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Parcoursup : le bidonnage continue

La promotion de Parcoursup s’est appuyée sur une double promesse : d’une part faire face au déficit de places, et d’autre part améliorer la réussite en Licence, les deux grâce à une meilleure affectation dans le supérieur. Cette promesse s’est accompagnée d’un engagement fort à plus de transparence. Malheureusement, depuis 2018, les chiffres sont systématiquement manipulés :  d’abord avec deux modifications des tableaux de bord, puis la recatégorisation des candidats et enfin cette année l’archivage des vœux. Chronologie.

Mai 2018

Au départ, les tableaux de bord étaient parfaitement sincères : organisées en deux barres, on y trouvait toutes les informations permettant le suivi de l’affectation, allant des candidats en attente d’une première proposition jusqu’aux candidats ayant définitivement accepté leur affectation, en passant par ceux ayant quitté la plateforme.

Premier tableau de bord Parcoursup, 23 mai 2018

Juillet 2018 : modification des données du tableau de bord

Au milieu de cette premiere procédure, les tableaux de bord sont modifiés sans explication. On y perd les deux barres bien lisibles, et on y voit apparaître la catégorie de « candidats inactifs ». On remarquera la discrétion de la catégorie « candidats ayant quitté la procédure », privée d’une boite.

Tableau de bord Parcoursup à partir du 23/07/2018

 

Cette nouvelle catégorisation conduit à des titres de presse moins catastrophiques que « 142 000 candidats quittent la plateforme » ou « 80 000 candidats toujours sans affectation ».

Le Point, 30/07/2018

Mai 2019 : deuxième modification des tableaux de bord, et recatégorisation des candidats

La deuxième session Parcoursup, en 2019, a été marquée par 110 000 candidats inattendus, sans doute séduits par les discours triomphaux officiels : « Les adultes en reconversion, public surprise de Parcoursup » (Le Monde Campus, 18/07/2019).

Cela a donné lieu à une recatégorisation des candidats : d’un côté les lycéens, de l’autre les candidats « en réorientation ou scolarisés à l’étranger », et non pas simplement « autres »… Puisque cela masque la disparition pure et simple des candidats en reprise d’étude : de 898 054 candidats officiels le 17 mai, on passe à 788 845 le 21 mai.

Au passage, les tableaux de bord sont à la fois réduits et complexifiés :

  • Les trois données les plus importantes disparaissent (les candidats affectés, ceux encore en attente, et ceux ayant quitté la plateforme) : la notion d’affectation, la seule qui compte en réalité, est proprement invisibilisée, jusque dans les discours.
  • A la place, on trouve des données difficiles à utiliser, comme « les candidats ayant quitté la plateforme avant de recevoir une proposition d’admission », moins parlantes que « les candidats ayant quitté la plateforme » et inutile sans « les candidats ayant quitté la plateforme après avoir reçu une proposition d’admission ».

Premier tableau de bord Parcoursup 2019, 18/05/2019

 

Malgré la disparition des candidats en reprise d’étude, le nombre de candidats non affecté augmente et cela se voit dans la presse :

Le Figaro étudiant, 15/07/2019

Juillet 2020 : « l’archivage » des candidatures

La troisième session de Parcoursup est marquée par un nouveau coup dur : l’augmentation du nombre de bacheliers en raison à la fois de la crise sanitaire et de la transformation du Bac général.

Parcoursup 2020 : Une rentrée sous haute tension ?

En l’absence de création substantielle de nouvelles places, il fallait donc s’attendre à une nouvelle augmentation du nombre de candidats non affectés par la plateforme. Pourtant, les titres de presse montrent une réduction significative des candidats toujours en attente : à peine 9500.

L’Obs, 17/07/2020

 

Pourtant, du côté des tableaux de bord, on observe plutôt une dégradation, avec 20% de candidats sans proposition de plus par rapport à l’an dernier. Le chiffre repris partout dans la presse semble être celui des « candidats ayant saisi la CAES », et donc pas stricto sensu celui des candidats encore en attente.

Tableau de bord Parcoursup, 16/07/2020

 

Il apparaît en réalité que cette nouvelle confusion vient d’une innovation de cette année : « l’archivage des vœux ». Cette opération semble consister simplement à sortir tous les candidats encore en attente des chiffres des candidats encore en attente. Ces derniers peuvent en réalité encore recevoir des propositions et même émettre de nouveaux vœux, comme s’ils étaient en attente, et le terme « exceptionnel » est employé sans qu’on sache pourquoi : il n’y a pas de raison qu’un déblocage de place soit plus exceptionnel le 14 que le 18 juillet.

Site Parcoursup.com, 17/07/2020

Ce serait en réalité le retour de la catégorie mystérieuse des « candidats inactifs », mais invisibilisée : en vidant artificiellement tous les candidats des listes d’attente et en comptant ensuite ceux qui se manifestent, on peut annoncer que seulement ces derniers sont encore en attente. Et tant pis si cela stresse encore un peu plus des candidats déjà en grande difficulté.

On ne va simplement pas jusqu’au bout de la démarche, en conservant en réalité ces candidats dans des listes d’attentes dites « archivées », afin de combler les trous qui continuent de se créer après les désistements, puisque la phase complémentaire continue jusqu’à mi-septembre.

Septembre 2020

Après avoir repoussé la fin de la procédure à fin septembre, Mme Frédérique Vidal a produit un communiqué dépourvu des chiffres principaux permettant de mesurer la qualité de l’affectation : le nombre de candidats affectés, et leur taux de satisfaction.

Ces informations étaient pourtant précisées lors de la précédente mandature. De plus, cette année le ministère à financé une enquête Ipsos : parmi les dizaines de questions, aucune ne s’intéresse au taux de satisfaction de la place obtenue.

Comparaison des communiqué APB 2016 et Parcoursup 2020

Conclusion

En trois éditions, Parcoursup a été l’objet de quatre modifications substantielles des chiffres d’affectation : d’abord deux modifications des tableaux de bord, invisibilisant les données les plus utiles ; ensuite la recatégorisation des candidats, invisibilisant purement et simplement une de ces catégories ; et enfin cette année l’archivage des vœux, permettant de réduire les candidats en attente aux seuls ayant saisi une CAES (en leur faisant peur, mais sans pour autant les exclure vraiment encore). 

Cette dernière manipulation a été très efficace puisque les titres de presse se sont essentiellement concentrés sur ce chiffres de 9500, contrairement aux années précédentes.

Au final, cela fait 3 ans que nous avons perdu le suivi de la satisfaction des bacheliers vis-à-vis de leur affectation dans l’enseignement supérieur. Cet aveuglement est dangereux pour la bonne gestion de notre système d’enseignement national. 

Pour aller plus loin

Concernant le second volet de la promesse Parcoursup, la réussite en Licence, le SIES a produit une note formidable que j’invite chacun à aller voir :

https://twitter.com/JulienGossa/status/1282694286044266497

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