de penser à une compétence qui aide à gérer la frustration, à être empathique ou à travailler à plusieurs, à être globalement mieux équipé pour apprendre, et peut-être aussi à réagir avec résilience en cas de stress majeur et exceptionnel.

Les prochains billets parleront de la mise en oeuvre opérationnelle d’outils à l’échelle de la classe et des établissements

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N’étant pas spécialiste du sujet, j’ai essayé, dans la mesure du possible, de documenter ces billets en citant et variant mes sources. Malgré mes efforts, ces billets restent bien loin d’un bilan exhaustif sur le sujet et ne sont qu’une invitation à poursuivre la réflexion et les débats.

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Des TPs par les étudiants pour les étudiants

C’est ici Cécile Narce, responsable du niveau L2, qui livre un témoignage d’enseignement par les pairs.

Les enseignants en sciences que nous sommes savent bien à quel point il est coûteux, aussi bien en matériel qu’en temps de préparation, de concevoir une séance de Travaux Pratiques (TP). Tout cela pour un résultat d’apprentissage qui n’est parfois pas à la hauteur de nos attentes.

Mais c’est sans compter sur la plus grande de nos richesses : nos étudiants. A l’institut Villebon – Georges Charpak, nous avons voulu expérimenter une pratique bien connue des enseignants de laboratoire des filières technologiques, mais encore peu répandue à l’université : apprendre en enseignant. Les étudiants de 2ème année de Licence Sciences et Technologie ont donc reçu comme mission, d’organiser par groupes de 5-6 une séance de TP pour les autres membres de la promotion.

6 séances (3 en physique et 3 en biologie) de TP de 2h chacune ont ainsi été conçues par les étudiants eux-mêmes, incluant protocole, montage et évaluation. Un enseignant référent de la discipline supervisait et validait scientifiquement leur travail.

Autonomie et créativité

Pour préparer leur séance de TP, chaque équipe a tout d’abord dû s’approprier les notions, à travers des recherches bibliographiques et des échanges avec l’enseignant référent. Puis le travail de conception a démarré. Un petit budget alloué par l’institut a permis les achats de matériel.

En prévision des séances de biologie végétale, les étudiants ont cultivé maïs et pois pendant plusieurs semaines. Pour faire observer les principes de base en mécanique des fluides, point de montage sophistiqué bardé de capteurs… mais des balles de ping pong, un sèche-cheveux, des billes, des bouteilles en plastique et du sirop de sucre !

Apprentissage par les pairs

Au cours des séances proprement dites, les étudiants concepteurs sont venus expliquer à la paillasse les concepts à leurs camarades qui les sollicitaient. Cette situation de monitorat a été bénéfique pour tous, comme l’explique si bien Philippe Meirieu « Qu’as-tu appris de l’autre ? Soit qu’il t’a expliqué et que tu n’avais pas compris, soit qu’il t’a contraint à expliquer et que tu as pu ainsi véritablement t’approprier ? » .

A travers la correction des évaluations, les étudiants ont aussi appris à donner des feedbacks à leurs camarades, et en retour à recevoir des feedbacks. Plusieurs d’entre eux ont réalisé, par cet exercice, l’intérêt qu’il y a à lire les commentaires que les enseignants font sur leurs copies.

Un bilan doublement positif

Le retour des étudiants est quasi unanime sur l’intérêt de cette méthode, tant du point de vue de la motivation par la responsabilité qu’elle engendre vis-à-vis des autres, que de celui du renforcement des apprentissages. Du côté des enseignants, la bonne surprise a été que le niveau d’encadrement est finalement bien moindre que pour un TP classique, les étudiants jouant tour à tour les rôles de préparateurs labo et de moniteurs.

Cette première expérience réussie motive l’équipe pédagogique pour explorer des pistes d’amélioration dès le semestre prochain : un encadrement plus rigoureux, car fort des observations du premier opus, l’équipe pédagogique sait maintenant plus précisément ce qu’elle peut attendre des étudiants et jusqu’où elle peut les pousser à approfondir ; une place plus importante dans l’emploi du temps pour donner la possibilité aux étudiants d’approfondir ; des sujets mieux ciblés et plus ambitieux.

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Le code binaire comme ils ne l’ont jamais vu

Valerian Giesz et Tatiana Séverin-Fabiani sont au colloque ATIU pour présenter certaines activités pédagogiques réalisées en ingénierie avec Fabienne Bernard. J’en ai profité pour leur soutirer quelques descriptions d’activités pédagogiques, dont celle que l’on retrouve sur la vidéo de présentation disponible ci dessous :

Pedagogie à l’Institut Villebon- Georges Charpak from Institut Villebon-GeorgesCharpak on Vimeo.

