Le 19 novembre 2018, le Premier Ministre Edouard Philippe a présenté la stratégie nationale d’attractivité des étudiants internationaux baptisée “Bienvenue en France”. Un de ses piliers est l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Malgré la surprise de la communauté universitaire, il s’agit d’une très ancienne revendication de la Conférence des Présidents d’Université (voir p. 37 et 42 des actes du colloque CPU 2001).
Selon le site officiel du gouvernement :
Vous êtes un étudiant non-européen […] l’Etat français prendra en charge les deux tiers du coût de votre formation. Le montant de vos frais de scolarité sera de :
- 2 770 euros pour une année en cycle de Licence
- 3 770 euros pour une année en cycle Master
- 3 770 euros pour une année en cycle de Doctorat [cette disposition étant une porte-au-nez, elle sera ensuite retirée]
Le coût de ces formations seraient donc de 8310€ en Licence, et de 11310€ en Master et doctorat. Cependant, cette affirmation s’appuie sur une confusion entre dotation des établissements et coût des formations. En réalité, le coût d’une formation universitaire peut être grossièrement estimé en moyenne à 3750€…
[edit] D’après un rapport de la Cour des comptes, au moment même où le gouvernement annonçait ces chiffres, il finançait par ailleurs les places de Licence à hauteur de 1600€ dans le cadre de Parcoursup.
Mais ces sommes cachent des disparités difficiles à prendre en compte. Au final, personne ne sait calculer précisément le coût d’une formation universitaire… Essayons quand même de le faire.
Peut-on calculer le coût par la dotation en fonction des missions ?
La première approche pour calculer le coût des formations universitaires est de partir de la dotation nationale et d’identifier la partie employée à la formation.
D’après les chiffres clés de l’ESR, la “dépense moyenne par étudiant en 2016” est effectivement de 11510€. Mais comme son nom l’indique, ce chiffre correspond à la dépense pour l’enseignement supérieur (30,3 en Md€), divisé par le nombre d’étudiants inscrits (2,68M). Il masque donc notamment toutes les disparités entre les différents établissement : les universités ne sont pas dotées de la même façon que les écoles d’ingénieur par exemple, mais les universités elles-mêmes ne sont pas toutes dotées de la même façon.
En prenant seulement la dotation et les étudiants des universités, on obtient environ 12Md€ pour 1,6M d’inscrits, soit 7500€ par étudiants… Mais cette mesure est également fausse : contrairement à la plupart des établissements d’enseignement supérieur, les universités ont six grandes missions, dont une seule est l’enseignement. La ventilation de la dotation entre ces différentes missions revient à l’établissement, en fonction de ses stratégies propres.
« Le Compte de l’éducation : principes, méthodes et résultats » explique bien que de nombreuses dépenses universitaires sont compté comme d’enseignement « sans que l’on puisse la répartir entre l’enseignement et la recherche » (p. 15).
Les universités définissent donc une clé de répartition interne, qui tourne autour de 50% enseignement / 50% recherche. On peut alors grossièrement estimer le coût d’une année de formation universitaire à la moitié de 7500€, soit 3750€ par étudiant. Cependant, cette clé n’est pas calculée, mais décidée arbitrairement pour des raisons comptables, elle varie d’un établissement à l’autre et ignore 4 des 6 missions. Cette estimation grossière est donc encore largement surestimée, et il est difficile de faire plus précis.
Pour expliquer cette difficulté, on peut citer le cas des enseignants-chercheurs. Ils exercent toutes les missions des universités, mais sans avoir d’obligations horaires globales ni de suivi de leurs activités.
Le calcul par mission devient alors rapidement impossible puisqu’on se confronte à des services et personnels “mutualisés”, qui exercent plusieurs missions, sans forcément que ce soit quantifié, ni quantifiable.
Peut-on calculer le coût par les missions en fonction de la dotation ?
Une autre approche consiste à commencer par quantifier la mission d’enseignement, pour ensuite remonter à son coût. Les universités cherchent depuis longtemps à calculer le coût de leur offre de formation (appelé C.O.F.), notamment pour appuyer les arbitrages budgétaires internes.
