L’enseignement supérieur en général, et l’université en particulier, fait l’objet d’une attention suivie de la part du gouvernement et du monde politique. Le vote de la LRU a ainsi entamé une période de profonde refonte de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.
Conformément à la culture administrative de notre pays, les problèmes sont essentiellement abordés via une approche institutionnelle et structurelle. C’est ainsi que l’on parle en permanence de gouvernance, de grand établissement, de la forme juridique des PRES, de fusions… Pourtant, il me semble que le problème essentiel est ailleurs. Comme indiqué dans le titre de ce post de façon un peu provocatrice, l’université sort d’une période au cours de laquelle les décisions de gestion importantes étaient prises au niveau central : carrière des enseignants-chercheurs, création ou suppression de postes, budgets affectés aux laboratoires, voire maquettes pédagogiques. Et j’ai été témoin entre 2006 et 2008 des arbitrages relatifs aux dotations de l’ensemble des laboratoires français, toutes disciplines confondues. Bien sûr, nombreuses étaient les personnes du ministère à participer à cet exercice, mais la décision finale était prise par un seul. Ce qui ne manque pas de laisser rêveur…
De ce point de vue, l’université française – en dépit de ses origines multiséculaires – peut vraiment être considérée comme sortant tout juste de l’enfance, et se trouve de fait en pleine crise d’adolescence. En effet, les réactions sur le terrain alternent entre déclarations enflammées d’autonomie, voire indépendance, et gestion marquée par une prudence exacerbée, pour ne pas parler de peur. Je rappelle en outre que le CA d’une université est largement une instance de gestion et non de pilotage ou de stratégie, comme doit l’être tout Conseil d’Administration.
La question posée est celle de la transformation de la culture d’entreprise universitaire, qui est indéniablement en cours, mais semble n’intéresser personne au niveau de l’Etat. Car pour devenir responsable et autonome, il ne suffit pas que quelqu’un vous dise que vous l’êtes ; il faut le comprendre profondément, le partager et apprendre à en assumer les conséquences.
De mon point de vue, de nombreuses difficultés entre écoles et universités trouvent leurs sources là. Car les écoles dans leur immense majorité se frottent à ces questions de pilotage, responsabilité, autonomie, alliances… Ce que les universités commencent juste à traiter en profondeur. Et leur tendance à répéter le modèle centralisé qu’elles ont subi pendant tant d’années n’est pas là pour rassurer les écoles. Je reviendrai sur cette question bientôt.
Gageons que cette année 2011 permette aux universités de changer d’état quantique, de manière à ce que ces notions essentielles que sont responsabilité et autonomie leur deviennent une seconde nature.
Merci pour votre pertinente contribution. L’Université, tout au moins l’université publique » est une organisation fort complexe dont il ne faut jamais oublier un élément quand on pose la question de sa liberté et de sa responsabilité. Organisation complexe car l’université publique est à la fois : 1. Une institution chargée de défendre et de faire progresser des valeurs. 2. Une administration publique régie par la loi et ses déclinaisons (décrets,…); 3. Un ensemble de corps professionnels (fondés sur les disciplines) dont la loi fonde la Liberté intellectuelle. 4 Une entreprise qui a des missions et des objectifs à atteindre, qui mobilise des ressources et qui doit être évaluée sur ses résultats. Il est complexe de faire interagir avec efficience et efficacité ces éléments essentiels de l’organisation universitaire : que décider au niveau européen, au niveau national, au niveau régional, au niveau de chaque établissement ? Quelle subsidiarités ?
Si un de ces éléments de l’organisation universitaire est oublié, détruit, méprisé, on passe à une organisation qu’on ne peut plus appeler « Université » ; c’est bien sûr, une des évolutions possibles. Le LRU, en ce qu’elle affaiblit fortement 3 des 4 éléments de l’Université publique (l’université Institution, l’université Administration, l’université ensemble de corps professionnels), induit un changement de système universitaire sans le dire. C’est pourquoi j’estime que cette loi est indigne.
Je n’estime pas personnellement que cette loi est indigne, mais plutôt qu’elle est largement insuffisante notamment du fait qu’elle n’est pas portée par une vision, que je la partage ou non.
Par ailleurs, j’ai la faiblesse de penser que l’une des facettes de l’université, comprise dans votre point 4 mais non explicite, doit être un élément fondateur de l’université, à savoir son rôle pédagogique, afin de former citoyens et professionnels, dans toute leur diversité, dont le pays a besoin.