Quels formateurs pour la formation continue ?

En ces périodes de disette budgétaire, le discours sur la formation continue revient en force, principalement en tant qu’outil de financement complémentaire pour nos établissements ; mais aussi comme démarche de développement des relations entreprises; voire fer de lance pour l’expansion internationale (en Asie dans le cas de l’ESSEC par exemple).

 

Et de fait, dans certains établissements, les activités de formation continue ont connu une forte croissance ; l’ESSEC, HEC sont désormais des acteurs majeurs sur le plan international ; parmi les écoles d’ingénieur, Centrale Paris a multiplié ses activités de formation executive par 5 en 5 an5 oct 14_petit cerveaux ouvert_3s.

 

Cette croissance pose la question de la professionnalisation des formateurs. Par professionnalisation, je veux parler de la structuration d’une ressource de formateurs, compétente, disponible, motivée, loyale, et dont les compétences se ressourcent afin de rester au meilleur niveau.

Tant que la formation continue restait une activité marginale pour nos établissements, elle pouvait être assurée « à la marge » par les enseignants statutaires de l’établissement, complétés par un volant de formateurs externes plus au moins fidélisés.

 

Quand il s’agit d’assurer plusieurs dizaines de milliers d’heures-stagiaires de formation, ce système ne suffit plus. Les enseignants statutaires5 oct 14_recrutez des formateurs_2jpg n’ont pas la disponibilité suffisante, et le recours aux formateurs externes s’impose. Se pose alors une série de questions cruciales pour permettre à la formation continue de poursuivre sa croissance :

 

–                 Formateurs externes : faut-il les salarier ou contractualiser avec eux sur un statut de type free-lance ? Le salariat assure la loyauté des formateurs externes, et peut contribuer ponctuellement à diminuer les coûts de production ; en revanche il alourdit les coûts fixes de structures de formation continue dont la rentabilité est souvent fragile ; le modèle dominant dans le secteur est celui de l’externalisation.

 

–                 Faut il structurer un véritable « corps enseignant de la formation continue ? », avec ses règles de recrutement, de gestion de compétences, de progression, distinctes de celles des enseignants statutaires. Même en statut de sous-traitance, les intervenants en formation continue sont demandeurs de reconnaissance ; il doivent pouvoir disposer d’une carte de visite au nom de l’établissement pour lequel ils interviennent ; ils sont en attente de visibilité, de reconnaissance, de progression personnelle, d’information. La gestion d’un pool de formateurs suppose de mettre en place des règles bien définies de reconnaissance, de formation, de rémunération, de motivation … Et ces règles sont nécessairement différentes de celles des enseignants chercheurs.

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–                 Un tel amène néanmoins à la question suivante : c’est celle de la relation entre les fomateurs de l’Executive Education, et les enseignants permanents. Si la formation continue s’organise comme une activité à part, spécifique, comment éviter le cloisonnement entre formation initiale et formation continue ? A Centrale Paris par exemple, une question encore en discussion est celle des modalités de l’intégration des formateurs dans les départements d’enseignement et de recherche.

 

–                 La question de la relation nous amène à celle, connexe, du ressourcement des compétences pour les formateurs. Je crois que le ressourcement d’un formateur s’effectue principalement de 2 manières : par la recherch5 oct 14_machine à café_4e, ou par l’activité en entreprise. Un formateur qui ne fait que former se « périme » très vite, beaucoup plus vite qu’un enseignant non-chercheur en formation initiale ; en effet le formateur en Executive Education travaille sur des compétences en général plus appliquées, proches du terrain et donc évolutives, que les enseignants qui interviennent devant de jeunes étudiants, plus axés sur les fondamentaux.

Faut-il faire admettre les formateurs dans les laboratoires de recherche ? Si oui, comment, et pour y faire quoi ? faut-il leur imposer de garder une activité en entreprise ?

 

Il y aurait bien d’autres questions, que je ne peux pas aborder dans un court billet. Une question toutefois que je veux au moins mentionner avant de finir : c’est celle de la loyauté des formateurs. Ceux-ci sont souvent des indépendants, des free lances, qui en sus de leur 5 oct 14_pomme carrée_6intervention pour l’Ecole, ont leurs propres clients en direct. Cette situation est souvent génératrice de conflits : incompréhension du formateur sur le niveau de marge prélevé par l’Ecole ; risque que le formateur utilise l’Ecole comme variable d’ajustement, pour compléter son activité lorsqu’il n’a pas assez de clients en direct ; situation (vécue) d’intervenants qui se servent de l’Ecole comme tremplin pour recruter des clients qu’ils s’empressent de servir ensuite en direct ….

 

L’animation d’un réseau de formateurs en Executive Education est un sujet inépuisable de discussion et parfois de conflits, un système en équilibre instable, fait d’un nombre infini de micro négociations entre des acteurs très divers, regroupés sous une même marque, mais ayant souvent des trajectoires personnelles très individualisées. Le management des formateurs est une fonction à part entière dans les structures de formation continue des écoles, un véritable métier.

This entry was posted on dimanche, octobre 5th, 2014 at 16:45 and is filed under Non classé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

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