Mais de nombreux facteurs entrent en compte, par exemple : le nombre d’étudiants et la taille des groupes, la nature des enseignements (cours magistral, travaux dirigés, travaux pratiques, projets tuteurés, tutorat…), le nombres d’heures de formation (1500h sur 3 ans pour une Licence, 1800h sur 2 ans pour un DUT), le salaire des enseignants (qui dépend des statut, ancienneté et dispositions particulières), le coût en matériel pédagogique (des ordinateurs pour l’informatique, du matériel de laboratoire et des fluides pour la chimie, des sorties pour l’archéologie.), etc.
Ce n’est qu’un échantillon des facteurs qui impactent le coût d’une formation. Ajoutons la mutualisation des enseignements et la “personnalisation des parcours” voulue par la loi ORE, et on réalise que chaque étudiants a des heures d’enseignement différenciées dans un contexte d’encadrement différencié. Ajoutons aussi tous les coûts qui ne sont pas directement liés à une heure d’enseignement (administration, factures, etc), et calculer précisément le coût de chaque formation en partant des heures d’enseignement devient quasiment impossible.
Quelles économies par l’éviction d’étudiants (étrangers) ?
Le chiffre de 11k€ par étudiant comme coût de la formation est donc largement abusif, notamment à l’université. Mais quelles économies peut-on fait en évinçant un étudiant (étranger) d’une formation ?
Hé bien, parfois, pratiquement aucune. En effet, les étudiants sont la plupart du temps en groupe, ce qui implique des effets de seuil. Si vos salles comportent 30 places, et que vous avez 26 étudiants, en accueillir 4 de plus ne coûtera pratiquement rien en terme d’enseignement. Cela augmentera la charge des enseignants, mais à l’université le paiement de cette charge est forfaitaire, par exemple la correction des copies n’est pas spécifiquement rémunérée. En accueillir un 5ème, en revanche, peut conduire à doubler le coût en raison du dédoublement du groupe.
On voit par cet exemple que le coût de la formation d’un individu est encore plus difficile à calculer que le coût d’une formation, qui n’est déjà pourtant pas vraiment calculable à l’Université. C’est donc l’offre et la demande qui fixeront le prix des formations universitaires, et en aucun cas leur coût réel et précis. C’est d’ailleurs une des façons de comprendre comment le prix des formations pour les étudiants étrangers a été fixé.
Ce prix du marché est également la seule explication valable pour expliquer la différence de tarif entre une Licence et un Master, et surtout un Doctorat, qui lui ne coûte pratiquement rien à l’université en terme de formation.
[edit] Focus « Les coûts des formations dans l’enseignement supérieur français : déterminants et disparités » du Conseil d’analyse économique
Le Conseil d’analyse économique a publié en 2021 une note concluant à un coût moyen de 3 730€ en Licence et de 5 430€ en Master, mais a surtout mesuré les très grandes disparités entre disciplines et établissements, et même en leur sein : « Les coûts des formations dans l’enseignement supérieur français : déterminants et disparités ».
Votre façon de calculer les coûts montre que vous n’êtes pas familier avec ce genre de raisonnement. La démonstration serait trop longue pour un post. En tant qu’universitaire vous auriez pu d’abord examiner les multiples travaux sur le sujet, publiés par des économistes et des gestionnaires. Vous trouverez aussi certainement, par exemple à l’EM Strasbourg, des spécialistes de l’analyse des coûts qui pourront vous aider.
Merci pour votre message.
Cependant, une source pour étayer votre jugement le rendrait moins péremptoire et plus utile à la discussion.
Si vous avez identifié un raisonnement erroné dans ce billet, merci de l’identifier clairement, et je me ferais un devoir de le corriger en citant votre commentaire.
Ce que je trouve péremptoire, c’est d’écrire un papier sur un sujet important en faisant l’hypothèse que personne n’y a réfléchi avant vous. Si vous avez besoin d’un point de départ pour votre recherche bibliographique, vous pouvez commencer par : Robert Gary-Bobo, « Performance sociale, financement et réformes de l’enseignement supérieur », Presses de Sciences Po, 2017. Sinon, Google Scholar est votre ami.
