Hey, si vous en avez pas marre de mon projet d’applications pour l’apprentissage des langues (dans le cadre de MOOC dédiés), voici un nouveau billet sur le sujet. Cette fois-ci, on s’intéresse à l’apprentissage du script d’une langue étrangère. On a parlé récemment de vocabulaire, de grammaire, mais on a oublié l’apprentissage de la lecture. Fichtre, sacré oubli. Du coup, voici quelques idées et réflexions au débotté …
L’apprentissage de la lecture sur une plateforme d’apprentissage peut se faire dans deux contextes différents. Le premier est celui de l’alphabétisation. L’enfant ou l’analphabète doit apprendre le script de sa langue natale. Le second cas, le plus commun, est celui où l’apprenant alphabétisé apprend à lire une langue étrangère. Les deux démarches sont fondamentalement différentes. Dans le cas de l’alphabétisation, l’apprenant sait a priori détecter les nuances de sons de sa langue natale. Il ne reste donc plus qu’à associer ces sons à un alphabet ou tout autre système d’écriture.
Les exercices correspondants seront donc axés sur des correspondances son/script (ou phonème/morphème pour les intimes). De simples exercices de QCM peuvent très bien faire l’affaire (Figure). On peut définir une progression dans la difficulté, avec d’abord l’apprentissage des voyelles, puis de mots courts (Figure), etc. Bref, suivre des méthodes de progression classiques, qu’on retrouve notamment dans Assimil. Du point de vue des outils, la plupart des plates-formes d’apprentissages sont parfaitement équipées pour cela. Après, chacun y va de sa propre technique pour assimiler ces scripts, mais n’entrons pas dans les guerres de religion, ce n’est pas la question.
Le second cas est celui l’apprentissage d’un script inconnu, alors qu’on est déjà soi-même alphabétisé. Une approche commune consiste à se baser sur la mémoire visuelle, en établissant une équivalence approximative entre scripts de langue source et de la langue cible. Cette équivalence n’est qu’approximative du fait des différences de prononciation entre langues. Même si les deux langues possèdent le même script, le B ne se prononce pas de la même manière en français et en espagnol. De même, le B français, et le B russe ne sont pas strictement équivalents du point de vue phonologique, mais l’approximation peut être faite dans un premier temps (Figure). Nous nous plaçons ici dans le cas où nous travaillons exclusivement la mémoire visuelle.
Une attention toute particulière doit être donnée à la reconnaissance des sons et à la prononciation lors de l’apprentissage d’une langue. Dans le cas des langues tonales – la majorité des langues asiatiques – il est nécessaire d’apprendre à reconnaître les tons, tâche particulièrement ardue pour les apprenants occidentaux n’ayant pas dès leur enfance habitué leur oreille à cet exercice. Les exercices spécifiques à cette tâche abondent sur Internet.
Quand il s’agit d’apprendre un script, il faut distinguer les langues basés sur les logogrammes, comme le chinois, des langues basées sur un système alphabétique (ou alphabéto-syllabique), qui représentent l’essentiel des langues, et enfin les langues mêlant à la fois un système de logogrammes et un système alphabéto-syllabique, comme le japonais. Le problème est à vrai dire plus ou moins le même. Il s’agit simplement d’apprendre des signes et non pas des lettres puis des mots (sauf qu’il peut y avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup de logogrammes à apprendre).
Le chinois représente l’exemple-type d’une écriture basée sur les logogrammes. Il faut connaître plusieurs milliers de caractères pour pouvoir déchiffrer un journal, et leur nombre total atteint plusieurs dizaines de milliers. A chaque caractère est associé un son et une signification. L’apprentissage de la signification d’un caractère et de la prononciation ne se fait pas nécessairement simultanément, et certains sites proposent de commencer par apprendre la signification des idéogrammes avant d’en apprendre la prononciation. Compte tenu du nombre important d’idéogrammes, l’apprentissage de la lecture est particulièrement long, et se fait de manière corollaire à l’apprentissage du vocabulaire.
En revanche, les systèmes alphabéto-syllabiques excèdent rarement quelques dizaines de symboles. Il faut ajouter à cela le fait que les lettres peuvent avoir une forme majuscule ou minuscule comme pour le script latin, ou changer de forme selon qu’elle sont placées en début, milieu ou fin de mot, comme c’est le cas pour l’arabe. Cependant, les combinaisons de lettres peuvent générer des sons nouveaux qu’il n’est pas possible de connaître avec la seule connaissance des lettres élémentaires (O+I=OI en français). Par ailleurs, certaines combinaisons de lettres forment des items à part entière, avec par exemple en hindi, T+R=TR, le TR représente une lettre à part त (T) + र (R) = त्र (TR). Et je ne vous raconte pas le cauchemar du tibétain (j’ai jamais vu pire), où on peut mettre des lettres au-dessus, en-dessous, sur les côtés, avec toutes les combinaisons possibles, chacune ayant un sens différent. Malgré ces complications, le nombre d’items à apprendre atteint au plus quelques centaines de symboles, ce qui reste bien plus accessible que les systèmes basés sur les logogrammes.
Concernant la succession des actions à effectuer pour la mémorisation des items, on distingue un certains nombre de tests, allant du QCM (Figure) à la question fermée. D’une certaine manière, on peut appliquer des techniques d’apprentissage assez similaires à celles que l’on a évoquées pour l’apprentissage du vocabulaire. Aussi, je n’insisterai pas dessus, même si je suis tout à fait conscient des spécificités de l’exercice. Une méthode suivie dans des collections comme Assimil consiste à ne pas présenter de manière séquentielle alphabet et vocabulaire, mais de faire apprendre progressivement alphabet et vocabulaire parallèlement. Dans cette méthode, seules quelques lettres sont apprises à chaque leçon. En addition de ces lettres, sont présentés des mots composés uniquement des lettres déjà apprises, le répertoire s’élargissant ainsi au fil des leçons. Une approche dont on pourrait également s’inspirer.
Voilà voilà, c’est tout pour aujourd’hui sur les questions d’acquisition du script d’une langue étrangère. Certains d’entre vous connaissent probablement le nom précis des différentes méthodes, les grandes controverses en didactique des langues sur le sujet. Je suis toujours preneur de suggestions, d’informations, de mots savants, et de ressources pour faciliter le passage à l’échelle de l’apprentissage du script … Après tout, ce n’est qu’au contact que de professionnels du domaine que ce projet s’enrichit …