Nous avons discuté au cours des trois derniers billets de la chaîne de valeur de la création d’un MOOC et des business models associés. Les plates-formes Coursera, edX et Udacity semblent bien positionnées pour devenir les principales bénéficiaires du phénomène MOOC. Il est cependant probable que de nombreux autres acteurs apparaissent et viennent occuper des niches inoccupées par les plates-formes. La prestation de services pour l’organisation de MOOC est à mon avis la principale activité économique viable sur le court terme. Quels sont les différents acteurs qui peuvent se positionner sur ce terrain? Quelques réflexions issues de l’expérience du MOOC Gestion de Projet.
Concevoir et organiser un MOOC n’est pas à la portée de n’importe quel enseignant. Outre la maîtrise du domaine enseigné, cela demande une maîtrise de l’ingénierie pédagogique des MOOC si l’on souhaite faire un travail de bonne qualité. Le consortium edX s’est déjà lui-même positionné sur ce terrain et propose ses services d’assistance aux établissements partenaires pour des sommes conséquentes: 250.000 dollars pour l’organisation de la première session du cours et 50.000 pour les suivantes. C’est le prix de la qualité selon le consortium. Dans la majeure partie des cas cependant, les établissements ont tendance à internaliser cette partie du travail et à donner aux enseignants en charge le rôle de concepteur et de chef de projet en plus de leur rôle de responsable pédagogique, en les assistants éventuellement de quelques étudiants. Mais il est possible que des acteurs spécialisés se positionnent sur ce terrain: entreprises ou consultants spécialisés dans la gestion de projet e-learning par exemple.
La réalisation ou l’adaptation des ressources n’est pas à mon avis une niche spécifique aux MOOC. Quand ils auront besoin de moyens professionnels, les établissements feront très probablement appel à leur Centre de Production Multimédia (CPM) s’ils en ont un, ou à des professionnels de la production multimedia si nécessaire. Cela dit, il est envisageable à teme que des « MOOC Lab », appartenant à des structures publiques, émergent dans de grandes villes comme Paris (après tout il y en à bien un à Lausanne en Suisse, le MOOC Factory de l’EPFL). Pour les MOOC de « luxe », on peut imaginer que les établissements fassent appel à des spécialistes de la création de ressources pédagogiques, comme Sydo qui réalise les ressources de Dessine-moi l’éco (Le Monde). En pratique, je pense que ce sont des étudiants qui bûcheront sur la création des ressources ou éventuellement des CPM des établissements. Cela dépendra des moyens mis à disposition et des objectifs en termes de qualité.
Le support technique est un élément qui n’entre pas véritablement en compte si le MOOC est hébergé sur Coursera ou sur edX. En revanche si le choix est fait d’héberger une solution open source en local, il faudra un administrateur système et une équipe technique. Les établissements ayant tendance à internaliser ce travail passeront probablement par leur Direction des Systèmes d’Information (DSI) ou équivalent, en particulier si la plate-forme choisie pour héberger le MOOC est un LMS dont la DSI a l’habitude. En revanche, pour de nouvelles plates-formes se pose la question de la compétence technique et de la disponibilité de l’équipe technique pendant toute la durée du MOOC, week end compris (comme nous en avons discuté dans Où héberger son MOOC?). Des entreprises ayant l’expertise technique nécessaire pour gérer l’aspect technique des plates-formes de MOOC vont sans aucun doute apparaître, nous en reparlerons dans quelques semaines. Elles seront peut-être en compétition avec des consultants en free lance susceptible de se positionner ponctuellement sur ce terrain.