Quand aux erreurs de raisonnement, un exemple suffira. L’idée d’attribuer 50% de la dotation universitaire à la mission de « formation » est indéfendable. Un tel raisonnement est la négation de l’idée même de formation universitaire, qui implique la recherche. Les « missions » de l’université ne sont pas des activités indépendantes comme vous en faites l’hypothèse implicite.
L’analyse des coûts est un art qui ne s’improvise pas, surtout dans les organisations publiques.
Merci de votre réponse, qui précise votre incompréhension.
Il y a beaucoup de travaux sur les investissements fait dans l’éducation, et c’est notamment le cas de l’article de R. Gary-Bobo. Ces travaux s’appuient systématiquement sur des dépenses globales, c’est-à-dire, en France, essentiellement sur des dotations aux établissements. Tout l’objet de mon billet est de montrer la différence entre cette dotation et le coût réel d’un parcours individuel. Je le dis d’ailleurs explicitement dès le chapeau.
Ce sujet n’a jamais été traité académiquement à ma connaissance, mais je serais ravi si vous me trouviez une source.
Quant à l’erreur de raisonnement que vous pointez, il s’agit d’une lecture trop rapide de votre part. En effet, j’indique explicitement qu’il ne s’agit en aucun cas d’un raisonnement de ma part, mais de la façon dont on calcule officiellement la ventilation des dotations au sein des établissements. C’est en effet indéfendable (et je le dis également explicitement), mais c’est ainsi que nous faisons en comptabilité analytique, indépendamment de ma volonté.
Sans m’improviser spécialiste de la comptabilité publique, je suis depuis 10 ans les tentatives successives de quantifier les coûts des études au sein de mon établissement, qui échouent toutes systématiquement. Le but de ma démarche était donc de montrer l’impossibilité de calculer réellement le coût d’un parcours individuel dans une université. Montrer une impossibilité est toujours très difficile, c’est pourquoi j’ai montré les limites de chaque approche possible. Ce sont ces mêmes limites que vous me reprochez (au lieu de les reprocher au billet, ce qui ne se fait pas si l’on souhaite réellement engager la conversation).
Je termine en précisant que cette question a été traitée devant la Sénat, et que Mme la Ministre confirme en creux mes explications :
https://twitter.com/JulienGossa/status/1087299005015621632
Vous comprendrez que je peine à comprendre le sens de votre démarche.
Vous dites que le but de votre démarche « était donc de montrer l’impossibilité de calculer réellement le coût d’un parcours individuel dans une université ».
Cela n’était pas clair pour moi. D’abord parce que vous annoncez que vous allez « essayer » de faire ce calcul. Ensuite parce que vous tenez des propos contradictoires avec cette posture d’impossibilité. Exemple, dire que le « coût d’une formation universitaire » est « grossièrement », « en moyenne » de 3750 €, puis que ce chiffre est « largement surestimé », ou que le doctorat « ne coûte pratiquement rien à l’université » repose sur des modes de calculs arbitraires ou une vague impression. Autrement dit, vous affirmez des choses, dont vous dites par ailleurs qu’elle ne sont pas démontrables !
Votre désir de calculer le « coût d’un parcours individuel dans une université » est effectivement original. Il n’y a pas, à ma connaissance, de travaux académique ayant cet objectif. Mais peut-être faudrait-il se demander pourquoi ? Une telle information ne prendrait son sens que si vous, ou votre établissement, aviez l’intention de pratiquer une tarification « sur mesure » pour chaque individu en fonction de son parcours. Je ne connais pas un seul établissement dans le monde qui pratique une telle tarification. Inversement quand un tarif s’impose à toutes les universités françaises, il n’est pas incongru de le comparer aux coûts moyens nationaux, même s’il est établi que les tarifs décidés pour les étudiants non-européens sont le résultat d’une décision politique et pas d’un calcul de coûts.
