Monter un MOOC coûte cher. Selon les premiers retours d’expérience, jusqu’à 50.000 euros si l’on veut faire les choses dans les règles de l’art. Rien de surprenant compte tenu du nombre d’acteurs impliqués (cf. MOOC, quelles entreprises sont possibles?). Ce n’est pas hors de prix, mais ce n’est clairement pas à la portée de tout le monde. Pour le moment, il ne faut pas trop compter sur les plates-formes comme Coursera pour rentrer dans ses frais, cf. les précédents billets sur la question. Si l’on attend pour se lancer que les plates-formes deviennent rentables pour les organisateurs, le marché sera rapidement conquis par des établissements décidés à s’imposer sur la scène numérique quitte à y mettre le prix. Dans cette configuration, comment se lancer ? Qui doit financer l’organisation des MOOC ? Les universités ? La puissance publique ? Le privé ? Les participants eux-mêmes ?
Aux Etats-Unis, ce sont avant tout les établissements d’enseignement supérieur qui supportent l’essentiel des coûts. D’abord en finançant les enseignants en charge de l’organisation du cours, et bien souvent un ou plusieurs étudiants, doctorants ou autres, pour l’assister. Et c’est sans compter la production des ressources pédagogiques, la communication autour du cours, les démarches administratives, etc. Les établissements français peuvent-ils assumer ces coûts malgré la situation financière difficile que beaucoup traversent? Pour beaucoup, la réponse est non. Et même si certains envisagent de se regrouper en consortiums pour mutualiser les coûts, le problème est plus complexe qu’une simple question de comptabilité. La mission des universités est de former les étudiants qui paient leur inscription, et beaucoup manquent déjà des moyens nécessaires pour assurer cette mission. Dans ce contexte, pourquoi investiraient t-elles pour aller former gratuitement des étudiants qui ne sont pas inscrits? Même si l’on pourrait débattre du sujet pendant des heures, l’argument a une certaine cohérence. Dans ce contexte, que peut-on attendre de la puissance publique?
Il faut d’abord savoir que le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche finance déjà quelques MOOC via sa Mission Numérique pour l’Enseignement Supérieur. C’est notamment le cas du MOOC C2I, qui est en train de passer la phase de béta-test et qui sortira probablement à la rentrée. Par ailleurs, la Caisse des Dépôts et Consignations est présentie comme une piste de financements possible, mais rien n’est certain. Compte tenu de l’état des finances publiques, il ne faut à mon avis pas trop compter sur l’Etat pour financer les MOOC autrement que ponctuellement. Mais si ni l’Etat ni les établissements ne peuvent financer les MOOC, qui s’en chargera?
Le privé est probablement une alternative à envisager. D’autant que les entreprises ont elles aussi des besoins de formation, de recrutement et de communication qui peuvent être en partie comblés par les MOOC. Cela dit, cela ne concerne que les MOOC d’entreprise, quid des cours produits par des établissements publics? Peuvent-ils être financés par le privé et si oui est-ce une bonne chose? Un cours d’agronomie financé par Monsanto? Un cours sur l’énergie financé par Total? Aux Etats-Unis je ne sais pas, mais en France, cela passera mal. Il est vrai que certaines entreprises pourraient y trouver leur compte, car le phénomène représente une bonne publicité. Mais encore faut-il qu’un tel partenariat soit légitime et ne nuise pas à l’image de l’une ou l’autre des parties prenantes. Les MOOC mettent en jeu la réputation des établissements, qui ne verraient pas d’un bon oeil qu’on les accuse de conflit d’intérêt parce que l’un de leurs cours a été sponsorisé par une entreprise. Même si en pratique nombre d’institutions se font en partie financer par le privé via la taxe d’apprentissage, la situation est à mon avis différente à l’échelle du cours. Cela n’exclue pas tout financement privé, mais il est clair que le débat sur le conflit d’intérêt reviendra de manière récurrente.