 

En L1, une fois que les étudiants se connaissent depuis plusieurs jours, nous ouvrons l’unité d’enseignement interdisciplinaire dans laquelle les sciences technologiques sont intégrées. L’unité d’enseignement s’intitule “Les nombres : comment représenter le réel ?” et elle rassemble des enseignements d’informatique, de mathématiques et d’ingénierie. Le thème de l’activité d’introduction est la transmission d’information. Pour ouvrir cette session, nous proposons l’activité « sémaphore ». Le titre Sémaphore donné à l’activité est inspiré des moyens de communications basé sur le télégraphe de Chappe (représenté figure 1).
Rees's_Cyclopaedia_Chappe_telegraph

Figure 1. Représentation du système de communication du télégraphe de Chappe. Crédit http://en.wikipedia.org.

L’activité est présentée comme un jeu aux règles simples : chaque binôme d’étudiants doit se transmettre un code composé de chiffres uniquement à l’aide de deux gestes.

  • Lors de la première phase de l’activité, les binômes élaborent un code de leur choix.
  • Puis, après environ 30 minutes, les binômes sont séparés et un des deux élèves reçoit une enveloppe avec une série de chiffres à communiquer à son binôme à l’aide du code gestuel.
  • Lors d’une troisième phase, les encadrants expliquent comment interpréter la série de chiffres, qui représente en fait le codage des niveaux de gris des pixels d’une image et les élèves participent  à la reconstruction collective de l’image à partir des codes reçus, image réalisée à l’aide de pixels de grande dimension, en feuilles cartonnées.
  • La séance est clôturée par une discussion avec les enseignants.

Cette activité permet d’introduire différentes notions sur la représentation des nombres:

  • les élèves s’approprient la notion de codage des nombres en base binaire lors de la première phase de l’activité et la discussion finale permet de plus, de comparer les codes,
  • la découverte lors de la troisième phase de la nature de l’information codée est une illustration de la versatilité des techniques numériques,
  • la reconstruction collective est une introduction (de taille humaine) à la nature des images numériques,
  • enfin, la comparaison des codes et une manière d’aborder les transmissions numériques et leurs performances en parlant de taux d’erreur.

Le fait que la construction soit collective, que les binômes ne soient pas en compétition mais collaborent, en apportant chacun quelques pixels de l’image est un aspect particulièrement important de cette activité.

Cette activité permet de décomplexer les étudiants face aux sciences technologiques en leur présentant le code binaire de manière simple et ludique. Dans la suite, ils appréhenderont avec une meilleure aisance le décodage d’un nombre binaire (sans avoir à sauter dans tous les sens !).

Vous trouverez ici un lien vers l’article dont est extraite cette description lorsque celui-ci sera disponible sur le site du colloque ATIU.

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S’initier à la pédagogie inversée

Aujourd’hui, c’est Sylvain Chaillou, enseignant à AgroParisTech, qui revient sur ses expériences de classe inversée. Si cette méthode n’a pas réponse à tout, nos étudiants qui ont l’habitude d’être sollicités, et qui adorent poser des questions, ont parfaitement adhéré au dispositif ! C’est tout l’intérêt pour un enseignant d’avoir sous la main une formation prototype, avec des étudiants prêts à jouer le jeu, pour essayer une façon d’enseigner qui sort de son ordinaire…

Contexte : 34 étudiants de L1 de l’Institut Villebon Georges Charpak qui, pour la plupart, vont s’initier à la photosynthèse pour la première fois. Un diaporama « power point » de 70 diapos leur est fourni une semaine avant la séance.

Je suis assez inquiet avant la séance : ont-ils regardé les diapos, vont-ils poser des questions, que vais-je faire si le silence m’accueille, comment vais-je tenir durant 3 heures ?

J’entre en salle, je projette quelques diapos montrant des plantes cultivées (blé, riz), des fleurs, des arbres, « pour vous faire aimer les plantes ». Puis « A présent, c’est à vous, avez-vous des questions sur ce cours ? »

Une forêt de doigts se lève ! Les questions fusent, en commençant par un sujet en marge du propos sur la photosynthèse : « La photosynthèse, c’est le carbone, d’accord, mais comment la plante se nourrit-elle des autres éléments nutritifs ? » J’improvise aussitôt un cours sur la nutrition des plantes, avec un couplet spécial sur l’azote – c’est mon dada – qui suscite aussitôt plein d’autres questions. Je réponds à la volée, et d’autres idées me viennent « Je dois absolument mentionner la fixation de l’azote, le rêve de rendre les céréales capables d’assimiler l’azote de l’air et donc de se passer d’engrais », je le fais aussitôt.

Ce sujet à peine fini, cela soulève une foule d’autres questions sur la pollution des eaux par les nitrates, le seuil légal de potabilité de l’eau (pourquoi 50 mg de nitrate par litre ? sur quoi repose cette norme ?), les marées vertes, et même la dépollution des sols par les plantes (phytoremédiation).

