Le fund raising (ou levée de fonds) mobilise depuis quelques années des sommes de plus en plus importantes. Les établissements d’enseignement supérieur les plus connus sont aujourd’hui capables de lancer des campagnes de levées de dons qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros.
Même si historiquement, les entreprises ont été (du moins en France) les principales contributrices à ces campagnes de financement, les particuliers représentent désormais une part croissante des dons.
Parmi eux on va trouver bien sûr les diplômés (les Alumni en jargon fund raising), mais aussi des mécènes passionnés par la cause de l’enseignement supérieur, qui donnent pour des institutions par lesquelles ils ne sont pas passés.
Cela peut paraître étrange, mais l’enseignement supérieur est une cause qui réunit un nombre croissant de donateurs. A l’Ecole Centrale, près de 15% des alumni ont fait un don au moins une fois dans les 4 dernières années.
Qu’est ce qui peut amener un particulier à donner à une Ecole ou à une Université ?
Ces donateurs font mentir ce que les sceptiques du fund raising ont longtemps dit, à savoir que dans un pays à forte fiscalité comme la France, le mécénat ne pouvait pas se développer.
La croissance des fondations et du fund raising ces dernières années est venue démentir ces pronostics pessimistes.
Les motivations varient beaucoup d’un donateur à l’autre ; elles sont souvent imbriquées, et plusieurs motivations peuvent être présentes chez le même donateur. Néanmoins il est possible de distinguer des motivations bien distinctes qui amènent à donner.
Classiquement, notamment dans le monde anglo-saxon, on cite le retour vers l’Alma Mater. L’idée sous-jacente est que la formation initiale est l’un des moteurs décisifs du succès professionnel ; si l’Alumni a bien réussi financièrement, il est admis qu’il doit donner une fraction de ce qu’il a gagné à son Université. C’est un juste retour des choses, une forme de gratitude.
En France, ce retour vers l’Alma Mater prend un relief particulier car bien d’établissements ne demandent que de faibles droits de scolarité (Universités, Ecoles publiques). Dans ce cas, le devoir moral de retour est encore plus aigu : « j’ai réussi grâce à une Ecole qui ne m’a quasiment rien coûté ».
Nous avons rencontré à l’Ecole Centrale, quelques cas de donateurs qui ont calculé le montant de leur don en proportion directe du coût estimé de leur scolarité (en somme aux frais de scolarité qu’ils estiment qu’ils auraient dû payer).
Cependant, on trouve également toute une palette d’autres motivations pour le don.
La fierté d’appartenance ; donner, c’est afficher son insertion dans une communauté dont on est fier ; une sorte d’élite. Et c’est surtout contribuer à maintenir et accroître la valeur du diplôme et de l’institution. Cette motivation est particulièrement forte aujourd’hui, dans un contexte de globalisation dans lequel toutes les cartes sont rebattues, et les réputations établies sont menacées.
Générer de la fierté est un des axes majeurs de toute campagne de mécénat. Pour collecter, il vaut mieux faire envie que pitié. Les projets doivent être ambitieux, et montrer qu’ils contribuent à grandir la qualité et la réputation de l’institution.
C’est notamment cette motivation qu’on va retrouver au cœur des dons faits par les étudiants eux-mêmes (les fameux « class gifts ») qui, en dépit de leurs moyens encore modestes, et bien qu’ils acquittent des frais de scolarité parfois élevés, font un don à leur Ecole.
Autre motivation : la nostalgie, le lien avec des moments anciens et bons. Cette motivation relève aussi de l’appartenance, mais joue sur un ressort plus sentimental. Le don vise alors à créer du lien, et souvent recréer les liens d’une période ancienne, peuplée de bons souvenirs.
On cite souvent les universités américaines, ou l’INSEAD, qui invitent des promotions d’anciens élèves, à écouter leur ancien professeur dans l’amphi dans lequel ils ont usé leur fond de culotte lorsqu’ils étaient étudiants.
Pour inciter au don, les fund raiser organisent des visites du campus, des immersions dans les résidences étudiantes ; également des rencontres avec les étudiants, qui replongent l’alumni dans ses années d’Ecole, et favorisent la transmission inter générationnelle.
Egalement, un levier très puissant est la volonté de participer à un projet exaltant, très ambitieux.
Quand je donne, je veux contribuer à changer le monde ; à le transformer. Les projets de mécénat doivent faire rêver : construction d’un nouveau bâtiment, d’un learning center ultra moderne ; d’un campus à l’étranger ; programme ambitieux d’ouverture sociale ; réalisation de découvertes scientifiques décisives …
Le donateur ne donne pas pour le fonctionnement courant de l’institution, mais pour la préparer à l’avenir.
Ceux qu’on appelle les « nouveaux philanthropes », ou les « venture philanthropists », sont très sensibles à cette dimension. Ils s’impliquent souvent directement dans les projets, apportant, en sus de leur argent, du temps et de la compétence. Le don est pour eux un levier de transformation.
Très souvent liée à la motivation précédente : la volonté de soutenir une cause d’intérêt général. Cette motivation est de nature fondamentalement philanthropique ; très similaire à celle des donateurs à une cause caritative : soutien à la recherche médicale ; engagement pour maintenir un enseignement supérieur de qualité en France ; aide aux étudiants modestes etc …
C’est cette motivation qui légitime fondamentalement les soutiens publics au mécénat, sous forme de déductions d’impôts et de reconnaissance d’utilité publique. Le donateur souhaite sentir qu’il contribue à l’intérêt général ; à une cause qui dépasse l’intérêt propre de l’institution qui reçoit le don.
La pyramide de Maslow est un bon outil d’analyse pour ces cas là : les donateurs sont souvent des gens qui se sont matériellement réalisés, ont fait de belles carrières, et ont suffisamment d’argent pour pouvoir en consacrer une fraction à une cause d’intérêt général. Par ce biais là, ils donnent du sens à leur réussite ; ces donateurs, qui souvent ont toute leur vie investi pour obtenir un retour personnel sur investissement, changent d’attitude : ils donnent, sans espoir de retour matériel pour eux-mêmes.
C’est sous cet angle qu’on peut parfois dire que le don change autant le donateur que la cause qui reçoit le don. Donner pour améliorer le monde, c’est aussi devenir meilleur soi-même.
Au final on voit que les motivations sont très multiples, et complexes. Donner est principalement un acte affectif, voire non raisonnable. Le bon fund raiser fait plus appel à l’émotion et à la relation, qu’à la raison. Pour convaincre un donateur l’institution doit avoir une belle stratégie, présentée sur de beaux slides ; mais cela ne suffit pas …