La loi de 2015 sur la formation professionnelle a voulu mettre de l’ordre dans le maquis des formations continues, afin d’en accroître la qualité. Pour y parvenir, elle mise sur la certification des formations : de plus en plus, ne sont éligibles aux financements de la formation professionnelle (via les OPCA) que les formations qui bénéficient d’une certification, principalement au RNCP (Registre National des Certifications Professionnelles).
Le RNCP existe depuis longtemps, mais la réforme de 2015 lui confère un rôle central dans l’éligibilité des formations aux financements. D’ailleurs, depuis un an, les organismes de formation se ruent sur le RNCP, cherchant à faire certifier le plus vite possible leurs formations.
Et si cette réforme, qui vise la qualité, avait un effet pervers, celui de limiter drastiquement la capacité d’innovation des organismes de formation et de leurs clients ? Comme souvent, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions, l’obligation de certification conduisant à rigidifier le système.
En effet, il est difficile d’obtenir un titre RNCP: le processus est lent et exigeant ; l’actuelle ruée sur les certifications engorge les services en charge de l’instruction des dossiers de certification ; l’inscription corollaire au CPF passe par des processus paritaires très complexes, etc …
Le résultat est que les certifications sont rares, et les titres RNCP de plus en plus recherchés.
Par voie de conséquence, bien souvent, les acteurs ne se demandent plus « De quelle formation les apprenants ont-ils besoin ? », mais « A quel titre puis je rattacher ma formation afin qu’elle bénéficie d’une prise en charge ? ». Il est devenu tellement difficile et hasardeux de déposer un nouveau titre au RNCP, que la seule manière de lancer vite une nouvelle formation est de la rattacher à une certification existante. Sans cela, la nouvelle formation ne bénéficie pas des financements de la formation professionnelle, et devient beaucoup plus difficile à commercialiser. Selon les règles du RNCP, une formation réellement nouvelle devra attendre 3 promotions de diplômés (soit souvent 3 années), délai auquel s’ajoute le temps d’obtention de la certification (entre 1 et 2 ans), avant de pouvoir être certifiée. Un délai trop long pour permettre à une formation nouvelle de se lancer.
En intra-entreprises aussi, bien souvent, les entreprises viennent désormais voir les organismes de formation, en leur demandant de rattacher leurs formations à un titre existant ; le travail d’innovation est remplacé par un travail d’ingénierie réglementaire.
Outre les abus auxquels ce système invite (« vente » de certifications), la conséquence directe est le ralentissement de la capacité d’innovation : les nouvelles formations doivent se couler dans le moule des anciennes certifications. Pourquoi innover, se différencier, si c’est pour ne pas vendre ?
Le système des certifications, dans le contexte actuel de pénurie et de difficulté que nous connaissons, pourrait bien favoriser une mentalité de rente, qui favorise les acteurs en place détenteurs de titres, au détriment des innovateurs …
Comme quoi les bonnes intentions mènent parfois tout droit en enfer …
Gilles Gleyze résume la situation de façon très juste : la question des financements est clé et détermine l’attractivité des formations aujourd’hui. Depuis l’application de la réforme en 2015, le fait d’obtenir un titre RNCP, ou pas a un impact direct sur la commercialisation des formations par les écoles.
Monsieur Gleyze, vous dites que le processus est lent et vous avez raison. En effet, afin de pouvoir déposer un dossier auprès du CNCP, l’organisme qui enregistre les titres au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), il faut pouvoir justifier d’un minimum de trois promos révolues. Ensuite, l’école est demandée d’inclure dans le dossier une enquête menée auprès des anciens diplômés. Les résultats doivent démontrer l’efficacité de la formation, notamment sur le taux d’insertion professionnelle, pour les formations dites initiales, et le pourcentage d’augmentation de salaire pour les participants suite à une formation professionnelle.
Comment créer des nouvelles formations dans ce contexte ? Si d’un côté les participants doivent pouvoir financer leur projet de formation, et de l’autre, les formations peuvent être éligibles au titre RNCP seulement après trois promos révolues… il me semble inévitable que la création de nouvelles formations soit freinée.