Près de la moitié du temps de la séance est déjà passé, il faut revenir à la photosynthèse. Les questions fusent sur les réactions claires de la photosynthèse, la captation de l’énergie lumineuse qui est l’apanage des végétaux, le mystère de la photolyse de l’eau sur lequel des générations de chercheurs ont buté et qui n’est toujours pas élucidé totalement. Phosphorylation, synthèse d’ATP, un clin d’œil au cours de biochimie, les étudiants semblent avoir bien compris cette partie. L’assimilation du CO2, la synthèse des sucres, ils trouvent cela moins passionnant, mais ils veulent quand même tout savoir. Avec l’amidon, on fabrique plein de choses, j’en viens à parler du malt, des barres chocolatées, de la bière, ils adorent ! L’amidon se trouve (entre autre) dans le grain de blé. Un peu de poésie en fin de séance : je les exhorte à aller dans un champ de blé à l’époque des blés d’or, cueillir quelques épis (l’agriculteur ne leur en voudra pas), et manger goulument les grains de blé crus, les mâcher jusqu’à atteindre la consistance du chewing-gum, qui est liée à la teneur en gluten du grain. On en revient à l’azote, intimement lié au carbone de la photosynthèse. Je termine avec la limace de mer qui possède des chloroplastes, ah si nous les humains étions aussi des êtres photosynthétisants !

La séance est finie, je n’ai quasiment pas arrêté de parler, de répondre à leurs innombrables questions. Plusieurs étudiants restent encore pour poser de nouvelles questions en petit comité et pour me dire que c’était une « super-séance ». C’est sans doute l’une des expériences pédagogiques les plus intenses et les plus enthousiasmantes de ma longue carrière. Il était temps que je découvre enfin la pédagogie inversée.

A dire vrai, c’était ma troisième expérience, les deux premières ayant eu lieu en L2, sur la reproduction des plantes et sur la circulation des sèves, elles étaient assez réussies, mais j’avais eu moins de questions qu’avec les L1. J’avais réalisé en fin de séance des QCM avec emploi des boîtiers de vote à distance (les « zapettes ») qui avaient aussi bien plu. Je n’en ai pas eu le temps avec les L1. Il faut noter que notre public d’étudiants est sans doute très réceptif à cette méthode, mais ce n’est pas le cas de tous. Avec des étudiants de niveau M1 à l’Agro Paris, une enseignante n’a pas eu le même plaisir. Il est vrai que les étudiants doivent jouer le jeu et lire les documents avant la séance, ce qui leur donne du travail en amont. Ils ne sont pas tous prêts à faire cet effort.

Une chose est sûre, je suis prêt à recommencer !

Sylvain Chaillou

Juin 2015

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Oublier les notes le temps de retrouver goût aux apprentissages

Des notes qui démotivent tout le monde

Lorsqu’on veut apprendre aux étudiants à travailler dans leur propre intérêt, on se heurte souvent à un obstacle de taille : l’évaluation. Tous les enseignants connaissent le scénario : les étudiants reçoivent leur copie, se jettent sur leur note, avec pour seul intérêt la question de savoir s’ils ont atteint l’objectif qu’ils se sont fixés (10/20, 14/20, 8/20…). Olivier Rey a publié un assez beau billet (https://ecolededemain.wordpress.com/2014/10/02/evaluer-pour-mieux-faire-apprendre-un-defi-pour-lecole-selon-olivier-rey/) sur la question sur le site «école de demain », et le débat qui a fait rage autour de l’évaluation nous a bien prouvé combien la question est sensible.

A l’Institut Villebon – Georges Charpak, la question se pose de façon d’autant plus criante que les étudiants arrivent avec des parcours scolaires très différents, et des histoires parfois compliquées.

En mathématiques, nous avons privilégié le contrôle continu avec des petites interros de cours fréquentes (1 à 2 par semaine). Ces interros durent 10 minutes en moyenne et portent sur du cours ou des applications directes du cours. Elles sont là pour aider l’étudiant à cerner ce qui est essentiel dans l’enseignement et l’aider à savoir où il se trouve dans son apprentissage.

Le rendu des copies en début d’année était terriblement frustrant pour tout le monde : ceux qui s’en sortaient grâce à leurs acquis de lycée en concluaient qu’ils n’avaient finalement pas besoin de travailler. Ceux dont les méthodes se mettaient lentement en place étaient découragés. Personne n’était satisfait, étudiants comme enseignants, il fallait trouver une solution pour que les étudiants se focalisent sur leurs copies en tirent quelque chose, plutôt que de rester focalisés sur leur note et son poids symbolique…

Une proposition simple : masquer les notes…

Nous avons donc décidé de tester un dispositif expérimental extrêmement simple…
Nous corrigeons les copies comme d’habitude, mais la note ne figure pas sur la copie. Elle est toutefois conservée par l’enseignant pour le bilan final.

