Ce billet fait écho à l’article Pourquoi faire des MOOC? dans lequel nous avons exposé quelques bonnes raisons de se lancer dans l’aventure. Comme il avait été suggéré à la fin de cet article, maintenant que nous avons exposé les bonnes raisons de se lancer, il faut maintenant parler des raisons de ne pas se lancer. Elles peuvent se résumer en une phrase: si vous n’avez pas les moyens de le faire, si le cours risque de n’intéresser personne ou si quelqu’un de motivé a décidé de se lancer sur le même sujet que vous, mieux vaut y réfléchir à deux fois.
Un MOOC demande une énergie considérable; en ce qui me concerne, je viens de prendre samedi mon premier véritable jour de repos depuis le 25 décembre, date à laquelle j’ai décidé de me lancer dans le MOOC Gestion de Projet avec le professeur Rémi Bachelet. Le cours s’est bien passé; il a eu un succès fracassant grâce aux talents de chef de projet de Rémi, grâce à la qualité des participants et surtout grâce aux bénévoles comme Yannick Petit, pour ne citer que lui, qui se sont engagés corps et âme dans le projet. Je ne regrette rien mais je mets tout de même en garde tout enseignant ou mooquificateur (le terme non officiel désignant un organisateur de MOOC) qui rêve de voir son cours devenir le cours de référence à l’échelle mondiale.
Premièrement personne n’est à l’abri d’un Massive Open Online Crash, c’est le revers de l’effet levier d’Internet. Le plus célèbre est le Fundamentals of Online Education du Georgia Tech, qui était prévu l’hiver dernier. Dans ce cours organisé sur Coursera, l’organisatrice, pour former des équipes, avait fait se connecter 50.000 personnes à un google doc qui ne pouvait en accueillir plus de 50 à la fois. Epic fail, comme diraient les anglo-saxons. Humiliation magistrale et définitive. Le cours a fermé au bout de trois jours pour une simple erreur de choix de technologie, après que les internautes aient raillé le manque d’organisation, d’autant plus comique que la thématique portait sur l’organisation de cours en ligne. Un échec qui restera longtemps dans les mémoires.
Une autre manière de « rater » un MOOC est simplement de ne pas avoir de participants. Un Open Online Flop (OOF). C’est assez difficile sur Coursera qui offre une visibilité considérable, mais tous les MOOC ne sont pas sur Coursera ou sur edX. Le recrutement est un facteur essentiel et difficile à maîtriser, car ce n’est pas qu’une question de quantité, mais aussi de qualité. S’il y a des milliers d’inscrits mais que 90% se sont inscrits par simple curiosité sans la moindre intention de participer au cours ou même d’aller jusqu’au bout, quel est l’intérêt d’avoir autant de monde. Personnellement, je préférerais enseigner à 3000 personnes motivées qu’à 30.000 touristes (sans la moindre malveillance pour les touristes de MOOC, soit dit en passant, étant moi-même un touriste dans une dizaine de cours). Je ne jette pas la pierre aux organisateurs qui ont vécu ou vivent un flop, car il est très probable que je passe moi-même un jour par cette case. Tout n’est pas en notre contrôle, et même en mettant toutes les chances de son côté, il faut parfois compter sur sa bonne étoile.
Mais revenons à nos moutons, quelles sont les bonnes raisons de ne PAS faire des MOOC? Un MOOC coûte cher, des dizaines de milliers d’euros, il faut donc réfléchir à deux fois pour déterminer s’il est utile ou non d’investir son temps et son argent. Quelques remarques de bon sens s’imposent.
Ne pas avoir ni le temps ni la compétence Un MOOC n’est pas une formation à distance classique, le fait d’avoir effectué des formations à distance aide – Rémi Bachelet avait dix ans d’expérience dans l’enseignement à distance avant de se lancer dans son MOOC – mais ce n’est pas suffisant. Passer de la FOAD au MOOC, c’est un peu comme passer de la Clio à la F1. Il faut des capacités d’adaptation, des professeurs ayant une longue expérience de l’enseignement en ligne se sont brûlé les ailes sur les MOOC, cf le cours du Georgia Tech. Rares sont ceux qui possèdent l’ensemble des compétences requises pour organiser un MOOC; dans l’idéal, une équipe complète est nécessaire, cf. le billet: L’organisation d’un MOOC, un travail d’équipe. Outre la question de la compétence, il y a celle du temps. Il faut compter au minimum une cinquantaine de journées-homme de travail pour la préparation et le déroulement du cours, soit environ 500 heures. Le double si l’on souhaite faire les choses dans les règles de l’art (environ mille heures de travail ont été nécessaires pour l’organisation du MOOC Gestion de Projet). On ne prépare donc pas un MOOC sur son week-end et ses soirées, ou à la plage pendant les vacances. Ou alors on le paie.
Ne pas avoir de public Autre point sensible s’il en est, et qui n’est pas toujours sous le contrôle des équipes organisatrices. C’est la notion de time-to-market. Si le sujet du cours n’intéresse personne ou qu’il tombe à un moment où la Toile n’est pas prête à s’intéresser au sujet, mieux vaut attendre. Pas que le sujet soit inintéressant en soi – je suis certain que des thématiques comme La haute cuisine berrichonne au Moyen-Age sont passionantes – mais quand on investit plus de 30.000 euros dans un cours, il faut de l’audience. Comment l’obtenir? Bonne question. Il n’y a pas de recette magique, mais vous trouverez quelques éléments de réflexion dans le billet: Quand les profs s’improvisent webmarketers. Un seul conseil: ne pas sous-estimer l’importance des partenariats qui permettent de recruter des participants.
Ne pas pouvoir affronter la concurrence Cet aspect du problème concerne davantage les enseignants ou les établissements qui raisonnent sur le long terme. Les MOOC sont un domaine ultra-compétitif. Pour le moment, il n’y a presque personne dans le milieu des MOOC francophones. Nous sommes moins de dix spécialistes du sujet sur la francophonie, et avec l’ensemble des domaines académiques à conquérir. En bref, c’est le Far West. Mais d’ici trois quatre ans, je pense que la plupart des grand domaines académiques seront « occupés » par tel ou tel établissement. Il pourra y avoir deux ou trois MOOC bisannuels pour un thème et une langue donnée, mais difficilement plus. Mon pire cauchemar en tant qu’organisateur serait d’avoir un MOOC concurrent en même temps que mon cours. Ces situations vont sans aucun doute se produire. C’est ce qui arrive lorsqu’une nouvelle niche apparaît. D’abord un foisonnement, puis une sélection. La compétition va être rude pour les sujets transversaux attirant beaucoup de monde, en particulier pour les compétences importantes dans le monde de l’entreprise: management, finances, marketing, comptabilité, etc. Compte tenu de l’investissement nécessaire pour organiser ces cours, avant de se lancer, il faut être certain d’avoir les reins suffisamment solides pour tenir sur le long terme. Difficile à évaluer, d’autant que les modèles économiques sont loin d’être viables pour le moment. Un conseil: se spécialiser. Aucun établissement ne peut avoir le contrôle sur un vaste panel de domaines (sauf peut-être Harvard, Stanford ou le MIT), donc il vaut mieux choisir un ou deux cours où la demande est là, et s’y tenir. Une fois le cours installé, l’expérience acquise et la réputation faite, difficile de le déloger. Encore une fois, premiers arrivés, premiers servis.
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