Enfin, la dernière solution est celle qui semble la plus naturelle: le financement par les participants. Le crowdfunding est une option séduisante. Cela consiste à faire appel à des dons volontaires pour faire financer un projet. Beaucoup de projets technologiques se font financer de cette manière par des sites comme Kickstarter. Un professeur de l’Université de Mary Washington aux Etats-Unis avait réussi à obtenir quelques milliers d’euros par cette voie pour lancer son cours en ligne, de quoi financer les serveurs qui l’hébergeaient. Les contributeurs les plus généreux gagnaient des T-shirts et des cadeaux avec le logo du cours. Une autre possibilité est l’appel à dons, qui, à l’inverse du crowdfunding , intervient après le déroulement du cours. En théorie l’une comme l’autre des solutions sont séduisantes, car elles permettent de maintenir la gratuité du cours en ne faisant appel qu’à des dons volontaires. Dans la pratique, dans l’état actuel des choses il est très peu probable que ces sources de financements couvrent ne serait-ce que le quart des sommes nécessaires pour l’organisation d’un MOOC. Les plates-formes de crowdfunding spécifiques pour les MOOC restent à inventer. Une piste de plus pour les entrepreneurs en mal d’idées.
La seule solution qui me semble viable sur le long terme est de faire contribuer les participants à l’organisation du cours de manière obligatoire. C’est un problème sensible, car derrière les MOOC, il y a le concept d’égalité des chances. Fixer le même prix pour tous, c’est rétablir une forme d’inégalité, le salaire moyen variant de plusieurs ordres de grandeur d’un pays à l’autre au sein même de la francophonie. Mais il est difficile de faire autrement, à moins que l’on puisse mettre en place un système de paiement différentiel par pays.
Pour moi, l’important est que ce prix d’entrée soit suffisamment bas pour être accessible à tous, afin d’éviter de reproduire le modèle d’Udemy avec des cours de plusieurs centaines d’euros. Des cours de deux mois allant de 5 à 10 euros, cela me semble tout à fait raisonnable quand on connaît le prix des formations en présentiel. Un prix bas forcerait les enseignants à chercher à recruter le maximum de participants. Pour cela, le cours doit avoir une bonne réputation; et pour avoir une bonne réputation, il faut être de bonne qualité. Paradoxalement, un coût faible pourrait mettre la pression sur les enseignants pour faire des cours de bonne qualité, et éviter de voir les inepties pédagogiques que l’on trouve parfois sur Coursera.
Faire payer l’entrée ne veut pas dire que l’on doive payer dès les premiers jours. La première semaine pourrait être gratuite pour permettre aux participants de s’assurer que le cours les intéresse. Il est certain que le fait de devoir sortir la carte bleue en rebutera beaucoup, indépendamment du prix. Du coup seules les personnes les plus motivées s’inscriront, ce qui à terme pourrait contribuer à faire diminuer les taux d’abandon.
Il ne faut pas oublier que lorsque ni le public, ni le privé, ni les participants ne financent le cours, c’est que c’est l’équipe pédagogique qui le fait. Pour le MOOC Gestion de Projet, Rémi Bachelet, l’enseignant en charge, et moi-même étions en partie payés via nos salaires. Mais nous avons largement dépassé les charges horaires qui nous étaient attribuées et travaillions essentiellement sur notre temps libre. Et surtout, il ne faut pas oublier qu’une partie considérable du travail a été réalisée par des bénévoles qui n’ont strictement rien gagné d’un point de vue financier: Yannick Petit, Jérémie Sicsic, Bruno Warin et Dominique Breton, ou des étudiants dans le cadre de leurs études: Mégane Cristaldi et Aina Ni Avana. Le MOOC Gestion de Projet a donc été de fait « financé » dans sa plus grande partie par l’équipe pédagogique, en plus de Centrale Lille et l’ENS Cachan pour mon salaire et celui de Rémi. Certes, cela n’a rien de surprenant pour un premier MOOC, mais en ce qui me concerne, je ne pense pas que cela soit une solution viable sur le long terme. Rappelons-nous que quand c’est gratuit, cela veut dire que c’est quelqu’un d’autre qui paie.
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