L’étudiant a accès à ses copies, avec des commentaires qui l’aident à se situer dans son apprentissage (telle notion comprise, telle notion à revoir…). Pour ceux qui connaissent de  grosses difficultés, un commentaire spécifique est porté sur les copies, l’invitant à aller voir un enseignant ou un tuteur pour se faire réexpliquer une notion ou pour revoir des méthodes de travail, en fonction de la source présumée du problème.

Mais l’étudiant  ne peut  connaître ses notes qu’en milieu de semestre. Et même à ce moment-là, il peut choisir de ne pas les demander mais avoir quand même un bilan qualitatif personnalisé.

Le ressenti des étudiants et la question de la métacognition

Les premières semaines, les étudiants ont été déstabilisés par ce procédé. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils regardaient leurs copies ! En effet, nul autre choix que de regarder leur copie, les réponses corrigées et les commentaires associés, pour connaître  l’état de leur apprentissage ! Je leur ai adressé un questionnaire à mi semestre et à la fin du semestre pour avoir leur ressenti sur l’expérience.

Les résultats sont globalement positifs. 70% des étudiants souhaitent continuer ou étendre le dispositif. Les 30% restants se plaignent principalement du manque de repères dû à  l’absence de notes.

Cette réticence est intéressante, car en tant qu’enseignante, j’ai l’impression qu’un chiffre leur apporte nettement moins d’informations que la correction de ses erreurs ou bien qu’un commentaire qualitatif sur le travail effectué. Cette expérience met  en lumière un point important :  si les étudiants regardent peu leur copie quand on la leur rend, ce n’est pas (uniquement) parce qu’ils sont focalisés sur la note. C’est aussi parce qu’ils ne savent pas utiliser leur copie corrigée comme moyen de diagnostic sur l’état de leurs connaissances.

De manière générale, nous observons que même lorsqu’ils sont plein de bonne volonté, les étudiants ont de grosses difficultés à évaluer où ils en sont, à quel point ils maîtrisent une notion…Et malheureusement, ils ne se rendent pas compte du fait que cette compétence est essentielle pour réussir, ni qu’ils ne l’ont pas encore acquise !
Si elle a le mérite de renforcer la motivation intrinsèque et de baisser l’angoisse liée aux évaluations, cette petite expérience pose également la question de la formation à la méta-cognition, et de la place qui devrait être consacrée dans les enseignements aux méthodes de travail et d’apprentissages pour les étudiants.
Nous avons poursuivi cette expérience au second semestre pour ce qui concerne les mathématiques. Nous donnons par contre accès aux notes à tous les étudiants tous les deux mois. La nécessité du dispositif se fait moins ressentir maintenant que les étudiants ont gagné en maturité, ce qui laisse à penser que ce dispositif n’est peut-être utile que le temps de faire comprendre aux étudiants qu’une évaluation est aussi un outil pour mieux se connaître et progresser.

Est-ce que ça marcherait ailleurs ?

L’intérêt évident de ce dispositif, c’est qu’il est extrêmement simple à mettre en œuvre ! N’importe quel enseignant peut utiliser cette démarche en cours, pas besoin de grande réforme pour tester l’outil… Pour autant, je pense que l’efficacité de cette « astuce » ne marche que parce qu’elle s’inclut dans un discours plus global de la part des enseignants. Il est pour nous très important que les étudiants apprennent qu’un résultat scolaire n’est pas un jugement sur la personne, que le plus important est de progresser, et que ces petites interros sont surtout là pour les aider à se situer et à avancer. Notre outil nous semblerait nettement moins pertinent s’il n’était pas au service de ce discours.

Les résultats en sciences de l’éducation semblent quand même montrer qu’il est généralement plus efficace de rendre des copies commentées plutôt que notées. Ainsi, Marc Dugrand, Directeur de recherche CNRS à l’École d’économie de Paris et directeur scientifique de J-PAL Europe, reprend les résultats du papier de Ruth Butler (R. Butler, Br. J. Educ. Psychol. 1988) lors de la conférence du collège de France consacrée aux sciences cognitives à l’école : (voir à 5 min 30, le reste de la conférence est super, mais pas vraiment sur ce thème): http://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/symposium-2014-11-13-16h30.htm

Les résultats des apprenants sont meilleurs si on ne rend qu’un commentaire circonstancié, par rapport à mettre une simple note, mais aussi par rapport au fait de rendre une note assortie d’un commentaire ! L’effet est plus marqué chez les étudiants en difficulté que chez les bons étudiants (ce qui n’est pas très surprenant).

Cet outil n’est pas un outil miracle, mais sa simplicité d’utilisation et son efficacité me laisse penser qu’il mériterait peut-être d’être plus souvent utilisé. D’autant qu’une fois dans la vie professionnelle, les étudiants auront plus que l’occasion d’expérimenter l’intérêt de savoir un intégrer des commentaires qualitatifs à leur travail pour progresser !

