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IA for Parcoursup : l’orientation des bacheliers enfin révolutionnée !

Hier soir était l’échéance pour la confirmation des voeux des bacheliers sur la plateforme Parcoursup. Les enseignants du supérieur peuvent maintenant accéder aux dossiers de candidature à leur formation et apprécier les modifications apportées à l’outil d’aide à la décision d’APB.

La grande surprise est l’apparition d’un module “IAforParcoursup”, qui permet enfin d’utiliser les dernières avancées disruptives dans les domaines du Deep Learning et du Big Data pour un recrutement 4.0.

Cedric

Le paramétrage est très simple et guidé pas-à-pas par un assistant, Cédric, fort utile. La première étape consiste juste à choisir quel type de recrutement on souhaite effectuer :

  • “Filière d’excellence” pour avoir une sélection assez agressive ;
  • “Filière sans sélection sociale” pour éviter tous les critères reconnus comme des biais de sélection sociale ;
  • “Filière impopulaire” pour remplir les rangs à tout prix.

C’est très simple, et mes premiers essais sont très concluants : tous les élèves issus de filières défavorisés qui n’ont pas un profil exceptionnel sont bien filtrés avec la première option ; la deuxième annule la quasi totalité des critères de sélection et notamment le Lycée d’origine, donc les notes de contrôle continu et appréciations ; enfin, la troisième fait un classement inversé des candidatures.

Un deuxième ensemble de paramètres permet d’aller plus loin dans la configuration de l’IA de sélection :

  • “Prédire les performances scolaires” permet de savoir non seulement les étudiants qui vont réussir, mais aussi les mentions qu’ils vont obtenir ;
  • “Prédire le parcours universitaire et professionnel” permet de savoir si les étudiants vont se réorienter ou poursuivre leurs études, jusqu’à quel niveau d’étude et dans quelle filière, et même de savoir dans quel type d’entreprise ils seront recrutés et à quel niveau de salaire ;
  • “Prédire les événements extra-scolaires” permet de prendre en compte tout ce qui impacte les études sans être scolaire : synergies de groupe, liaisons et ruptures amoureuses, événements familiaux, déprimes, soucis de santé, découverte de l’autonomie, sortie d’un jeux vidéo particulièrement prenant, résultats sportifs des équipes nationales et locales, etc.

J’ai pu essayer ces différentes prédictions sur les cohortes précédentes, et, même si ce n’est pas aussi impressionnant que le tri des candidatures, force est de constater que ça marche assez bien : 63% des couples et ruptures de nos étudiants ont été détectés avec succès, et 43% des autres événements personnels. Pour l’instant, IA for Parcoursup se limite à la fouille des profils publics des réseaux sociaux. Nul doute qu’il sera grandement amélioré lorsqu’on aura accès au profils et conversations privées. Une négociation entre le ministère et Facebook est en cours en ce sens.

En revanche, 98% des prédictions de poursuite d’étude sont justes, et 84% des embauches et niveau de salaire. C’est très intéressant, puisque si ces prédictions se confirment, dans quelques années il sera possible d’embaucher directement les bacheliers dans la bonne entreprise, au bon niveau de salaire. L’Université pourrait ainsi faire de substantielles économies en n’ayant plus à prodiguer des cours (dont la plupart sont inutiles, il faut bien l’avouer) pour remplir sa mission d’insertion professionnelle.

 

remetterdelhumain

Enfin, il a été ajouté une fonctionnalité optionnelle mais essentielle pour les enseignants qui souhaitent “remettre de l’humain” dans leur procédure de recrutement : un bouton très efficace a été ajouté à cet effet. Cliquer dessus pour chaque dossier prend du temps (1495 fois pour nous cette année quand même !), mais on peut limiter la charge de travail en distribuant cette tâche entre les membres de l’équipe pédagogique. C’est en tous cas un bien faible prix à payer pour conserver notre conscience pédagogique !

Commentaires (5)

  1. Jacques haiech

    Julien, as tu vu le bouton « Éduquer au premier regard » qui permet de savoir si l’on va s’entendre avec le futur étudiant?

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  2. Jacques Yver

    Excellent poisson d’avril! J’espère que dans la prochaine mouture de Parcoursup on aura droit à un chatbot qui nous donnera quelques conseils sur un ton inclusif. Et bravo pour votre blog et vos tweets très utiles qui m’ont permis de me faire une idée plus précise du bouzin et d’informer mes collègues à son sujet (à l’heure actuelle on va plutôt vers un boycott de la commission de vœux).

    Répondre
    1. Julien Gossa (Auteur de l'article)

      Merci beaucoup !
      Si c’est utile, je ne demande rien de plus.

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  3. Elsa Grassy

    On pourrait quand même suggérer au ministère un « prédire l’activité syndicale » ou « prédire la participation aux manifestations » pour éloigner les éléments perturbateurs, non, tant qu’on y est ?

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  4. Julien Gossa (Auteur de l'article)

    Pour être clair : Il s’agit bien d’un poisson du 1er Avril…

    Ceci étant dit, il faut être conscients que :
    – C’est tout à fait faisable techniquement (et même pas très dur pour la majeure partie).
    – Le tour de passe-passe [ algorithme national public/algorithmes locaux secrets) + pas de cadrage national ] garanti pratiquement que l’expérimentation sera menée au niveau local même si elle n’est pas intégrée à la plateforme nationale.
    – L’efficacité (rapport qualité du tri/temps passé à trier) est incommensurable entre un tri automatique et un tri manuel : les expérimentations seront donc concluantes sous cet angle.
    – C’est un marché : Il y aura une vraie tentation des formations d’améliorer leur taux de réussite par un meilleurs recrutement. Alors pour quelques k€, ça se discute…
    – La partie la plus délirante, les événements extra-scolaires, sont les plus durs à prédire, pour une IA comme pour un humain. Pourtant, l’expérience montrer que ce sont des facteurs primordiaux de réussite ou d’échec.

    En d’autres termes, quoi qu’on fasse, on ne prédira jamais la trajectoire des individus. Mais « faire comme si » est tellement avantageux, que c’est ce que nous avons décidé de faire. Dès lors, employer une IA tombe quasiment sous le sens.

    C’est vraiment très dangereux.

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