Formation continue : la fin de l’exception française?

Longtemps, la formation professionnelle en France a vécu dans un cadre très administré, qui régulait prix et volumes. La loi de 2015 qui la réforme, par les contraintes qu’elle ajoute à un système déjà très complexe, va probablement faire sortir du système une grande part des formations, notamment les plus innovantes. Celles-ci devront alors faire leurs preuves dans un marché plus libre, comme c’est généralement le cas à l’étranger. Est-ce la fin d’une autre coûteuse exception française ?

 

16_oct_16_tampon adminDepuis le début des années 1970, le système de formation continue français évolue sur un paradigme qui lui est très particulier, marqué notamment par :

  •   Une mutualisation très grande des financements, sous la forme de prélèvements para fiscaux sur les salaires, et de redistribution par des organismes paritaires, qui définissent leurs priorités d’affectation des fonds.
  • La multiplicité des dispositifs, qui s’accentue réforme après réforme : période de pro, plan de formation, CIF, DIF puis CPF, contrat de pro, apprentissage etc ….

Ce système est différent de celui qui peut se trouver dans la plupart des autres grands pays avancés, dans lesquels la 16_oct_16_logo publicformation professionnelle, même si elle est régulée, est plus proche d’un « marché »  libre de prestations, ressemblant au marché du conseil. Cette particularité explique aussi pourquoi le marché français de la formation continue a longtemps été le premier d’Europe en termes de volumes, volumes qui sont déterminés autant par le montant des prélèvements para fiscaux sur la masse salariale, que par les besoins des entreprises.

Ce système a fait, les années passant, l’objet de très nombreuses critiques. Notamment :

  • 16_oct_16_liste avec styloLe passage par des organismes intermédiaires pousserait au gaspillage : les entreprises ne se préoccupent pas du prix des formations, celles-ci étant « payées » par des organismes collecteurs à partir d’un financement para fiscal. Les organismes collecteurs, qui disposent de ressources garanties, ne sont également pas incités à négocier au mieux le prix des formations.
  • Le passage par des intermédiaires présenterait le risque de déconnecter l’offre de formation, largement orientée par les organismes collecteurs par le biais de leurs actions collectives, des besoins réels du terrain.
  • Entreprises et collecteurs ayant tendance à adopter des comportements conservateurs, l’argent du système est destiné principalement à ceux qui en ont le moins besoin, c’est-à-dire les salariés en poste, notamment les cadres ; demandeurs d’emplois et décrocheurs en sont largement exclus.16_oct_16_classeurs rangée
  • L’ensemble du système serait très lourd, peu lisible et de ce fait coûteux

 

 

 

La récente réforme de la formation professionnelle, impulsée par la loi de 2015, modifie sensiblement les équilibres existants. Notamment, elle prélève une partie significative des fonds de la formation professionnelle pour les orienter vers les Régions, qui sont censées les utiliser pour les publics les plus fragiles. En outre, pratiquement, seules les formations enregistrées au RNCP sont désormais éligibles aux financements des OPCA ; et le processus d’enregistrement au RNCP, couplé avec l’inscription aux listes CPF, est tellement complexe et lent que de facto, les 16_oct_16_bonhomme franchissant obstacleformations délivrant des diplômes d’Etat bénéficient d’un avantage décisif : la liste des formations éligibles au CPF est massivement constituée de licences, masters, DUT et BTS. C’est le grand retour de la formation diplômante en formation continue.

L’impact de la réforme ne va-t-il pas être de progressivement mettre fin à cette exception française ? La dernière loi sort de très nombreuses formations du champ des financements collectifs, notamment les formations courtes et semi courtes, plus axées sur des besoins d’expertises professionnelles pointues. Elle rend également très difficile l’innovation, car l’inscription au RNCP exige d’avoir au moins déjà 3 promotion de certifiés avant d’être enregistrés, ce qui pousse à « refaire toujours du même » dans la conception des formations, afin de s’appuyer sur des certifications existantes.

Je fais le pari que, petit à petit, les formations non diplômantes et les formations innovantes, c’est à dire une part 16_oct_16_bateau dans tempêteimportante du marché, sortira du secteur de l’économie administrée et paritaire qui a fait la spécificité du système français de formation continue pendant 40 ans. Pour se rapprocher d’un marché de prestation libre. Avec pour corollaire une pression accrue sur les prix (qui est déjà à l’œuvre aujourd’hui) ; une diminution des volumes du marché (ramené à ses besoins réels, non subventionnés) ; et une hécatombe chez les prestataires de formation (déjà très sensible aujourd’hui) amenés à grossir pour survivre. Bref, un marché qui se consolide, se simplifie et se libéralise ….

This entry was posted on dimanche, octobre 16th, 2016 at 8:33 and is filed under formation continue. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

Leave a Reply