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Utiliser des légos pour apprendre l’informatique

Manipuler et construire de vrais objets pour comprendre ce qu’est un programme informatique? C’est ce qu’a proposé Isabelle Demeure, professeur à Télécom ParisTech et responsable de la formation à l’Institut Villebon – Georges Charpak  dans son cours d’informatique. Pour la contacter : isabelle.demeureATvillebon-charpak.fr

Activité Lego en cours d’introduction à l’informatique

Un certain nombre d’étudiants arrivent au premier cours d’informatique de Licence 1 avec un a priori défavorable : ils ne se sentent pas la « fibre informatique », ils ont du mal à se débrouiller avec les installations de logiciels et les problèmes d’accès réseau sur l’ordinateur familial ou personnel.

Nous avons donc réfléchi à une activité d’introduction à l’informatique qui ne mettrait pas en jeu l’usage d’un ordinateur et si possible ludique, dans l’espoir de donner un abord attrayant à la discipline.

L’un des objectifs du cours d’informatique de l’année de Licence 1 est de faire prendre conscience aux étudiants de ce que fait un programme informatique, comment il le fait et ce que cela implique. Schématiquement, « un programme informatique est une suite d’instructions données à un ordinateur dans un langage informatique, pour réaliser une tâche précise« . L’analogie est souvent faite entre un programme informatique et une notice de montage (par exemple de meubles de grande distribution). Pour l’adapter au contexte de la classe, nous avons décidé de travailler sur le montage de formes en Legos.

La classe s’est organisée en binômes. L’équipe enseignante a remis à chaque binôme :

  • une photo d’un montage simple en Legos (9 à 16 pièces) – en pratique la classe a travaillé sur 2 montages,
  • un sachet avec les pièces de Lego nécessaires pour réaliser le montage,
  • une planche de photos de modèles de montages élémentaires de 2 ou trois pièces chacun

Elle leur a ensuite donné la mission suivante :

« Préparez et mettez par écrit les instructions que vous donnerez à un autre binôme pour qu’il fasse le montage Lego avec le sachet de pièces, sans voir la photo du montage à réaliser. Vous pouvez utiliser la planche de montages élémentaires pour leur montrer des montages élémentaires que vous utilisez dans vos instructions« .

Exemple de modèle de forme à reproduire (2ème montage)

Exemple de modèle de forme à reproduire (2ème montage)

Les binômes ont été appariés. Le 1er binôme, appelons-le « A », a donné ses instructions au second binôme « B » pour qu’il réalise le 1er montage. L’un des membres du binôme A donnait les instructions pendant que l’autre observait et prenait note de ce qui se passait. L’un des membres du binôme B réalisait le montage pendant que l’autre observait et prenait note de ce qui se passait.


Exemple de proposition (1er montage)

/* A1, A2, et A3 font référence aux modèles de montages élémentaires qui figurent sur la planche */

Initialisation: 3 pièces 2*2 et 6 pièces 4*1

Appliquer la fonction A2 et A3

Nommons la figure obtenue A

Repeter A2 avec d’autres pièces, que vous placez sur A au milieu.

Nommons le tout B

Repeter A3 sur B

Repeter A2 avec d’autres pièces, que vous placez sur B, au milieu.

 

Exemple de proposition (2ème montage)

Prendre un bloc de 6 et 2 blocs de 4

Placer le bloc de 6 de façon à ce qu’il soit placé avec deux lignes et trois colonnes d’encoches

Placer deux blocs de 4 sur l’encoche haut/droite et bas/gauche

Refaire trois fois cette forme

Empiler de manière identique


L’équipe enseignante leur a ensuite demandé de partager leurs observations à 4, et de produire ensemble une version corrigée des instructions.

Puis les binômes ont croisé leurs rôles respectifs, le binôme A réalisant le 2ème montage grâce aux instructions préparées par le binôme B.

Un partage d’expérience a finalement été réalisé en classe entière (16 étudiants).

Voici quelques-unes des conclusions  des étudiants sur l’activité :

  1. C’est important de réfléchir avant de donner les instructions.
  2. Il faut être précis dans les instructions que l’on donne, se donner un vocabulaire et une syntaxe précis.
  3. Dans les instructions on a parfois besoin de désigner un type de pièce (ex : pièce rectangulaire à 8 « plots ») ou une pièce précise (ex : la dernière pièce carrée à 4 plots placée sur le montage).
  4. On peut s’appuyer sur la répétition d’une série d’instructions.
  5. C’est pratique d’avoir la planche des montages élémentaires.

L’équipe enseignante a profité de ces conclusions pour utiliser l’analogie avec la programmation :

  1. Nécessité de réfléchir au programme avant de se lancer dans la programmation.
  2. Importance du maniement rigoureux de la syntaxe de langage de programmation.
  3. Notion de type, d’identificateur, de variable.
  4. Notion de boucle, d’itération.
  5. Notion de sous-programme, de fonction.

