Depuis quelques années je croise de nombreux stagiaires de formation continue, qui viennent suivre des formations certifiantes à CentraleSupélec. Ils ont en général entre 35 et 50 ans, déjà une belle expérience professionnelle derrière eux, et sont engagés dans des changements profonds de métier ou de secteur.
Je suis frappé, quand je discute avec eux, sur leurs attentes. Souvent, ils formulent leur demande de formation comme un moyen, et non comme une fin ; un moyen au service d’un projet personnel, d’une envie de se réorienter, d’évoluer, de relancer sa carrière.
Ces personnes expriment ainsi un besoin d’être aidées et accompagnées dans leur projet professionnel, autant qu’un besoin d’acquérir telle ou telle compétence.
En effet, souvent, le projet professionnel n’est pas stabilisé au moment où la personne dépose sa candidature à un programme. L’envie de changer est là ; des hypothèses sont posées quant au secteur possible, au type de métier ; mais tout cela a encore besoin souvent de mûrir. L’année passée à suivre la formation est bien souvent une année de maturation du projet, pouvant aboutir à des changements, réorientations, rencontres amenant à une création d’entreprise …. C’est une parenthèse dans la vie professionnelle, permettant de prendre du recul et de réfléchir.
Cette tendance chez les candidats à nos formations s’accentue au fil des années, portée par l’essor des formations longues et certifiantes, qui permettent de changer de métier,et par l’allongement des carrières ; elle est aussi accélérée par les accidents de la vie professionnelle qui précipitent parfois les remises en cause en profondeur ; et correspond à une tendance lourde du marché de la formation, qui déplace peu à peu la décision de formation de l’employeur (qui décide d’une formation dans le cadre d’une évolution de carrière qu’il prévoit pour ses collaborateurs) vers le salarié (qui décide de manière de plus en plus autonome de son programme de formation).
Face à cette attente, comment nous, organismes de formation, pouvons-nous réagir ?
Répondre à cette attente nous amène sur de nouveaux métiers : métiers du conseil en carrière, du coaching professionnel, pouvant parfois déboucher sur du coaching personnel (« life coaching ») ; mais aussi mise en réseau avec des alumni (anciens élèves), aide au placement …
Cette évolution dans nos métiers est déjà engagée : dans les mastères de CentraleSupélec, bien souvent près de 10% du prix de la formation est réinvesti en activités d’accompagnement hors formation : tutorat, accompagnement de projets, fil rouge, disponibilité sous forme d’ »office hours » des professeurs … Les coûts associés à ces nouvelles activités sont d’ailleurs significatifs.
Ces nouvelles activités sont bien souvent intégrées aux activités de formation plus classiques ; par exemple, des séances de coaching peuvent faire suite à un module de formation pour s’assurer de sa bonne intégration sur le lieu de travail ; un bilan de pré-carrière et d’attentes peut précéder certains modules de management ou leadership …
La part croissante prise dans nos programmes par les activités visant à développer les fameux « soft skills » (leadership, capacité à s’exprimer en public, à faire des présentations, à tenir un rôle en réunion etc …) y compris dans les programmes qui sont les plus marqués « ingénierie », accentue encore cette évolution de nos métiers vers l’accompagnement de la personne sous toutes les facettes de sa personnalité.
Jusqu’où aller dans cette direction ? Devons-nous devenir cabinet de conseil en RH ? société de coaching ? bureau de placement ? chasseur de têtes ? …
Où s’arrêtent nos missions ? à partir de quand ne sommes-nous plus compétents ? Devons-nous impérativement nouer des partenariats ?
Je n’ai pas de réponse toute faite à cela ; néanmoins, mon intuition à ce stade est que l’activité de formation continue ne pourra pas reste rester séparée des autres activités ci-dessus ; la formation s’insère dans un ensemble de services apportés à une personne, l’apprenant, inscrit dans un parcours professionnel et un parcours de vie. Les métiers de la formation ne peuvent pas ignorer cette intégration, et devront d’une manière ou d’une autre adopter une approche systémique de leur métier : le métier de formateur est spécifique, certes, mais doit être conscient qu’il est l’un des éléments d’un système, et que sa valeur ajoutée dépend autant de ses interactions avec les autres parties du système, que de sa propre performance dans son métier d’origine.
Ne pas se perdre dans des métiers qui ne sont pas les nôtres, oui ; mais également s’insérer dans un réseau de liens, partenariats, projets, permettant collectivement d’apporter à l’apprenant une réponse globale à sa question, qui est de plus en plus souvent globale et systémique.
Bonjour Gilles
merci pour ces réflexions, toutes pertinents et que je rencontre lors des séminaires et formations qu’il m’arrive d’animer.
Nul doute qu’internet déplacera les « lignes » et permettra à chacun de trouver son coaching, sa formation sur mesure…
A bientot j’espère
pascal
Merci Gilles, pour ces constatations qui font résonnance au sein de mes activités du services de formation continue.
Les candidats que je reçois, dans la tranche d’âge évoquée, sont pour la plupart en reconversion professionnelle, choisie ou non…
Il y a effectivement un gros travail d’orientation et de conseil en amont, d’accompagnement et d’écoute pendant et d’aide à la réinsertion en aval.
Je suis bien d’accord, la dispense de cours, l’encadrement de travaux dirigés et les évaluations ne suffisent pas à accompagner de vrais projets professionnels et personnels.
Cette évolution confère d’ailleurs tout l’intérêt à notre activité, plus complexe mais tellement gratifiante!
Cordialement
Nathalie