Concevoir un MOOC n’est pas une sinécure, qu’on se le dise. Ce n’était pas la première fois que je me lançais dans ce type de projet; aussi, je savais à quoi m’attendre en acceptant la responsabilité de le mener à bien. La tournure qu’ont pris les événements ne m’a pas surprise; néanmoins, le choc a été rude. C’est une chose de faire partie d’une équipe de MOOC, c’en est une autre que de gérer l’ensemble du processus et de réaliser l’essentiel du travail. En montant cette formation, j’ai fait un certain nombre d’erreurs sur lesquelles j’aimerais revenir; autant que cela profite aux futurs concepteurs de MOOC.
Ma première véritable erreur, c’est de m’être lancé sans avoir terminé de produire mes ressources pédagogiques. Chez France Université Numérique, on exige normalement que l’essentiel des ressources soient terminées avant de lancer les inscriptions. Eh bien croyez-moi, ce n’est pas pour rien. Il est très fréquent que les dates de démarrage soient repoussées car l’équipe n’a pas bien géré son temps. Dans le MOOC MOOC, ce n’est pas le cas, et nous avons commencé à temps, et continué à produire les ressources en flux tendu en cours de formation. C’est passé, et ce n’était pas la première fois que je me retrouvais dans cette situation, mais c’est autant de temps que l’on ne consacre pas au pilotage et à l’animation de la formation. Et mener tout de front, pilotage, animation, production de ressources, ce n’est pas particulièrement facile. Même en étant à plein temps, même en travaillant tard le soir et le week-end, c’est un véritable défi. Le plus gros est passé, et maintenant j’ai confiance, je sais que cela va bien se terminer, mais tout de même.
En même temps, cette pratique ne me choque pas. Nous avions travaillé de cette façon au cours de la première édition du MOOC Gestion de Projet, et cela avait très bien marché – mais nous étions plus nombreux. Le pire, c’est que je ne m’y étais pas pris à la dernière minute, loin de là. Toutes les activités et tous les supports de cours comme les diapositives avaient été conçus des mois à l’avance. Le principal problème, c’est le format vidéo, où je manquais d’expérience. En termes de charges horaires, je m’étais basé sur les chiffres des MOOC auxquels j’avais participé. C’est-à-dire, une fois les supports prêts, quand on passe sur Camtasia (Capture d’écran et slide en train de défiler), 5 heures de captation et 5 heures de montage pour une heure de vidéo finale. C’est un modèle qui marche peut-être quand on est expérimenté, quand on connaît son texte par cœur pour l’avoir répété des dizaines et des dizaines de fois devant des étudiants. Mais ce n’était pas mon cas. Et bien qu’ayant fait un certain nombre de conférences sur les MOOC, face à ma webcam, je n’arrêtais pas de bafouiller et d’hésiter, de me reprendre, de faire des répétitions, etc. Un temps considérable avant de faire une vidéo passable, et encore davantage pour enlever toutes les hésitations. Il faut être en enseignant aguerri pour pouvoir faire une prestation de qualité sans script. Et clairement ce n’est pas mon cas.
Et là où j’ai commis ma seconde erreur, c’est de vouloir changer de stratégie à une semaine du lancement du cours. La qualité du son et de la prestation ne me convenaient pas, et j’ai pêché par perfectionnisme en jetant à la poubelle tous les rushs que j’avais fait sur Camtasia, et en me lançant dans la rédaction de près de 70 pages de script en deux/trois semaines. Les ressources auraient été sans doute moins travaillées et j’aurais sans doute davantage bafouillé en suivant ma stratégie initiale, mais je n’aurais pas mis autant de temps dans la production des ressources vidéos. Mais pour comprendre cette erreur, il faut saisir le contexte. Le studio à Cachan venait d’être monté, nous avions acquis un prompteur (une simple tablette avec une vitre réfléchissante), et il s’agissait d’en profiter. Une fois le script écrit, la captation est nettement plus rapide. Pour cinq minutes de vidéo finale, 10 à 15 minutes de tournage maximum. Et vu qu’il y a moins d’hésitations, le gain de temps au montage est considérable. Aussi, à moins que vous ne soyez un bon improvisateur et/ou que vous ne puissiez pas avoir accès à un prompteur, je recommande de rédiger le script autant que possible. En plus, vous n’avez pas de transcription à faire par la suite pour mettre des sous-titres, et pas besoin de prendre une petite coupe de champagne avant de tourner pour avoir une diction plus fluide. On peut faire d’excellentes vidéos sans prompteur, on s’entend, mais cela demande plus de répétitions face à la caméra, et un talent certain. Pour avoir testé les deux formats, je suis maintenant accro au prompteur.