Cette activité s’est déroulée dans une ambiance agréable ; les étudiants (34 en 2 groupes) se sont tous prêtés au jeu, certains avec beaucoup d’enthousiasme. Aucun n’a rechigné à se lancer dans l’activité. L’activité semble les avoir disposés à s’impliquer dans l’apprentissage de la programmation et ils font des retours positifs à ce sujet.

Du côté de l’équipe enseignante, le point négatif, s’il en est, est le temps pris par cette activité. Mais elle ne le regrette pas, car c’était motivant de voir les étudiants prendre du plaisir à l’élaboration d’instructions et rentrer dans le jeu, certains avec l’objectif d’avoir la meilleure solution. C’était également intéressant de les voir en mouvement, de les solliciter dans une activité kinesthésique autre que l’interaction avec le clavier et la souris de l’ordinateur.

Dans les cours qui ont suivi, l’analogie avec l’activité Lego est devenue un appui ; elle a été évoquée à plusieurs reprises, et les étudiants se rappellent plus volontiers de cette activité et des conclusions qu’ils ont tirées, que de l’expérience d’écriture de leur premier programme lors de la même séance.

C’est donc certainement une expérience que nous poursuivrons l’année prochaine !

 

 

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Et si les étudiants construisaient leurs TPs?

Comment apprendre à nos étudiants à être créatifs et à construire eux-mêmes des solutions à un problème donné?

Deux de nos enseignants de l’université Paris Descartes, Caroline Chauvet et Etienne Blanc, ont fait le pari, plutôt que de demander à nos étudiants d’appliquer un protocole clés en mains, de leur demander de construire leur TP. Etienne nous décrit le bilan de l’expérience… qui sera renouvelée cette année ! Un exemple d’énoncés et de protocoles (avec les corrections successives) est disponible auprès d’Etienne sur demande : etienne.blancATparisdescartes.fr

Donner du sens aux expériences réalisées en travaux pratiques : écriture d’un protocole expérimental d’enzymologie.

Dans le cadre de l’innovation pédagogique initiée et encouragée à l’Institut Villebon-Georges Charpak, nous avons souhaité nous pencher sur un problème rencontré lors des séances de Travaux Pratiques (TP) : le sens des expériences réalisées échappent généralement aux étudiants. En effet, bien que les TP soient, la plupart du temps, l’occasion de la mise en pratique de notions théoriques abordées en cours, les étudiants ont tendance à appliquer, plus ou moins consciencieusement, le protocole proposé par l’enseignant sans en comprendre l’utilité ou les subtilités. Dans le meilleur des cas, la compréhension se fait lors de la rédaction du compte-rendu. Il en découle que si l’on questionne les étudiants en pleine séance, ils sont rarement capables de nous expliquer pourquoi ils réalisent une expérience particulière : rôle de chacune des solutions, choix des conditions particulières de la manipulation, traitements des résultats obtenus …

Afin d’améliorer la compréhension a priori des TP, nous avons souhaité impliquer plus fortement les étudiants en leur proposant la rédaction de leur propre protocole. En effet, le protocole expérimental donné par l’enseignant étant une suite d’actions faciles à suivre par l’étudiant pour arriver à l’objectif de la séance de TP, l’étudiant se laisse guider sans besoin de réflexion supplémentaire sur le pourquoi de chaque action.

Cette séquence pédagogique a concerné les TP d’enzymologie. Le cours d’enzymologie, ayant été fait assez rapidement (2h équivalentes à un cours magistral), les TP devaient servir de mise en pratique et d’illustration des différentes problématiques abordées dans le cours. Les étudiants, regroupés en trinômes, ont eu à rédiger un protocole expérimental concernant un point spécifique du cours. 6 protocoles devaient ainsi être rédigés dans chaque demi-groupe. La réaction enzymatique était la même pour tous et les différents protocoles étaient les suivants :

–           Détermination de Vmax, KM et kcat

–          Effet de la température sur l’activité ensymatique

–          Effet du pH sur l’activité enzymatique

–          Détermination d’une concentration inconnue d’enzyme par dosage d’activité

–          Effet d’un inhibiteur compétitif

–          Effet d’un inhibiteur non-compétitif

Les trinômes avaient une semaine pour comprendre la manipulation et développer un protocole cohérent, plausible et réalisable. Lors de cette semaine, au moins 1 aller-retour par mail avec l’enseignant a eu lieu pour orienter et corriger les productions des étudiants. Lors de la séance pratique, si les protocoles n’étaient pas assez finalisés pour répondre correctement à l’objectif du TP, l’enseignant a donné au trinôme un protocole classique afin que l’expérience fonctionne. En effet, la séquence pédagogique prévoyait également un compte-rendu à faire devant le demi-groupe entier afin d’illustrer le point du cours particulier traité par le groupe (mise en parallèle de la théorie et de la pratique). Il était donc nécessaire que les étudiants aient des expériences qui fonctionnent correctement pour pouvoir en faire une restitution utilisable comme illustration des notions théoriques du cours.

