Le 21 mai, la Conférence des présidents d’université publiait un communiqué intitulé « La CPU pour une approche proactive de l’autonomie », incluant 5 revendication particulièrement précises.
Il est intéressant de mettre ce communiqué en parallèle avec le Projet de loi de transformation de la fonction publique (PLTFP) [thread twitter].
La CPU se prépare-t-elle à la transformation de la fonction publique ? Comparaison de texte.
Développement de la contractualisation
La première revendication de la CPU concerne la contractualisation des agents et la suppression des cadrages réglementaires. Elle se retrouve telle qu’elle dans les articles 8 et 9 du PLTFP, qui consacrent notamment le contrat de projet, équivalent du contrat de chantier du secteur privé. Ce contrat ne pourrait pas être moins protecteur pour l’employé.
Fusion des établissements
La deuxième revendication de la CPU concerne la fusion des établissements, en référence à l’Ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Elle se retrouve l’article 19 du PLTFP, dans des termes très similaires mais concernant les centres de gestion départementaux dans la fonction publique territoriale. Faut-il y voir, après la soi-disant autonomie des universités, une étape supplémentaire dans la remise en cause de la position de l’ESR en tant que fonction publique d’Etat ?
Gestion des carrières
La troisième revendication de la CPU se concentre sur la gestion des carrières des agents, et notamment des enseignants-chercheurs, sur ses trois volets : recrutement, rémunération et organisation du temps de travail. La CPU revendique notamment l’affaiblissement du CNU. Encore une fois, on retrouve dans les mêmes termes la même approche dans l’article 4 du PLTFP, avec un affaiblissement des CAP.
Une prise de risque inconsidérée ?
Pour conclure, la CPU revendique deux leviers financiers : d’une part une fiscalité avantageuse et le recours à l’emprunt, d’autre part des moyens en rapport avec les besoins, sur la base du désormais fameux principe du décideur/payeur.
On pourra s’étonner de cette conclusion, qui semble très risquée dans le contexte actuel.
Un risque vis-à-vis du ministère
Revendiquer le principe de « décideur/payeur » de pair avec des leviers propres au secteur privé (fiscalité et emprunt) est sans doute une manière d’indiquer au ministère que les entailles à l’autonomie doivent s’accompagner de moyens…
Mais après avoir explicitement revendiqué de devenir de vrais « décideurs » (« managers publics » dans le PLTFP) usant de statuts propres au secteur privé, cette démarche pourrait être utilisée par le ministère pour dire : « Maintenant que vous êtes décideurs, vous voilà également payeurs…». Et si la commercialisation de notre immobilier et le recours à l’emprunt ne sont pas suffisant, alors nous serons contraint de songer à la hausse des frais d’inscription.
Nul doute que nous aurons alors des moments poignants en conseil, faits de « pris à la gorge » et de « nous n’avons pas le choix », saupoudrés de toujours bienvenus « ce n’est pas de notre responsabilité ».
Un risque vis-à-vis de la communauté
En une année à peine nous avons instauré la sélection à l’université et la hausse différenciées des frais d’inscription, nous réformons nos premiers cycles parfois avec brutalité et sans vision, toujours sous une pression budgétaire constante… Nous n’avons pris la mesure ni des fusions/regroupements, ni de l’arrêté Licence… La communauté est heurtée et a besoin de se reposer et de retrouver.
Dans ce contexte, ce communiqué a agit comme une déflagration. En s’exprimant ainsi, la CPU a pris le risque de s’exclure de la communauté universitaire, et de se se positionner d’un autre côté de la barrière, du côté des managers publics. Compte tenu de l’avenir qui nous semble réservé, on peut les comprendre… Mais la fracture est-elle en train de s’étendre ?
Et si oui, va-t-elle s’étendre jusqu’à la disposition de l’article 28 du PLTFP ?