Avez-vous déjà rêvé d’apprendre à une vitesse spectaculaire, tel Néo dans Matrix ? Besoin de savoir piloter un hélicoptère, apprendre le Kung Fu ou les statistiques, et ce à la vitesse de l’éclair ? Hop, un petit programme, et c’est réglé en dix minutes. Plongez avec moi, le temps d’un billet, dans un univers qui n’est plus tant que ça de la science-fiction … Alors, prendrez-vous la pilule bleue, ou la pilule rouge ?
Vous rappelez vous de la scène de Matrix, quand Neo doit apprendre en un temps record à survivre dans un monde hostile ? Connecté à des programmes d’entraînement sophistiqués, son cerveau ingurgite les informations à une vitesse spectaculaire. Ce serait pratique non ? Avant de partir en vacances en Espagne, hop, vous vous branchez sur un programme d’entraînement, et cinq minutes plus tard, vous parlez espagnol … Une utopie ? Probablement, mais il y a tout de même de l’idée. Et cette idée m’a beaucoup séduit. Et pour cause, à l’époque où je parcourais sac au dos les routes d’Asie ou d’Amérique Latine, il m’arrivait de traverser en l’espace de quelques mois quatre à cinq pays aux langues aussi diverses que l’espagnol, le khmer, ou le thaï.
Or, l’anglais montrait rapidement ses limites (ne parlons même pas du français). Autant que possible, il me fallait connaître les bases des langues en question avant de débarquer dans le pays la bouche en cœur. Le but n’était pas d’apprendre à parler philosophie on s’entend; je voulais juste pouvoir me débrouiller suffisamment pour pouvoir dormir au chaud et avec le ventre plein, demander mon chemin et comprendre dans les grandes lignes ce qu’on me répondait. C’est dans ce contexte que je me suis lancé en quête de solutions d’autoformation rapide.
Quelle solution existait-il alors ? Après avoir fait le tour de la collection Assimil et des solutions d’apprentissage en ligne comme Rosetta Stone, Livemocha, Busuu je suis tombé sur Cerego (alors nommé Smart.fm), un système à répétition espacée, ou SRS, spécialisé dans l’ancrage mémoriel (équivalent de Memrise). Miracle ! Au cours de mes derniers voyages, il m’arrivait ainsi de passer les heures chaudes de la journée dans la moiteur tropicale d’un cybercafé aux ordinateurs vétustes, à réviser des listes de vocabulaire. Et ça marchait plutôt pas mal. Il m’arrive encore aujourd’hui de travailler de cette manière, et surtout, de faire travailler mon frère de neuf ans pour le faire progresser dans sa connaissance du vocabulaire anglais.
Les SRS comme Memrise ou Cerego constituent une avancée significative, mais présentent un certain nombre de failles. Tout d’abord, le contenu est en général pas top. A ma connaissance, aucune institution ne s’est lancée dans la mise en place de parcours complets basés sur ces outils, et couvrant à la fois le vocabulaire et la grammaire. Seuls des particuliers ont produit du contenu, et de manière désordonnée.
Ensuite, il y a le problème des CGU, des « Terms of Use ». Quand on poste des contenus sur Memrise ou Cerego, on garde la propriété intellectuelle, mais on leur concède une licence « perpétuelle, mondiale et irrévocable » sur ces contenus. Autant dire qu’on leur fait un cadeau de taille. Quand je lis ça, je me dis que dans le fond, c’est pas si mal que les institutions se soient abstenues d’utiliser ces outils. D’autant que Memrise est devenu payant la semaine dernière, après des années de gratuité. Cette histoire me fait penser que si l’on veut s’affranchir de ce genre de problème, il faut développer sa technologie soi-même. Chiche !
Je suis d’autant plus motivé que les technos éducatives disponibles sont actuellement assez limitées sur le plan pédagogique. Pour le moment, tout au plus peut-on faire un peu de conditionnement opérant à la Skinner, et faire défiler des items à apprendre de manière très linéaire. Or tout le secret réside dans le choix de la bonne séquence d’exercices, il nous faut donc du séquençage adaptatif. Avec une bonne Intelligence Artificielle, on peut décupler ses capacités d’apprentissage. Nous y reviendrons.
Un contenu de qualité, une technologie d’apprentissage intelligente, que manque-t-il ? A mon sens, il manque ce que certains appellent un « media de concentration ». Tout le monde s’accorde à dire qu’Internet pousse à la dispersion. Très difficile de rester concentré longtemps sur une tâche quand on a la possibilité d’aller surfer sur le Web à côté. Et c’est là qu’intervient la réalité virtuelle (et à terme la réalité augmentée), avec notamment les Oculus Rifts. En s’immergeant entièrement dans une réalité virtuelle, on se coupe du reste du monde pour pouvoir concentrer 100% de son attention sur l’apprentissage.
Hier soir, chez Fabernovel (une agence avec qui je travaille, et spécialisée dans l’innovation), Rémi Rousseau, un ancien polytechnicien, est venu nous présenter son projet, Surgevry. L’idée est de former les chirurgiens en les plongeant dans un environnement immersif. Première chirurgie au monde filmée pour un oculus rift, en collaboration avec l’université Paris-Descartes J’ai testé le casque et je me suis retrouvé en plein opération du coeur, dans la tête du chirurgien (heureusement je n’avais pas mangé). Mais le mieux c’est que vous visionniez la vidéo ci-dessous.
Toute la soirée, nous avons parlé pédagogie par simulation, et applications pédagogiques de la réalité virtuelle et augmentée. C’était absolument passionnant. Je me suis retrouvé dans l’apprentissage du futur. Matrix faisait presque dépassé à côté … Même s’il y a des limites (essayez de taper au clavier avec un oculus rift), le potentiel de ce genre d’approche dépasse l’entendement. Et je ne doute pas qu’après la vague MOOC de 2012-2014, la vague « Apprentissage Adaptatif » de 2016-2018 (je prends le pari), nous aurons une vague « Réalité virtuelle et augmentée » dans le monde de la pédagogie. Peut-être 2020, peut-être plus tôt, nous verrons bien. En attendant, nous sommes en train de réunir un nombre croissant d’ingrédients pour faire de l’apprentissage façon Matrix un futur de plus en plus plausible … Pour le meilleur comme pour le pire.
7 Responses to Un peu de MOOC-fiction