Enfin votre affirmation « C’est donc l’offre et la demande qui fixeront le prix des formations universitaires, et en aucun cas leur coût réel et précis » laisse perplexe. Que veut dire « fixeront » ? Dans quel univers futur ceci arrivera-t-il ? On en est loin en France, où les tarifs sont fixés par l’État, mais aussi dans le monde. Parce que votre représentation du « marché » de l’ES est d’une naïveté confondante (j’ai lu votre post « ParcourSup : les universités font leur marché »). Aucun économiste n’imaginerait analyser le « marché » de l’ES avec le concept de concurrence pure et parfaite. Il s’agit d’un « marché imparfait » dans lequel la fixation des prix repose sur des stratégies dans lesquelles les coûts ne sont qu’une variable parmi d’autres.
Vous vous interrogez sur le sens de ma démarche. Je suis un professeur senior qui travaille depuis longtemps sur l’économie et la gestion de l’ES. Je suis pour l’interdisciplinarité. Mais celle-ci exige de la rigueur. On ne s’improvise pas économiste ou comptable. Pour utiliser leurs concepts il faut les maîtriser. Surtout si on veut les expliquer aux autres. Je vous invite à faire cet investissement.
Bien cordialement.
Je ne sais comment vous répondre. Vous affirmez donc que votre démarche n’est pas constructive mais à charge, ce que la lecture approximative de mes billets et le fond comme la forme de vos commentaires confirment.
Il m’arrive fréquemment de reconnaître que certaines choses sont mal formulées dans mes billets et de les corriger, également de reconnaître des erreurs factuelles… Mais ce que vous estimez ne pas être clair pour vous est si explicitement dit dans mon texte, que je suis désarmé.
Ceci étant, je suis sincèrement ravi que vous reconnaissiez l’originalité de ma démarche, qui, comme vous l’avez compris, ne vise qu’à éclairer la compréhension de chiffres communément balancés dans le débat public sans qu’on sache ce qu’il y a derrière.
Cet éclairage étant fait, à aucun moment je n’estime que les dotations n’ont pour autant aucun sens ou que leur comparaison serait incongrue.
Votre remarque sur le prix du marché me permet d’éclairer cette conclusion. Effectivement, il s’agit du prix de marché dans le monde, comme vous le dite.
En clair : le prix n’a pas été fixé en fonction du tiers du coût de la formation, comme c’est annoncé sur le site officiel, mais en fonction du marché international de la formation, par rapport aux prix pratiqués à l’étranger.
Si vous me relisez, vous devrez convenir que je ne dis rien de plus, et je doute que vous puissiez me contredire.
Quant à votre (aimable) remarque sur mon autre billet, je vous invite à y faire directement un commentaire si vous souhaitez en discuter plus en détail. Cependant, il s’agit là d’une autre incompréhension de votre part : je n’analyse en aucun cas le marché de l’ES.
En effet, je ne fais que montrer une micro-mécanique de marché qui se met en place (très concrètement, ce n’est pas un travail théorique, c’est constaté sur le terrain) au sein même des universités.
Je ne m’y intéresse pas du tout (sinon dans les derniers mots) à la marchandisation des diplômes, mais à l’affectation des moyens au sein même des établissements.
A ma connaissance, il s’agit également là d’une démarche originale, mais je serais ravi que vous ayez des sources sur exactement cette thématique.
Enfin, si vous m’avez lu, vous avez bien du constater que je n’analyse jamais le marché de l’ES comme une concurrence pure et parfaite, mais que je montre comment les propriétés de Parcoursup représentent une avancée vis-à-vis des propriétés (basiques) de cette concurrence.
Je regrette sincèrement que vous ayez interprété mes travaux comme des travaux d’économie, ce que rien à aucun moment ne permet de penser à mon sens.
Imaginez simplement qu’en tant qu’informaticien, je vous reproche d’utiliser un clavier (l’analogie me semble juste)…
Pour conclure, je ne peux que constater une incompréhension de votre part sur ma démarche et mes travaux, et je regrette que vous adoptiez toutes les techniques classique de non-communication des trolls (agressions personnelles, accusations d’incompétence, citation de source inadaptées, déformation des propos, ajout de propos jamais tenus, etc.) car quelque chose me dit dans votre dernier message que nous aurions pu sinon avoir un échange constructif, voire même travailler ensemble puisque le sujet vous intéresse, et que j’ai des idées de démarche originale, des tonnes de données internes aux établissements, et une bonne expérience dans leur gestion, mais qu’il me manque tous les savoir que vous avez manifestement accumulés durant votre carrière. Dommage.
