Avez-vous entendu parler du MOOC Géopolitique de l’Europe de Sciences Po organisé au printemps 2015. L’Europe, ce sujet brûlant qui fait régulièrement la une des médias ces derniers jours. N’est-ce pas une thématique parfaite pour un MOOC dont l’objet est de faire réfléchir sur ces questions d’actualité ? Avec 13.300 inscrits, la formation a clairement touché sa cible, et je vous propose quelques extraits d’un entretien que j’ai fait avec Sylvain Kahn, l’un des enseignants de ce cours réalisé avec les enseignants Philippe Perchoc et Thomas Raineau.
J’ai naturellement commencé notre entretien par la question de la fonction du MOOC, et c’est l’une des rares fois où le rôle du cours dans le débat public est explicité de manière aussi claire :
« Le problème auquel ce cours souhaitait répondre c’était que l’Europe va très mal. Pas seulement l’Union Européenne mais l’Europe dans le débat public que ce soit sur internet, dans les médias traditionnels, voire même dans les universités où l’espace dédié aux cours sur l’Europe se réduit […] Donc l’idée de ce MOOC c’est de mettre dans la sphère publique un contenu dont on souhaitait qu’il soit de qualité, permettant vraiment à monsieur ou madame tout le monde, ou presque, de s’approprier l’état de l’art et des connaissances sur l’Europe pour pouvoir rentrer dans les débats publics qui sont sur l’Europe très idéologiques, et très préemptés par des acteurs très critiques voire contre l’Europe […] C’est toujours compliqué au sujet de l’Europe car c’est un des rares objets en France où dès lors qu’on essaie de déployer un savoir positif, au sens scientifique du mot, on est tout de suite qualifié d’être un agent de l’objet qu’on étudie. On a souhaité donner aux gens de l’espace public des outils, des éléments de connaissance pour appréhender l’objet de manière intelligente et intelligible.«
En même temps, ce n’est pas très surprenant que cela soit à Sciences Po que l’on trouve ce genre de MOOC. Quoi qu’il en soit, on voit bien la différence d’approche entre ce type de cours orientés vers le débat public et des MOOC dans des disciplines scientifiques par exemple orientés vers l’acquisition de compétences techniques. Certes, on peut essayer de faire du débat autour de la physique newtonienne, mais bon. Un autre terme dans notre entretien que j’ai particulièrement apprécié, c’est celui d’université populaire, qui symbolise parfaitement l’esprit du projet.
« On s’est retrouvé sur un objectif qu’on pourrait appeler d’université populaire, c’est-à-dire que les trois auteurs sont des universitaires , on adore ça mais on se retrouve aussi sur l’idée que l’université doit également servir à tous ceux qui ne sont pas des usagers de l’université au sens strict. De ce point de vue, on a atteint notre objectif.«
Au-delà des critères de succès quantifiés, les projets de MOOC correspondent également souvent à une interrogation personnelle. C’est l’occasion de monter en compétences sur le numérique, mais aussi de mettre en place des collaborations étroites avec de véritables équipes (technique, gestion de projet, etc). Je pense qu’il est important de souligner cette dimension dans les motivations qui poussent certains enseignants à se lancer.
« C’est aussi pour cette raison que j’ai constitué cette équipe. On savait par ailleurs que chacun dans son coin était plutôt branché pédagogie et qu’on avait des pratiques qui pouvaient être innovantes. Du coup, on était très réceptif. Même si on n’avait pas la même grammaire, on avait la même envie d’avancer pédagogiquement. En outre, on a fait beaucoup d’autres choses que de l’enseignement à l’université donc nous, les trois auteurs étions demandeurs sur un certain nombre de compétences qu’on n’avait pas. De fait, nous avons énormément appris du travail partagé avec le Service numérique de Sciences Po en général et de Benjamin Sylvand en particulier.On était dans une démarche de savoirs et de compétences et c’était très agréable car à l’université ça ne marche pas toujours comme ça. Je ne sais pas si c’est un critère de succès pour les apprenants mais pour nous oui. Le fait que ce se soit produit nous a d’autant plus stimulés à travailler ensemble, à être imaginatifs. Le succès de nos six « serious games »a validé cet état d’esprit et notre enthousiasme. »
Enfin, terminons par une réflexion sur la pérennité du projet qui me semble tout à fait pertinente. Quand on met autant d’énergie dans la mise au point d’une telle formation, cela fait vraiment mal de savoir que ça tout s’arrête au dernier jour du MOOC. En ce sens, j’abonde dans le sens de Sylvain quand il dit :
« C’est un peu un crève-cœur de se dire qu’à partir du 30 juin ce MOOC n’existera plus. Donc, on aimerait bien que le MOOC se transforme en base de données et ça serait une manière de continuer à décliner la modularité. Autant le MOOC a été conçu pour être utilisé dans un tout, dans un certain ordre mais il a aussi été conçu pour pouvoir être utilisé dans les ordres que chaque apprenant pourrait lui-même trouver. Le MOOC deviendra très bientôt une banque de ressources où les gens pourront aller piocher comme dans une bibliothèque, via Moodle. Une approche à laquelle Sciences Po a été sensible. »
Je crois également que le MOOC doit être pensé comme un objet à géométrie variable qui peut être utilisé au sein ou à l’extérieur de l’institution, comme un tout ou de manière modulaire. Il faut toujours avoir la question des retours sur investissement en tête quand on se lance dans la conception d’un MOOC. La diffusion auprès d’un public d’internautes représente l’un des « retours » possibles, mais certainement pas le seul. Encourager et permettre la multiplication des usages, c’est s’assurer que les efforts investis porteront leurs fruits !
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