Dans un précédent billet, je vous faisais part du décalage que je perçois, en matière de formation Executive, entre les attentes des grands clients de formation continue, et l’offre que leur propose la plupart des organismes universitaires de formation. Les attentes sont de plus en plus globales (programmes déployés au niveau international, infrastructures locales, niveau de qualité homogène sur plusieurs sites, stages en anglais etc …) ; tandis que l’offre reste pour une grande part atomisée, structurée autour d’individus, artisanale, et souvent trop exclusivement francophone.
Comment réduire le gap ?
Pas de solutions miracles, mais quelques pistes ; la réponse à ce décalage offre/demande est importante, car elle conditionne la pérennité de nos établissements dans le domaine de la formation continue, leur capacité à se développer dans ce secteur, et in fine à générer les recettes financières dont elles auront de plus en plus besoin à l’avenir.
Plusieurs tendances à l’œuvre dans nos établissements me semblent encourageantes, car pouvant contribuer à réduire ce gap ; citons en 2 :
– L’internationalisation croissante du corps enseignant. Centrale Paris par exemple, recrute majoritairement depuis quelques années des professeurs anglophones, capables de s’adresser à des publics internationaux en anglais.
– Le développement de réseaux de campus internationaux. Quelques écoles sont engagées dans cette voie (l’ESSEC et l’INSEAD à Singapour par exemple, ou encore Centrale Paris à Beijing, Hyderabad et Casablanca). La formation Executive occupe souvent une part importante de l’activité de ces campus, qui constituent de très bons relais pour déployer des programmes internationaux.
Mais je voudrais insister surtout sur l’impact que la révolution digitale peut jouer, et les pistes de solutions qu’elle peut nous proposer. Les entreprises sont très en avance sur les universités dans l’utilisation des technologies digitales en matière de formation continue. Elles disposent de la taille permettant d’amortir les investissements nécessaires ; et ont très vite vu le potentiel de ces technologies pour s’adresser à des publics internationaux.
En effet, le digital permet de diffuser très largement des contenus et des scenarii de formation, sans disposer nécessairement d’infrastructures locales lourdes. A partir d’un site unique, et avec un nombre de formateurs limités, il est possible de former des publics nombreux et dispersés.
Nos établissements trouveront peut-être là la possibilité de compenser leur handicap géographique : à défaut de disposer d’une présence physique au niveau international, ils peuvent d’emblée miser sur les pédagogies digitales pour se construire une présence internationale en formation continue ; en proposant des formations en « distant learning », sur un mode asynchrone (type MOOC) ou synchrone (visio conférences, salles virtuelles, plateformes projets).
Plus simple à dire qu’à faire me direz-vous. Les obstacles sont certes nombreux, et les pistes de solution ne seront pas binaires : entre l’artisanat local, et l’université 100% virtuelle, des voies intermédiaires vont probablement apparaître.
Centrale Paris Executive Education a réalisé plusieurs prototypes de formations (formations certifiantes en mode inter entreprise) multi-sites, sur un modèle présentiel à Paris, et distanciel ailleurs ; ces prototypes ont montré que çà marche, tout en supposant une infrastructure locale : les stagiaires situés à distance doivent disposer d’un environnement informatique suffisamment performant ; d’une bande passante assez puissante ; ou avoir accès à un centre pédagogique de proximité disposant de ces équipements. Le « virtuel » demande le plus souvent une infrastructure physique sur place.
Ce qui semble probable, c’est que le digital va réduire le temps du présentiel, et le recentrer sur des séquences pédagogiques à haute valeur ajoutée (retours d’expérience, travail en mode projet, débats et discussions etc …). Il est possible d’imaginer des dispositifs de formation Executive intégrant une majorité de formation distancielle, dispensée globalement ; et des séquences plus courtes, exceptionnelles, de regroupements physiques, conçues comme points d’orgue de la formation, et lieux d’intensification de la « learning experience ».
Cela suppose de disposer, pour ces moments cruciaux, de lieux et de relais, au moins dans les pays clefs. Ces lieux n’ayant pas vocation à être utilisés de manière très fréquente, car une partie importante de la formation se déroulera online, il est possible d’imaginer de fonctionner avec des réseaux de partenaires, de manière assez légère. Ce qui était plus difficilement envisageable dans le schéma traditionnel de formations entièrement présentielles, dispensées dans plusieurs pays.
C’est là que les réseaux de partenariats internationaux déployés par nos établissements dans les 20 dernières années, principalement dans une perspective de formation initiale (double diplôme notamment), peuvent trouver une nouvelle signification en formation Executive. Pourquoi ne pas imaginer un réseau d’universités qui fonctionnerait en réseau, accueillant les séminaires des autres membres du réseau, et s’appuyant sur ces membres pour organiser les sessions présentielles de leurs propres formations ? En nous appuyant sur les partenariats existants entre universités, et la connaissance mutuelle accumulée depuis que ces partenariats existent ?
Tout cela reste de la spéculation, j’en suis conscient. Mais je me plais à imaginer, pour trouver un avenir international à nos formations Executive, un système relativement souple, car « allégé » d’une partie de son poids d’infrastructures par l’apport des technologies digitales, et focalisé sur des temps forts, à haute valeur ajoutée, gérés par des réseaux de partenariats académiques rénovés.
Rêvons un peu …