Lors d’un précédent billet (1 er mars 2014) j’ai évoqué la question de l’évolution de carrière des Fund Raisers : quels métiers au-delà du fund raising dans l’enseignement supérieur ? Cette question est importante, car les métiers du Fund Raising attirent de nombreux nouveaux venus depuis quelques années ; la question de ce que deviennent ces nouveaux professionnels après quelques années dans un premier poste est importante pour que cette attractivité soit durable.
Cette question en pose une autre : le Fund Raising est-il un métier particulier, isolé au sein de nos établissements ? Voué à rester durablement atypique ? Ou s’insère-t-il dans un ensemble plus large de métiers d’appui à l’enseignement et à la recherche, dont il constituerait seulement un aspect ; ce qui ouvrirait aux Fund Raisers des perspectives professionnelles plus importantes.
Un élément de réponse m’a été apporté par les conférences organisées en Grande Bretagne, chaque année, par l’association CASE (Council for Advancement and Support for Education). La Grande Bretagne se caractérise par une maturité des métiers du Fund Raising plus grande que celle atteinte par les pays d’Europe continentale : le Fund Raising dans l’enseignement supérieur y est plus ancien ; mobilise des équipes nombreuses, professionnelles, qui lèvent des montants importants ; le moindre collège technique dispose de sa structure de Fund Raising.
En outre, la structuration des associations professionnelles est différente en France et en Grande Bretagne. En France, cette structuration est faite sur une base métier : l’Association Française des Fundraisers regroupe les Fund Raisers de tous les secteurs : enseignement supérieur, caritatif, culture, organismes de recherche, confessionnel, santé etc …
En Grande Bretagne au contraire, la segmentation est sectorielle : CASE regroupe un ensemble de métiers supports dans le secteur des universités. Cette approche sectorielle favorise les évolutions d’un métier à l’autre, et met en évidence les synergies entre le Fund Raising, et un ensemble d’autres métiers que nos cousins britanniques jugent proches. Il s’agit de 4 métiers fondamentaux :
– Les métiers du Fund Raising : sollicitation grands donateurs, fonds annuel, stewarship (« cultivation »), prospect research, événementiel etc …
– Les métiers de la Relation Alumni : en Grande Bretagne, les associations d’Anciens sont très imbriquées dans les universités ; les équipes de Relations Alumni et de Fund Raising sont généralement proches.
– Les métiers de la Communication institutionnelle et événementielle (approche médias, stratégie digitale …)
– Les métiers du marketing ; très axés sur la construction de la marque, le marketing opérationnel ; et l’appui aux stratégies de recrutement d’étudiants.
Quels sont les points communs entre tous ces métiers ?
Les 4 grands métiers ciblés par les conférences CASE mettent en évidence un axe commun : tous ces métiers sont tournés vers l’externe : leur objectif commun est de mobiliser des communautés extérieures, pour les mettre au service de l’établissement : les anciens élèves ; les donateurs ; le grand public ; les parents ; les candidats aux programmes de formation initiale et les prospects pour les programmes de formation continue ; les décideurs et leaders d’opinion …
Chaque communauté extérieure peut apporter sa contribution à l’établissement : les candidats et les prospects en « achetant » des programmes de formation ; les anciens et les leaders d’opinion en diffusant une image positive de l’établissement ; les donateurs en faisant des dons ; les parents et le grand public en étant prescripteurs de futurs candidats etc …
Derrière cet objectif commun, se dégagent des compétences communes :
– Le community management, la capacité à fédérer une communauté autour d’un objectif commun, à l’intéresser et à la mobiliser
– Les techniques et métiers de la communication : médias, relations presse, événementiel
– Plus particulièrement, les métiers et techniques du digital : web, réseaux sociaux, marketing viral etc …
– Le marketing, au sens de : définir une offre, la confronter à un marché, la positionner par rapport à la concurrence, trouver les argumentaires et les médias …
– Et plus largement, l’orientation client, une sorte de posture « commerciale » qui est rare dans l’enseignement supérieur, et irrigue l’ensemble de ces métiers : in fine il s’agit bien de promouvoir l’établissement, ses métiers et ses réalisations, auprès de différents publics externes.
Plus largement, le terme Advancement, au cœur du signe CASE, bien qu’assez vague, fait ressortir un trait commun : tous ces métiers concourent à la transformation de l’enseignement supérieur. Il s’agit de métiers d’appui aux fonctions cœur qui sont l’enseignement et la recherche ; mais aussi de métiers qui par nature accompagnent les mutations de ces fonctions, car ils sont très en phase avec l’environnement extérieur. Ces professionnels jouent un rôle de « têtes chercheuses », de capteurs sur les évolutions du monde, et par conséquent d’aiguillons pour faire changer la recherche et l’enseignement. Dans un monde universitaire très tourné vers la production (de savoirs, de contenus, de connaissances), les métiers de l’advancement sont résolument tournés vers les parties prenantes extérieures à l’établissement, dont ils cherchent constamment à décrypter les attentes, les évolutions.
Ces métiers sont appelés à se développer en Europe continentale ; ne serait-ce que parce que les établissements devront se financer de plus en plus par eux-mêmes, et de ce fait devront faire davantage appel à ces « communautés » extérieures dont je parlais plus haut. Mais aussi parce que, dans un monde de plus en plus changeant, la nécessité de rester connecté à tout moment avec l’environnement est de plus en plus cruciale. C’est un enjeu de survie.
De belles perspectives professionnelles s’offrent à nos Fund Raisers hexagonaux dans l’ensemble de ces métiers….