Bilan :

Pour les étudiants :

Une évaluation de cette séquence a été faite 6 mois après par un sondage avec des questions dirigées et des questions à réponse libre. La moitié des étudiants a répondu à l’évaluation. Il en ressort que, la plupart des étudiants ont trouvé que l’écriture d’un protocole était une activité intéressante (15/18) mais difficile (12/18). Néanmoins, Les étudiants ayant eu des cursus différents, l’exercice était relativement connu pour les bacs STL et nouveau pour les S. Un étudiant suggère d’ailleurs la constitution de trinômes mixtes incluant au moins un étudiants issu de la filière STL. La plupart des étudiants estime que cette étape d’écriture leur a permis de mieux comprendre l’expérience et de se sentir plus impliqués lors de la séance. L’apprentissage des notions de cours leur a paru ainsi plus aisé. Ils sont quasi unanimes à demander la reconduction de l’exercice.

Pour l’enseignant :

L’objectif pédagogique a été compris par les étudiants. La prise de conscience de la difficulté d’écrire un protocole clair, cohérent et répondant correctement à la question posée, a été bien réelle. Les présentations orales finales montrent que les étudiants ont bien fait le lien entre la partie théorique du cours et le point précis qu’ils devaient traiter.

Néanmoins, le temps entre la distribution des sujets et le rendu des protocoles finaux, était trop court pour un suivi complet et efficace de l’avancée de l’écriture. En effet, l’enseignant a eu moins de 3 jours pour traiter les 12 protocoles (2×6 trinômes avec des sujets différents), au moins un par trinôme. Par ailleurs, les étudiants découvraient, en même temps que le sujet à traiter, la réaction et le matériel. Cette quantité d’information à intégrer sur un temps court est probablement un biais méthodologique : il faut connaître et bien comprendre la réaction à réaliser pour pouvoir écrire un protocole cohérent. Cette année nous prévoyons donc de réaliser une première séance classique pour que les étudiants appréhendent la réaction enzymatique utilisée. Les différents sujets de protocole seront distribués en fin de cette première séance et un temps plus long sera laissé aux étudiants (et donc à l’enseignant) pour rédiger et corriger leur protocole. La réussite du déroulement de la séance expérimentale (lors de laquelle les étudiants mettent en œuvre leur protocole) a reposé en grande partie sur la présence de deux enseignants connaissant tous les protocoles pour chaque demi-groupe

Conclusion :

Le principe de l’écriture d’un protocole doit être conservé. Cela incite les étudiants à comprendre le cours mais aussi à prendre conscience de la construction et de l’analyse d’une expérience pour parvenir à l’objectif fixé. Des mises au point dans séquence pédagogique sont cependant nécessaires, principalement en amont et pendant la phase d’écriture pour que le dialogue étudiant/enseignant sur le protocole soit efficace, et que l’objectif d’apprentissage soit plus facilement atteint.

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L’innovation en vrac

Innover et monter des projets pour les étudiants, c’est motivant, mais c’est diablement chronophage ! Et parfois, il ne reste plus de temps pour partager son expérience…
En ouvrant ce blog, je succombais à la vague des bonnes résolutions qui accompagnent la rentrée scolaire (et la nouvelle année). Pour partager notre quotidien et nos expériences, j’écrirai régulièrement sur ce blog.

Voilà presque un mois que nous sommes rentrés.
Entre temps, j’aurais voulu vous raconter :
– Comment nous avons organisé la première journée des L1 (étudiants de première année) pour mettre en avant les valeurs qui nous animent : coopération, bienveillance, goût pour les sciences
– Comment les étudiants de L2 (deuxième année de licence) ont passé deux jours à détourner des jeux de société pour permettre aux étudiants de L1 de se rafraichir la mémoire ou d’apprendre de nouveaux concepts, les remettant doucement dans une atmosphère de travail
– Comment nous avons construit les deux premières semaines de rentrée pour les L1 de manière atypique, pour favoriser le travail en équipe, la créativité, le goût de l’effort
– Comment ils ont pu travailler sur des thématiques scientifiques ouvertes au débat (par exemple : « Les machines tuent l’emploi ») pendant une semaine ; l’objectif était de leur faire comprendre que le savoir scientifique qu’ils vont acquérir s’accompagnera toujours d’une problématique économique et sociale à prendre en considération
– Comment ils ont monté leur propre projet de recherche, à partir de questions originales de leur choix, sans accès à internet, et avec les moyens du bord.
– Comment un enseignant de physique s’est appuyé sur ces projets de recherche, appelés « projets Charpak » pour faire son premier TD
– Comment nous essayons de gérer un cours de maths mélangeant des étudiants venus de filières différentes au lycée et ayant des aspirations différentes, en limitant au maximum le cours magistral et en favorisant au possible la coopération dans l’apprentissage
– Comment nous essayons d’accompagner nos étudiants dans l’apprentissage de leurs cours au quotidien
– Comment utiliser des légos pour construire une initiation à l’informatique
Mais entre l’encadrement des projets et activités, les premiers cours, les réflexions sur les modalités d’évaluation, la préparation de l’inauguration, les échanges avec les étudiants, nous avons vécu en flux tendu, sans avoir jamais 30 min pour se poser et raconter.