Par contre, même si cela fait gagner du temps au montage et au tournage cela tourne autour de 3 heures d’écriture pour une vidéo de 5 minutes, et il faut en être conscient. Et quand on se lance dans ce format, il faut avoir du temps devant soi. Mais il y a toujours moyen de valoriser les scripts d’une manière ou d’une autre, par exemple en les diffusant sur son blog (vous y aurez droit au cours des mois qui viennent). Pour conclure, je vous recommande de ne pas lancer les inscriptions tant que l’essentiel des ressources n’ont pas été produites. Pendant deux à trois mois avant le lancement du MOOC, si vous en êtes responsable, faites une croix sur vos autres activités, recherche ou autre. Car il vous sera difficile de mener tout de front. Ou alors, c’est que vous disposez d’une équipe efficace et de bonne taille.
Deuxième erreur que j’ai commise, penser que l’on peut se passer totalement de mécanismes incitatifs pour l’évaluation par les pairs et compter uniquement sur la bonne volonté des gens. En bidouillant avec des outils Google et quelques gadgets trouvés de ci de là, on a mis en place une fonctionnalité d’évaluation par les pairs qui respecte un cahier des charges assez strict : anonymat, protection des données personnelles, etc, mais je ne souhaitais pas imposer d’y participer. La raison en est simple. Faire des évaluations de qualité, cela prend du temps. Et je souhaitais que les équipes se concentrent sur la réalisation des devoirs, qui sont déjà suffisamment chronophages comme ça. A vrai dire, je comptais un peu sur les 4000+ inscrits qui n’étaient pas engagés dans un parcours. En fait, il n’en a rien été, et la plupart des évaluateurs étaient dans les 200 et quelques participants qui étaient engagés dans les parcours. Techniquement, la fonctionnalité marche, même si ce n’est pas très « joli » à regarder, mais en termes d’usages, ce n’est pas top. Cependant, ces évaluations ont de la valeur, et à condition qu’en bricolant un peu on arrive à améliorer la fonctionnalité pour permettre un suivi fin du processus, les participants qui voudront obtenir l’attestation de participation devront passer par cette étape. Pas d’inquiétude pour le moment, on verra ça en fin de MOOC, histoire que tout le monde puisse se concentrer sur la réalisation des devoirs. D’ailleurs, il est possible que pour les prochaines éditions de la formation, on fonctionne selon ce modèle. Genre 6/7 semaines pour réaliser les devoirs, et une semaine à la fin pour les évaluations uniquement. C’est un modèle qui me plaît …
Pour conclure, je suis conscient que pour des raisons de communication, il n’est pas toujours évident de discuter de ses erreurs, même si c’est une manière très efficace de faire monter en compétence l’ensemble de la communauté. C’est un problème bien français cela, ne pas tolérer l’erreur, vouloir la dissimuler, jusqu’au moment où elle éclate au grand jour. Toujours cette obsession de l’apparence. Et curieusement, la question de l’efficience ne semble pas susciter le même intérêt; c’est bien dommage, mais je ferme la parenthèse sinon je ne m’arrête plus. On apprend autant des erreurs des autres, si ce n’est plus (car il y a davantage d’exemples), que de ses propres erreurs. Et j’encourage vivement les concepteurs de MOOC à partager leurs points de vue sur celles qu’ils ont commises. Impossible de faire un produit parfait du premier coup, et il faut fonctionner par itérations et améliorations successives. C’est ça aussi, l’esprit startup, et c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Bref, des erreurs, il y en a eu encore quelques autres; en termes techniques, en termes d’animation et de répartition des tâches notamment. Ce sera sans doute l’occasion de faire un ou deux autres billets …
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