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Pour avoir le détail officiel des investissements en formation et en recherche
fait par l état ( l, m, d, PACES, IUFM, secteur secondaire et secteur tertiaire ainsi que la répartition du nbre de personnel ) voir lien httpsistoiresduniversites.files.wordpress.com/2013/07/sympa-2013-up13.pdf
Bonjour, le lien est le suivant
http://histoiresduniversites.files.wordpress.com/2013/07/sympa-2013-up13.pdf
Vous aurez le détail des investissements sur le programme lolf 150 des formations dans l’enseignement supérieur décliné les formations secondaires ou tertiaires en L, M et D , DUT et IUFM et PACES avec également la répartition du nombre d’emploi biatss, enseignants, et enseignants chercheurs selon les diplomes, et les masses salariales…
Membre élu du CA de l’université Paris 13 depuis 2012, VP de la commission moyen puis membre de la commission financière de l’université Paris 13.
Merci beaucoup pour ce document, qui montre toute la complexité de la question et les fortes différences dans la répartition des dotations.
Bonjour,
ayant eu à chiffrer certaines formations et ayant été membre d’un CA d’une université, je valide en très grande partie les propos de Julien Gossa. Pour ce qui concerne mon université, un établissement de sciences humaines et sociales dans lequel on enseigne notamment le contrôle de gestion, on arrive à un coût de formation de 3 200 Euros à 3 400 Euros par étudiant de licence généraliste et 5 000 Euros à 5 500 Euros pour un étudiant de Master. Ces coûts sont bien plus élevés pour les formations en alternance données à des « petits » groupes (de l’ordre de 30% en plus), les économies d’échelle ne jouant alors pas (l’enseignement supérieur est affaire de coûts fixes). Les économistes mentionnés ont une approche descendante : ils partent d’une dépense globale nationale et la divise par le nombre d’étudiants (dont certains, soit dit en passant, payent déjà car ils sont en formation continue…). C’est surprenant : les établissements disposent, même s’ils sont balbutiants, d’une comptabilité analytique et d’un contrôle de gestion. J’ignore si le « reporting » est fait au niveau national, mais au vu du contenu de certains rapports, j’en doute. Ce sont pourtant les données remontant de cette comptabilité d’établissement, quitte à les agréger ensuite par disciplines (ce qui facilite aussi les comparaisons internationales), qui devraient faire foi.
Le raisonnement de Julien Gossa par mission est correct. La LOLF repose sur une approche par coût direct ou par activité (ici, par mission) que par coût complet (pourtant préconisée par la cour des comptes). Dès lors, faire payer à un étudiant de licence des dépenses de recherche est inepte, sauf à admettre qu’il a toujours en face de lui un enseignant-chercheur, qu’il bénéficie toujours et directement des retombées de sa recherche de pointe et qu’on lui offre l’accès au nec plus ultra des équipements pour réaliser ses travaux pratiques… Sur le marché international des formations supérieures, proposer une licence à 2 700 Euros dans les conditions actuelles d’accueil et d’enseignement d’une université française « normale » me paraît pour le moins osé. Osons une comparaison. Les produits français ont du mal, en général, à se placer sur les marchés internationaux du fait de leur compétitivité prix insuffisante, on peut imaginer ce qu’il en sera des formations universitaires françaises de type licence générale à 2 700 Euros… Supposer que le développement à l’international d’une offre marchande suffira à couvrir immédiatement et à soi seul tous les surcoûts engendrés par cette stratégie, au moment même où les universités réduisent drastiquement tous leurs coûts, me paraît une idée bien douteuse.
Imputer la moitié du coût global d’une université à la Recherche est une pure convention : c’est en général beaucoup moins. D’autres charges, par contre, échappent habituellement au périmètre du chiffrage. Il s’agit de dépenses immobilières, par exemple financées par les PIA ou les collectivités locales, de l’usage et de l’entretien de gros équipements partagés entre institutions ou des engagements de retraite des fonctionnaires. Les intégrer n’est guère aisé.