Le recrutement des participants constitue l’une des phases les plus importantes du lancement d’un MOOC cf le billet Où trouver 10.000 étudiants? . Rappelons que l’organisation du cours coûte à peu près autant à organiser qu’il y ait 1000 ou 10.000 participants . Pour un MOOC organisé sur Coursera ou sur edX, le problème ne se pose pas vraiment car les plate-formes disposent d’une large audience, y compris dans le monde francophone; mais pour un cours hébergé localement et disposant de peu de visibilité, il faut mettre au point une stratégie de recrutement efficace. Je suis persuadé qu’à terme le recrutement des participants deviendra un service payant, en particulier si le modèle économique des MOOC devient rentable. On peut imaginer que des professionnels du marketing s’emparent de la question, car c’est un véritable casse-tête de faire un recrutement qualitatif (trouver des personnes motivées). Pour un recrutement plus quantitatif, les portails d’annonce spécialisés comme Class Central seront probablement les mieux placés. Pour le moment, le référencement sur ces portails est gratuit, et le concepteur de Class Central nous avait annoncé sans demander de quelconque rétribution, mais il est possible que ce service soit payant à terme. Sa valeur ajoutée, et donc sa valeur commerciale, dépend avant tout de l’audience qu’il peut apporter. Pour le MOOC Gestion de Projet, la proportion des personnes qui avait été recrutée via les portails d’annonce (Class Central ou Canvas.net) était de l’ordre de quelques pour-cents, l’essentiel venant via le bouche à oreille ou les réseaux sociaux. Il faudra davantage pour que les portails d’annonce deviennent intéressants et donc rentables, d’autant qu’ils sont faciles à créer et que la compétition peut être rude.
La recherche de financements enfin, car pour payer le concepteur, le chef de projet, le community manager, l’analyste, celui qui fera les ressources, et le chargé de communication, il faut de l’argent (cf. Qui doit financer les MOOC?). Pour le financement de type sponsoring, subventions publiques, financement par des établissements, il faut rédiger des dossiers de qualité, mettre en place des partenariats, etc. C’est un travail d’expert, dans la mesure où un dossier de montage pour MOOC est un travail délicat qui nécessite de comprendre l’ensemble des tenants et des aboutissants de l’organisation du cours, du point de vue technique, pédagogique, juridique, ou logistique. Lorsque les MOOC seront plus populaires, il est possible qu’apparaisse par exemple une plate-forme de crowdfunding spécialisée dans la recherche de fonds pour l’organisation de MOOC, Kickstarter n’étant pas vraiment adaptée. Cette plate-forme prendrait une commission sur les sommes versées par les participants avant le lancement du cours; son rôle serait alors légèrement redondant avec celui du recrutement des participants.
L’analyse des données d’un MOOC enfin est à mettre dans le même panier que la conception et l’organisation. Elle consiste à comprendre a posteriori ce qui s’est passé dans le MOOC pour en faire un bilan et préparer les sessions suivantes. Cela implique de parfaitement maîtriser les tenants et les aboutissants de l’organisation du cours, pour pouvoir en extraire les données pertinentes. Il faut un certain nombres de compétences en statistiques en addition de la compréhension des processus à l’oeuvre au sein du MOOC: il faut savoir quoi regarder et comment l’analyser. C’est typiquement un travail d’expert de MOOC, qu’il soit indépendant ou employé au sein d’une entreprise.
L’ensemble des services que nous avons évoqués jusqu’à présent correspondent à l’assistance au montage de MOOC. Pour le moment, les clients potentiels sont principalement les établissements d’enseignement supérieur, et peut être à moyen terme des entreprises. Le succès de cette niche va dépendre du nombre de clients et de la quantité d’argent qu’ils sont prêts à débourser. Si toute l’organisation est internalisée au sein des établissements, il est peu probable que ce business soit florissant. Mais il est possible qu’une partie soit externalisée, et que des entreprises ou des consultants se placent sur cette nouvelle niche. Reste à savoir quel sera leur périmètre d’action. Seront-ils des pure players, spécialisés dans l’organisation de MOOC, ou même dans tel ou tel aspect de l’organisation, ou l’organisation des MOOC sera-t-elle une activité parallèle à leur activité principale (e-learning, chef de projet, analyste, etc). Nous le verrons dans les années à venir. Je suis intimement convaincu que cette niche va apparaître et qu’elle pourra nourrir quelques personnes. En revanche, je ne pense pas qu’il soit possible de toucher le jackpot simplement en se basant sur de la prestation de service. Or nous sommes dans une refonte du système éducatif dans son ensemble, et je suis persuadé qu’il est possible de trouver des business models rentables à condition de se positionner au bon endroit et au bon moment. Nous en discuterons dans le prochain billet: MOOC, comment toucher le jackpot?
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