J’espère pouvoir partager très vite avec vous ces semaines intenses, en espérant vous transmettre un peu du plaisir que nous avons eu à accompagner nos étudiants dans ces activités.

J’espère aussi vous faire aussi sentir l’importance d’avoir des équipes pédagogiques. L’innovation pédagogique peut naître d’une personne isolée. Mais si on veut qu’elle s’ancre dans la durée, qu’elle se diffuse, il faut des personnes capables de collaborer entre elles. C’est selon moi la seule façon de générer la joie qui permet de dépasser les difficultés inhérentes à l’innovation et de transformer le système.

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C’est la rentrée (interdisciplinaire) des enseignants!

Lorsqu’on crée une nouvelle formation, on ne peut passer à côté d’un défi de taille : monter une équipe d’enseignants. Cela veut évidemment dire trouver des enseignants disponibles et ouverts, ce qui, vu la surcharge de travail habituelle des enseignants-chercheurs, n’est pas une chose aisée.
Puis vient l’autre impératif, celui d’en faire une équipe… En particulier, dans le cas de l’Institut Villebon-Georges Charpak, comment s’assurer que les enseignants échangent et construisent un enseignement véritablement interdisciplinaire ?
Car pour donner du sens et créer de l’interdisciplinarité, il ne suffit pas de mettre côte à côte des enseignants issus de disciplines différentes. Encore faut-il qu’ils se parlent, qu’ils croisent leurs perspectives pour créer une vision commune, avec un fil conducteur autour duquel pourront s’articuler les enseignements.

Pour la rentrée des enseignants, le 2 septembre, une quarantaine d’enseignants issus de disciplines différentes (maths, info, physique, chimie, biologie, ingénierie, anglais, sciences humaines et sociales) se sont réunis à l’Institut le temps d’une journée.
L’après-midi a été consacré à une activité leur permettant de faire connaissance et de travailler en interdisciplinarité. Isabelle Demeure, directrice de la formation, a conçu une activité, à l’image de ce qui avait conduit l’année précédente à notre activité « sémaphore »:

Pedagogie à l’Institut Villebon- Georges Charpak from Institut Villebon-GeorgesCharpak on Vimeo.

Le codage d’une image simple à partir de deux gestes avait alors servi de fil conducteur pour introduire des notions de mathématiques, informatique et ingénierie dans l’UE (unité d’enseignement) « Nombres : comment représenter le réel ».

L’activité de rentrée a nécessité une préparation réalisée par Isabelle et Cécile Narce, responsable de la L2 (deuxième année de licence) :
–          Identifier les unités d’enseignements dont nous voulions construire ou améliorer l’interdisciplinarité.
–          Constituer au préalable des groupes de 6 enseignants, en mélangeant les disciplines et en respectant les sensibilités (par exemple, en mettant les enseignants de sciences humaines et sociales – alias SHS – sur des thématiques où les questions éthiques semblaient a priori importantes).
–          Rédiger des fiches de synthèse sur lesquelles se trouvaient la description des programmes et des heures attribuées à chaque discipline.
–          Proposer à chaque groupe une trame minutée avec pour étapes intermédiaires :

o   La génération de mots clés par disciplinaire
o   La construction d’une carte mentale
o   Faire émerger des idées d’application
o   Décliner une idée d’application dans chaque discipline.
Vous trouverez ici le support de l’activité interdisciplinaire mis en forme par Cécile .

Après un peu plus d’une heure de travail en commun, chaque groupe a présenté son idée/sa synthèse et les résultats sont vraiment très motivants.
Dans mon groupe par exemple, nous avons commencé par nous expliquer nos programmes mutuels. J’avais l’impression de notions séparées sans aucun lien entre elles, et je me demandais bien comment on allait faire … puis en écoutant les autres parler de leur matière, en intégrant les savoirs qu’ils m’offraient et qui me manquaient, nous avons pu constituer un pot commun de connaissances. En les remuant avec beaucoup d’ardeur, elles ont commencé à s’assembler pour s’articuler en une problématique intelligible.
Comme quoi, on sous-estime souvent ce que peut faire un groupe de personnes collaborant sous pression !

Nous avons donc maintenant des fils conducteurs pour nos UE et il ne reste plus aux responsables d’UE (personnes qui coordonnent les enseignements de chaque discipline), qu’à reprendre les résultats obtenus, encore imparfaits, pour leur donner vie dans les supports de cours et contrôles (« plus qu’à… »).
Pour terminer en citant Franck Brouillard, maître de conférences à l’Université Paris Descartes : « C’est quand même plus facile de collaborer pour faire de l’interdisciplinarité quand on passe du temps ensemble ! »

 

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