Faire payer les doctorants est étrange : beaucoup ne sont pas des ressortissants de l’UE et sont rémunérés par leur université d’accueil. Si on leur demande de payer un doctorat à 3 700 Euros (soit plus de deux mois de salaire net), c’est simple : on videra les laboratoires. Si j’ai bien compris, ce n’est pas grave puisqu’on aura, par ailleurs, augmenté l’attractivité de nos universités.
Dans cette affaire, le gouvernement me paraît chercher à la va vite une source supplémentaire de ressources pour des universités françaises qu’il sait piégées dans une sorte de trappe à pauvreté et pour lesquelles il n’a pas assez à donner pour combler certains de leurs retards. La solution audacieuse et disruptive proposée copie simplement la stratégie de certains pays, principalement anglophones, ayant fait depuis plusieurs décennies de leur enseignement supérieur un « business » (je pense notamment à l’Australie), puis celle, plus récente, de certaines grandes écoles d’origine française disposant d’une marque à l’international. Ces premiers de cordée bénéficient d’avantages leur permettant aujourd’hui de bien s’équiper et de gravir à pas rapides les sommets escarpés de l’excellence académique internationale. Malheureusement, aucune corde ne les relie aux suivants, les universités « normales », à qui on désigne les mêmes sommets et qu’en plus on déchausse, on déshabille, on sous-alimente, tout en alourdissant leur sac à dos.
Merci beaucoup de votre commentaire, qui me fait penser que nous avons la même expérience de cet exercice (et les mêmes conclusions qui en découlent).
Bonjour,
2 choses manquent à votre post : les ressources propres des universités et l’évaluation du coût des locaux (qui pour ce qui est de l’enseignement est assez sensible). Les analyses en comptabilité analytique sont en train d’être implémentés dans de nombreuses universités françaises et cela donne des résultats assez édifiants.
Néanmoins l’objet de votre post qui est le calcul des coûts de la formation pour justifier des droits d’inscriptions des étudiants internationaux est assez réducteur car enfin, comment les autres font-ils pour calculer leurs coûts ? HEC, Sciences-Po Paris, l’INSEAD, Dauphine (pour n’en citer que quelques unes) connaissent-elles mieux leurs coûts que les universités ? Peut-être mais les Universités sont-elles si nulles que cela ? Mon expérience sur ce point (je suis passé par une des institutions citées ci-dessus et je suis dans une université « normale ») me permet de penser que non.
Et même si le coût est globalement différent entre une licence, un master, un doctorat (qui n’est vraiment pas à coût très faible comme vous l’indiquez du moins si le sort du doctorant intéresse l’université/le laboratoire), l’idée globale est bien de faire payer des étudiants étrangers non communautaires qui ne payent pas d’impôts en France (et en Europe) tout en utilisant un service qui lui coûtent assez cher à la communauté nationale (et européenne).
Le marché de l’ES existe bel et bien et les coûts fondent en partie l’offre sur ce marché. Toutefois, le marché est segmenté entre différents acteurs, écoles privées (voir l’information sur l’attribution possible du grade de licence à des bachelors qui « coûtent » en moyenne 8000 euros par an aux parents pour un insertion professionnelle dont on pourrait discuter), des CPGE pour former (dans des lycées d’enseignement secondaire) des étudiants (du supérieur) qui finiront dans des écoles de commerce (privées pour la quasi-totalité) ou des écoles d’ingénieurs (parfois privées là aussi), les IUT, les Lycées (pour les BTS)… Les Universités en sont le segment le plus bas avec des coûts faibles et une qualité moyenne faible mais elles permettent de faire croire à la masse de nos concitoyens que leur enfants pourront aller dans le « supérieur » pour y échouer (tôt ou tard), tout comme les étudiants étrangers (notamment africains mais pas uniquement) dont les moyens financiers sont insuffisants pour rejoindre les meilleures institutions (françaises ou non).
Le scandale serait plutôt dans l’idée de faire payer les étudiants étrangers pour améliorer les conditions d’accueil de ceux-ci sans faire payer les étudiants européens et français qui garderons donc des conditions d’accueil que l’on sait insuffisantes (parce que les ressources sont insuffisantes et pas parce que les coûts sont mal calibrés).
