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Rapport au parlement du Comité Ethique et Scientifique de Parcoursup

Publié ce jour, le rapport au parlement du Comité Ethique et Scientifique de Parcoursup est une lecture indispensable pour saisir les enjeux de notre nouveau système d’orientation, et par extension d’éducation nationale.

Le rapport se pose d’entrée de jeu un cadre strict : celui de ne pas discuter des orientations et dispositions de la loi Orientation et Réussite des Etudiants. Lu en regard de ce cadre, il est le document le plus complet et le plus transparent sur Parcoursup produit à ce jour. Les auteurs ont pu accéder à des données précises et les ont analysées avec rigueur, notamment pour étudier l’impact des quotas. 

Beaucoup trop long pour être entière résumé, on pourra cependant retenir quelques informations :

  • Un algorithme d’affectation n’est pas une solution à des problèmes structurels, tels que le manque de place dans les filières les plus demandées.
  • APB ne présentait pas réellement de problème structurel, mais des « « bricolages » divers et variés au fil des campagnes » (et du bashing) ont ruiné sa réputation à tel point qu’il n’était plus acceptable.
  • Sur le plan technique, la campagne s’est déroulée sans accroc ni bug majeur, ce qui témoigne de la compétence et de la mobilisation des membre de l’équipe de mise en oeuvre.
  • Parcoursup se distingue singulièrement des systèmes étrangers par la non hiérarchisation à priori des vœux des candidats, l’importance de « l’intervention humaine », son « calendrier qui se termine […] trois semaines après la rentrée universitaire« , ainsi que par l’absence de transparence sur les critères de classement des candidatures.
  • Si tous les bacheliers ont un droit théorique à une formation supérieure, une réelle sélection a été mise en oeuvre. Les territoires ont d’ailleurs établie leurs propres stratégies, qui se voit notamment dans les quotas de boursiers et de candidats hors académie.

Sélection

La sélection par filière se voit particulièrement bien sur la Figure 6 (p. 71) : on y voit clairement un détournement d’un flux étudiants des Licences vers les formations professionnalisantes courtes (BTS et DUT).

Un exemple de sélection territoriale se voit également très bien sur la Figure 14 (p. 93) : Paris a sensiblement réduit sa part dans les admissions (de 40% à 36%), répartissant le surplus sur Créteil et Versailles. La sectorisation en région Île-de-France vient d’ailleurs d’être supprimée, ce qui laisse désormais le champs libre à ces modifications.

Globalement, le rapport décrit bien comment les quotas ont été utilisés dans le cadre de ces transformations. Entre les lignes, les rapporteurs insistent sur la nécessité de limiter l’usage des quotas à cet effet, d’abord en les rééquilibrant puis en assurant leur transparence (Proposition 13, p. 94).

Transparence

Si les rapporteurs insistent sur le progrès incontestable que représente la publication de l’algorithme national Parcoursup et la création d’un traitement de données Parcoursup à des fins de recherche ORISUP, ils semblent regretter l’absence de transparence, notamment sur les quotas et les méthodes de tri des candidatures par les formations. Ils indiquent ainsi clairement que le « principe de transparence » est une des quatre conditions à l’acceptation d’une procédure « juste » par les citoyens.

A défaut de remettre en cause l’exception introduite dans la loi ORE pour (officiellement) « garantir la nécessaire protection du secret des délibérations« , les auteurs préconisent de rédiger un guide encadrant et publicisant la nature de ces méthode, ainsi que d' »inciter les établissements à élaborer un rapport annuel au rectorat rendant compte notamment des procédures locales (manuelles et informatiques) » (Proposition 5, p. 47). Il s’agit en effet des seules marges de manœuvre face au secret prévu par le Ministère.

Conclusion

En conclusion, les auteurs préconisent le développement du champ de recherche sur l’Enseignement supérieur, notamment en améliorant la collecte et l’accès aux données sur l’orientation et le devenir des bacheliers (Proposition 15, p. 107).

Il ne s’agit là que d’un petit échantillon des informations qu’on peut trouver dans ce rapport, aussi riche que détaillé. Ce billet n’en dispense donc en rien la lecture. Pour aller plus loin dans une ambiance plus décontractée, on pourra cependant aussi se reporter à mon fil twitter ou sa version déroulée.

Enfin, si les modifications introduites dans l’orientation par la loi ORE et son outil Parcoursup se voient déjà dans les statistiques d’admission dans l’enseignement supérieur, elles doivent avant tout être appréciées en regard de la réforme du Lycée qui se met en ce moment même en oeuvre. Le choix de spécialités par les lycéens et la spécialisation des lycées sur les territoires devraient en effet parfaitement s’articuler avec la double sélection montrée dans ce billet : à la fois par filière et par territoire.

 

Commentaires (2)

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