L’effervescence qui entoure actuellement les MOOC conduit de nombreux acteurs privés et publics à se positionner sur ce terrain, chacun à sa manière. Certains recherchent de la visibilité, d’autres un modèle économique, ou même les deux. Pour illustrer les modèles économiques, les intentions et les manières de fonctionner des uns et des autres, je vous propose une métaphore qui est souvent utilisée dans le contexte d’émergence de niches économiques : la ruée vers l’or.
Tout commence au moment où les pionniers Andrew Ng et Sebastian Thrun lancent leurs premiers MOOC d’intelligence artificielle en novembre 2011. 150.000 personnes s’inscrivent : le filon a été découvert, il faut maintenant l’exploiter. Andrew comme Sebastian vont lever des fonds et fonder respectivement Coursera et Udacity au printemps 2012.Udacity fonctionne sur le modèle de la compagnie minière : l’ensemble de la chaîne de valeurs est contrôlée par l’entreprise, la création et la maintenance de l’outil, le portail qui fournit la visibilité, et le développement des cours (les enseignants étant prestataires de service). Seul un petit nombre de cours est développé. Coursera adopte une autre tactique : au lieu de chercher à exploiter elle-même le filon, elle se concentre sur l’outil et vend l’accès à la concession à de prestigieux établissements, qui ont a priori les moyens d’investir dans de la prospection. Ou plutôt, elle fournit gratuitement l’accès, elle fournit gratuitement les pioches (la plate-forme), mais elle prend l’essentiel de l’or extrait: entre 85% et 94% des revenus issus de la certification.
Très rapidement après la fondation d’Udacity et de Coursera apparaît edX, consortium public à but non lucratif (ou en tout cas en principe) mené par le MIT et Harvard. Le consortium va attirer certains des établissements les plus prestigieux de la planète. Rejoindre le consortium n’est pas gratuit comme c’est le cas pour Coursera ; il faut débourser des millions pour bénéficier de la visibilité apportée par le portail et pour avoir accès aux données générées par les autres cours. La valeur ajoutée n’est pas l’outil, car le code de la plate-forme est gratuit et open source (disponible ici depuis le 1er juin 2013), mais la visibilité. Pour résumer, edX vend l’accès à la concession, fournit gratuitement les pioches, et comme Coursera prélève l’essentiel de ce qui est découvert.
En addition, et sur demande des établissements, edX peut fournir de l’aide à l’organisation du cours, pour sa scénarisation comme pour sa gestion : 250.000 dollars pour la première session, 50.000 pour les suivantes. Le parallèle que l’on peut faire est celui du vendeur de cartes (pour trouver des filons) pour la scénarisation, car c’est une activité purement intellectuelle, et fournisseur de personnel pour la gestion et l’animation du cours.
Rapidement après la découverte des premiers filons commence la véritable ruée vers l’or. Ce sont des entreprises comme Blackboard et Instructure, dont les plates-formes respectives Course Sites et Canvas sont utilisées par certaines universités depuis des années pour des cours à effectifs réduits. Elles cherchent à se repositionner sur le terrain des MOOC et à attirer des institutions sur leur plate-forme. Mais les meilleurs filons ont déjà été pris, Coursera et edX disposant de la prime au premier arrivant et de la légitimité apportée par la marque Stanford ou MIT, respectivement. On notera d’ailleurs qu’Instructure vient de lever 30 millions de dollars (davantage que Coursera ou Udacity à leurs débuts) alors que sa plate-forme Canvas est open source et son portail gratuit (est-t-on en train de vivre une bulle spéculative ?).
Parlons maintenant des établissements d’enseignement supérieur ou autres organismes qui organisent des cours sur ces plates-formes. Ils sont dans la position des propriétaires terriens, qui occupent depuis des temps immémoriaux le terrain de l’enseignement supérieur, mais à l’échelle nationale ou locale, et qui voient dans l’enseignement en ligne de nouvelles terres vierges à conquérir. Certains recherchent uniquement de la visibilité, d’autres à accaparer la formation des participants. Je ne pense pas que la volonté d’enrichissement soit le principal moteur, compte tenu du partage très inéquitable des revenus avec les plates-formes. Pour cette raison je pense qu’il est plus pertinent de comparer les établissements à des propriétaires terriens qu’à des chercheurs d’or. Cependant, plus de terres signifie plus de chance d’avoir une mine d’or sur son terrain. Un élément à garder à l’esprit lorsque les MOOC deviendront rentables.
Dans le même esprit, nous pouvons comparer les enseignants aux cow-boys qui travaillent pour le propriétaire terrien. C’est lui qui est sur le terrain et qui participe concrètement à la conquête de l’enseignement supérieur en ligne. On compte notamment quelques Lucky Luke, comme Rémi Bachelet qui lance deux sessions avant que la moindre école ait eu le temps de lancer un véritable cours. Certains agissent à titre individuel et se mettent à leur propre compte, ce sont les édu-hackers, qui se positionnent comme hors-la-loi ; mais dans l’ensemble la plupart agissent avec l’aval de leur hiérarchie. Voilà pour les acteurs principaux.
Depuis quelques temps ont commencé à apparaître des acteurs spécialisés. Nous avons des chercheurs d’or qui ne cherchent pas tant la mine d’or qu’un petit filon. C’est comme ça que j’interprète le « MOOC » sur WordPress, dont l’entrée coûte 170 euros environ (Je dirais d’ailleurs davantage un MOC dans la mesure où il manque le O de Open, mais passons). Par ailleurs, nous avons les fournisseurs de personnel spécialisé dans l’organisation et la gestion de MOOC. C’est par exemple le cas de la start-up Unow avec qui nous avons monté le MOOC Gestion de Projet. Les consultants embauchés pour l’aide à la scénarisation, comme les ingénieurs pédagogiques, les formateurs ou autres sont dans la position des vendeurs de cartes dans la mesure où ils ne fournissent que des prestations de conseil.
Enfin, nous avons aussi les vendeurs de pioches, qui cherchent à vendre des solutions techniques pour l’organisation de MOOC. Un positionnement complexe depuis que l’on peut trouver gratuitement des pioches un peu partout. Mais un positionnement intéressant si l’on parvient à se différencier par rapport à ses concurrents. Les MOOC Apps entrent dans cette catégorie, ce sont toutes les solutions techniques (dont pourquoi pas des applications mobiles) susceptibles d’améliorer l’expérience d’apprentissage et pouvant être vendus au titre de service Premium. L’avantage de ce modèle, s’il est utilisé selon un modèle Business-to-Customer, ou B2C (celui qui paie est le participant), est la facilité avec lequel il peut passer à l’échelle et donc bénéficier du M de Massif. Une possibilité peut être plus intéressante que la vente de la plate-forme, compte tenu du nombre de plates-formes gratuites.
Vendeurs de pioches, chercheurs d’or, entreprises minières, cow boys et propriétaires terriens, nous avons fait le tour des principaux acteurs qui s’intéressent aux MOOC. Bien sûr, la métaphore a ses limites, comme toute métaphore, mais elle a le mérite de clarifier le positionnement des uns et des autres. Au fait, et les indiens alors ? Je vous laisse le soin de désigner qui ils sont dans l’écosystème actuel …
Source photos: domaine public
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