Merci de votre commentaire, qui me permettra quelques précisions :
– Les ressources propres des universités est tout à fait négligeable à côté des dotations, et en plus rien ne dit que ces ressources sont réinvesties dans l’enseignement. Chez nous, par exemple, ce n’est clairement pas le cas.
– Le coût des locaux (que j’ai appelé « factures ») suit la même logique que le reste : on ne sait pas bien l’attribuer à un étudiant ou l’autre. On prend parfois un « taux environné » au doigt mouillé pour essayer de le prendre en compte.
– Je n’ai jamais prétendu que les universités étaient nulles (et je doute que les établissements que vous citez savent mieux faire). En réalité, je pense l’exercice impossible… Et pas seulement impossible, mais nécessairement souhaitable. On peut très bien faire tourner un service public avec des dotations globales sans avoir une vision précise de chaque coût impliqué. Je serais par exemple curieux de savoir s’il existe des travaux qui compare le coût de l’évaluation précise des coûts avec les optimisations que ça permet de faire. On peut penser que ce coût y est supérieur.
– Le coût du doctorat est une question à part entière. Sans entrer dans le détail des couts comparés entre un doctorant en SHS et en chimie, on peut tout simplement se rappeler que les doctorant travaillent pour l’université. En clair, ils rapportent, et rapportent énormément, notamment lorsqu’ils ne sont pas financés. Ceci explique en grande partie la levée de bouclier qu’il y a eu dans la communauté.
– Ce n’est pas parce qu’un marché existe qu’il faut nécessairement y participer. Il y a un degré de participation, qui est en train de changer. Je regrette simplement qu’on ne discute absolument jamais de ce fait en ces termes. Bouger ce degré sans le dire est le meilleur moyen pour se planter.
– L’excuse de l’utilisation des frais pour les étudiants étrangers pour améliorer leurs conditions d’accueil n’a pas tenue plus de quelques jours, un courrier de la DGERI indiquant qu’ils devaient servir à compenser le GVT. Mais je vous rejoins sur cet argument, et c’est une situation que nous connaissons bien : lorsqu’on mélange des usagers et des clients, le service se différencie.
Enfin, je ne vous rejoins pas sur les performances des universités, qui ont un rapport qualité/prix qui défie l’entendement. C’est d’ailleurs le risque principal à l’heure actuelle : qu’on détruise ce rapport qualité/prix (et je ne parle pas du prix payé par l’étudiant). Si une campagne de bashing des université a été mise en oeuvre, il convient avant tout de se demander pourquoi.
mais parce que les parents ne veulent pas de l’Université car ils veulent que leurs enfants trouvent un emploi. Comment voulez-vous qu’ils aient envie d’envoyer leurs enfants dans des filières sans débouchés professionnels, dans des amphi de première année à 400, 500, 600 étudiants avec un taux de réussite de 30%… Où se côtoient bac pro qui viennent (enfin qui s’inscrivent) pour la bourse ou le statut étudiant, des bac techno qui ne savent pas quoi faire, des « rejettés »des CPGE, IUT et BTS et autres filières sélectives. Ah ça fait envie aux parents (informés) et aux prof principaux. Oui on peut faire mieux mais il y a des choses à faire. Mais c’est sur que quand on est à l’INSA de Lyon les amphi de première année, vous en faites souvent…
Et avec une dotation triple par étudiant de celle des universités vous pouvez faire mieux.
Réponse à votre commentaire du 22 janvier, 18h19
On vous signale vos contradictions, vous ne les comprenez pas. On vous dis que votre démarche est « originale », mais vous ne comprenez pas quand on vous explique qu’elle l’est seulement parce que personne ne la croit pertinente… Vous passez à la mauvaise foi la plus totale en proférant des accusations sans le moindre fondement. Puis vous avez l’hypocrisie de prétendre que nous aurions pu collaborer, si j’avais été « constructif ». Ridicule.
Pour couronner le tout, vous avez l’inélégance de supprimer ma possibilité de « répondre » à votre commentaire.
J’ai lu avec consternation votre compte-rendu de CA. Plutôt que de vous présenter en victime, il vaudrait mieux essayer de comprendre pourquoi vous n’êtes pas crédible. L’élection ne donne pas la compétence et celle-ci est indispensable pour se faire respecter.
