Comment travailler son oreille et sa prononciation dans un MOOC de langues ?

Et encore un billet sur mon projet de MOOC de langues, un. Cette fois-ci, on parle de l’apprentissage de la prononciation, et du développement de l’oreille. Car vous aurez beau avoir appris le dictionnaire par cœur avec les applis précédentes (cf. les derniers billets), si vous n’êtes pas capable de prononcer correctement une langue étrangère, personne ne vous comprendra même avec la meilleure volonté du monde. Le travail de la prononciation est donc l’un des éléments majeurs à développer pour mettre au point des MOOC de langue de qualité, et c’est probablement l’un des points les plus problématiques. Comme d’habitude, je reviens ici sur quelques exercices traditionnellement utilisés pour favoriser le développement de la prononciation.

L’un des exercices les plus fréquemment employés est le shadowing (Figure, Iknow). La technique consiste à écouter un mot ou une phrase de la langue-cible, que l’on répète en même temps que l’enregistrement jusqu’à ce que la différence entre la prononciation « officielle » et celle de l’apprenant s’amenuise. La prononciation de l’apprenant est enregistrée, et la détection de l’écart entre les deux prononciations est en général laissée au soin de l’apprenant qui doit alors s’auto-évaluer et s’auto-corriger. Un certain nombre  d’outils permettent de quantifier l’écart entre les deux prononciations (Tell me more, etc) mais la qualité de l’évaluation automatique de la prononciation porte à débat.

La démarche la plus rigoureuse consisterait à se baser sur l’évaluation par des locuteurs natifs, mais difficile  au sein des MOOC sans mettre en place une forme de tutorat personnalisé. On peut aussi imaginer de faire corriger la prononciation par des pairs, c’est-à-dire des évaluateurs non natifs. Comme toute évaluation par les pairs, c’est un exercice particulièrement formateur. Reste à prouver que la qualité des retours effectués est suffisante pour légitimer ce mode d’évaluation. Hé, le MOOC a ses limites, c’est pas la panacée universelle ; il y a un moment où un professeur ou un natif doit pouvoir faire des retours personnalisés.

En fin de compte, si on ne croit pas en l’évaluation automatique de la prononciation, que ni l’évaluation par les pairs ni l’auto-évaluation ne sont suffisantes, alors il n’y a pas 36 solutions. Il faut mettre en place un système d’examinateurs professionnels et on sort de la logique MOOC pure, car pas de passage à l’échelle possible. A noter qu’il existe des outils comme Speexx spécialisés dans l’apprentissage de la prononciation, et qui vous font écouter la manière dont vous auriez dû prononcer la phrase, en déformant votre voix pour la faire entrer dans la gamme de fréquence de la langue-cible. Une idée à creuser, bien qu’il soit peu probable que ces outils soient intégrés dans les MOOC sur le court terme. J’ai échangé avec eux, mais ce genre de boîte ne bosse qu’en B2B, avec des Alliances Françaises, etc.

L’alternative pour développer sa prononciation tout en évitant ces obstacles, c’est de considérer que c’est en travaillant sa compréhension orale et son écoute que l’on fait progresser sa prononciation. Or, ces compétences sont nettement plus faciles à évaluer de manière automatique. De simples QCM où il s’agit d’associer la forme écrite du mot (morphème), à sa forme sonore (phonème) font très bien l’affaire. Nous nous plaçons par exemple dans le cas d’un apprenant anglophone qui étudierait le chinois (Figure). Dans le premier QCM, l’étudiant doit écouter le mot prononcé en chinois, et en trouver la signification en anglais. Pour le second QCM, le mot est écrit dans la langue-source, « cat » pour un anglophone et l’apprenant doit retrouver au sein de quatre prononciations possibles le son correct dans la langue cible.

On peut introduire plusieurs niveaux de difficulté dans le cas de ce dernier QCM. Dans le cas le plus simple, les sons prononcés sont très différents les uns des autres, et dans le plus compliqué, les nuances entres les sons sont subtiles, cela peut être une différence de ton dans le cas du chinois, ou d’accentuation dans le cas de langue latine ou slave. Ce travail d’écoute est une étape préliminaire au développement d’une prononciation de qualité. Enfin, on peut imaginer des questions fermées associées. Dans le sens version, le mot est prononcé dans la langue-cible et doit être écrit dans la langue-source. C’est une approche beaucoup plus rigoureuse que le QCM pour vérifier que le mot a bien été compris, car on retire la part d’aléatoire dans le choix de la réponse.

Dernier type d’exercice qui fait travailler uniquement l’écoute et laisse de côté le travail de la mémoire auditive (très sollicitée par les QCM et les questions fermées), c’est la détection de l’intonation. L’intonation ou l’accentuation est particulièrement importante pour de nombreuses langues. Ainsi, certains mots sont plus particulièrement accentués au sein d’une phrase ou certaines syllabes au sein d’un mot. La signification d’un mot ou d’une phrase peut être très différente en fonction de ces différences d’accentuation. Au cours de l’apprentissage d’un mot, l’apprenant doit savoir reconnaître, puis savoir par cœur la syllabe sur laquelle porte l’accentuation. De même pour la prononciation des phrases, savoir où placer l’intonation doit devenir un automatisme. Un des exercices traditionnels consiste à cliquer sur les parties de la phrase qui sont accentuées, avec ou sans écoute de l’enregistrement, c’est selon (Figure, Berlitz).

Travail de la prononciation, travail de l’écoute et de la mémoire auditive; nous avons fait le tour de quelques exercices simples qui pourraient être sans trop de difficulté être intégrés dans les MOOC, même avec la plate-forme edX utilisée par France Université Numérique. La question, c’est, où trouver les ressources pédagogiques. Mine de rien, créer une base de phonèmes, cela nécessite des professionnels natifs. Pour peu que l’on veuille développer cela dans de nombreuses langues, cela peut revenir cher. Bien sûr, comme on le disait l’autre fois, on peut passer par les voix synthétiques en utilisant Google Translate, qui génèrent des phrases à la demande, téléchargeables, et libres de droit pour un certain nombre de langues (en tout cas si j’ai bien compris le système de licences). Mais bon, c’est de la triche, et cela ne vaut pas la qualité d’une voix naturelle.

Bref, la prononciation reste quand même une des compétences que l’on peut difficilement acquérir seul devant son ordinateur. C’est déjà compliqué même quand on est immergé dans le pays ! Mais qui sait peut-être un jour les évaluations automatiques de la prononciation seront de qualité suffisante pour permettre d’automatiser tout ça et de régler ces problèmes … Pour le moment, on en est encore loin.

PS : si vous êtes prof de langue et que vous connaissez des ressources ou autres pour m’aider à débroussailler cette question du passage à l’échelle du travail de la prononciation, je suis preneur, comme d’habitude !

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