Depuis quelques mois, les autorités de tutelle des universités ont réaffirmé l’importance de la formation continue, et on assiste à de nombreux discours affichant une ambition très grande dans ce domaine ; dans un contexte de pénurie budgétaire, les universités veulent développer massivement leur formation continue, et en faire un élément clef de leur développement futur.
Officiellement d’ailleurs, la formation continue fait partie des missions fondamentales des établissements ; et certains sont en effet très actifs dans le domaine (surtout des écoles, telles que HEC, l’ESSEC, CentraleSupélec …).
Alors : la formation continue va-t-elle sauver les universités de la faillite ?
On peut en douter, sachant que cette priorité s’exprime à un moment de crise historique du secteur de la formation continue, et de baisse nette des volumes.
Pourtant oui, il y a plein de bonnes raisons pour encourager les établissements à se lancer dans la formation continue ; notamment :
- La disparition progressive de la frontière entre formation initiale et formation continue, marquée par la multiplication forte des formules d’alternance pour les jeunes, et le retour sur les bancs de l’école pour les moins jeunes ; cela pousse naturellement les universités à franchir le cap du diplôme.
- Les récentes réformes de la formation continue, qui mettent l’accent sur la capacité des organismes à diplômer et certifier ; ce qui donne aux établissements d’enseignement supérieur un atout indéniable.
- Le potentiel financier : activité lucrative, à la différence de bien des diplômes nationaux, la formation continue peut contribuer à financer les universités.
Mais immédiatement, me viennent à l’esprit de nombreux bémols, sources potentielles de désillusions :
Le manque de culture business des établissements : la formation continue est une activité très concurrentielle, dans laquelle les compétences marketing et vente sont primordiales. Pour réussir, les établissements doivent se doter de profils très différents des profils d’enseignants chercheurs. Y sont ils prêts ?
- Les marges sont relativement faibles ; et plus crûment : un chiffre d’affaire n’est pas une ressource au sens des établissements publics. Une structure de formation continue qui génère 10 M€ de chiffre d’affaires (déjà une belle entité), et un résultat net après impôt de 10% (une forte rentabilité pour le secteur), apportera 1 M€ à son actionnaire. Que sont 1M€ face aux besoins de financement actuels des universités ?
Alors, faut-il renoncer ? Sûrement pas, mais se lancer dans la formation continue en étant lucide sur sa véritable valeur ajoutée. Ma conviction est que:
- La valeur ajoutée de la formation continue ne peut être que marginalement financière. Du fait des coûts associés, et de la petite taille des acteurs, elle ne peut constituer qu’une ressource d’appoint pour les établissements, complémentaire à d’autres sources de financement. Elle est l’un des éléments d’un modèle économique pluriel encore largement à inventer.
- La formation continue peut apporter une vraie valeur ajoutée non financière, souvent
sous-estimée : ouverture des enseignants sur l’entreprise ; dynamisation de la mutation numérique ; apprentissage de nouvelles pédagogies, plus expérientielles ; mise en place d’une gestion « économique » de « business units » ; élargissement massif du marché, sur un public nouveau qui découvre le plaisir de retourner à l’université …. Tous ces changements sont vecteurs de transformation culturelle, en profondeur.
Alors Saint Graal, sûrement pas ; mais un élément clefs de la mutation de l’enseignement supérieur, très probablement.