La seule façon d’être constructif dans votre cas est celle que j’ai emprunté. Formez-vous. Ne parlez que de sujet sur lesquels vous avez acquis une vraie compétence. Ou limitez-vous à votre « clavier ».
Fin de partie en ce qui me concerne.
De deux choses l’une.
– Soit vous ne comprenez vraiment rien à mes travaux, auquel cas j’en suis navré… Mais bon, c’est la vie.
– Soit en réalité, ce n’est pas mes travaux qui vous dérangent, et votre réaction me conforte dans la conviction de leur bien-fondé.
Quoi qu’il en soit, et ça résumera peut-être tout notre échange : je n’ai évidemment jamais bloqué votre possibilité de commenter (et je pense que votre commentaire le prouve).
N’hésitez néanmoins pas à me laisser un pointeur vers vos travaux et écrits publics, que je me ferai un devoir d’ingérer afin d’améliorer les miens.
Bien cordialement,
Votre collègue.
Une formation, ici, académique ET humaine, n’a pas de PRIX .
Oui, il est possible de financer des actions!
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Bonjour,
Le montant d’environ 10000€ de coût annuel est une simple reprise du Compte annuel de l’éducation dont la méthodologie est exposée ici: https://www.education.gouv.fr/le-compte-de-l-education-principes-methodes-et-resultats-40844
Cordialement
Bonjour,
Merci de votre réponse, qui confirme absolument ce que j’affirme et maintiens : il s’agit d’une confusion entre dotation et coût de la formation. Le terme utilisé est « dépense moyenne par élève ou étudiant », cette dépense étant une dotation à l’établissement, et les universités étant des établissements qui ne font pas que de l’enseignement, et utilisent donc leur dotation à d’autres activités.
Il est donc tout à fait faux d’affirmer que 10k€ de « dépense »/dotation correspondent à 10k€ de « coût de la formation ». C’est d’ailleurs tout l’objet de mon billet.
Ceci étant, je vous remercie pour le lien qui confirme également, p. 15 notamment, que sont englobés dans « enseignements » de nombreuses dépenses qui n’en sont pas.
Bien cordialement.
Bonjour,
à noter qu’un groupe de travail comprenant l’ensemble des contrôleuses et contrôleurs de gestion des Universités tente de mettre en place une méthodologie commune, basée sur une comptabilité analytique assez classique, comme vous le présentez dans votre article.
Et bien entendu, sur le schéma binaire enseignement versus recherche. En effet, les limites sont nombreuses : il est impossible de ventiler les fonctions supports, le fonctionnement et l’investissement (fluides, travaux, patrimoine, etc.) sur l’une ou l’autre activité, sauf à faire des choix purement arbitraire.
Pour les fonctions supports (RH, finance, secrétariat de département, labo, scolarité) sont très souvent mutualisées. Dire qu’une personne qui travaille sur différent domaine passe tant de % de son temps en appui à la recherche ou à l’enseignement est une gabegie.
Sans compter que des variations très importantes peuvent être constatées d’une formation à une autre, ou d’une année à l’autre, juste en modifiant la composition de l’équipe pédagogique : les vacations de personnels non titulaires ont un coût plus important du fait des cotisations patronales plus élevées (environ 40% du salaire brut, contre 5% pour un.e fonctionnaire), un.e professeur.e d’université classe exceptionnelle à un salaire charge comprise deux fois plus élevées environ qu’un.e MCF en début de carrière, etc.
Et je dirais, concernant les doctorant.e.s, que l’on peut considérer qu’en participant à l’activité des laboratoires (publications, valorisation, etc.), ils et elles produisent de la valeur qui n’est pas valorisée par un salaire. Une forme de bénévolat, en quelque sorte.
Sans compter la qualité du système d’information, son exhaustivité, sa capacité à restituer une info plus ou moins exploitable, etc. C’est un exercice qui prend du temps et qui donne un résultat plus qu’approximatif.
Sauf que le Ministère compte bien s’appuyer à terme sur ces indicateurs pour calculer la dotation de chaque établissement…