Recrutements et élections dans les universités : les logiques de défiance

J’ai abordé dans le post précédent la question du recrutement des enseignants-chercheurs au moyen des comités de sélection. J’ai assez peu insisté – si ce n’est à travers un exemple tragi-comique – sur un principe qui peut surprendre, à savoir la nécessité qu’au moins la moitié des membres du jurys soient extérieurs à l’établissement. Dans le cadre de la gestion des ressources humaines d’un établissement d’enseignement supérieur, il semblerait que cette phase de recrutement doive être totalement maîtrisée en interne, quitte à s’adjoindre quelques compétences – typiquement RH – pour bien vérifier que le candidat va correspondre aux attentes de l’établissement d’accueil. La raison essentielle d’un choix aussi étonnant tient en peu de mots. Les universités étant considérées comme immatures, on leur impose de faire intervenir des gens externes pour redonner un peu de neutralité dans leurs choix. On continue là d’infantiliser les universités en leur imposant des règles complexes ayant pour objectif essentiel de contrecarrer des comportements endogènes, mais qui génèrent pour autant de nombreux effets pervers… et ne contrecarrent pas grand chose, les échanges de bon procédés entre collègues d’établissements différents étant monnaie courante.

A contrario, penchons-nous sur l’élection des présidents d”université. Les missions d’une université, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, en font un objet social, politique, voire économique de premier ordre – ce dont les collectivités locales en particulier sont pleinement conscientes -. Il semble donc normal que l’élection du président doive être réalisée par l’ensemble des membres du conseil d’administration, personnels et usagers élus d’une part, membres extérieurs d’autre part. Comme chacun le sait il n’en est rien, et je ne reviendrai pas sur les nombreuses conséquences funestes de ce dispositif. Mon propos est seulement ce chercher à identifier quelques raisons d’un tel choix. Car la défiance est encore au rendez-vous, mais il s’agit là de la défiance de la communauté académique vis-à-vis du monde extérieur, suspect de la mener vers des objectifs de court terme, à rentabilité politique ou économique immédiate. De tels débats – entre construction de la connaissance et impacts économiques – doivent avoir lieu au sein des conseils d’administration ; ces lieux sont même conçus à cet effet. Mais ils ne peuvent typiquement pas avoir lieu lors de l’élection du président, qui constitue un moment essentiel dans l’évolution stratégique des établissements.

En résumé, ces logiques de défiance mènent à des choix organisationnels à la fois incompréhensibles et profondément contre productifs, les membres extérieurs étant vus comme vertueux quand il s’agit de gestion interne de l’université et par contre dangereux lorsque l’on doit évoquer les aspects stratégiques.

Sur ces questions comme sur d’autres nos modes d’organisation mériteraient vraiment d’être revisités.

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Article du on mardi, juin 21st, 2011 at 14:26 dans la rubrique Non classé. Pour suivre les flux RSS de cet article : RSS 2.0 feed. Vous pouvez laisser un commentaire , ou un trackback sur votre propre site.

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