Eh oui, vous avez bien lu. J’ai bel et bien une date plus ou moins arrêtée pour ma soutenance de thèse. Pour le moment, c’est le 8 juillet, susceptible d’être modifiée, donc c’est pas pour tout de suite toute de suite. Mais bon, mieux vaut prévenir en avance. Voilà, maintenant que vous connaissez la date, vous pouvez prévoir vos vacances. Car oui, il faudra venir me soutenir pendant que je soutiens, si je puis dire. Donc décalez vos vacances, n’en prenez pas, divorcez au besoin, mais ne loupez pas l’occasion de me voir faire mon (peut-être) dernier speech sur les MOOC. Vous pouvez vous inscrire (gratuitement bien sûr) dans le corps du billet. Faites-le au plus vite si vous pensez venir, simplement parce que les salles se réservent des mois en avance et on choisit la salle en fonction du nombre de personnes qui viennent. Bon, et je fais un petit article sur le décrochage dans les MOOC (qui n’est pas sans rappeler l’échec des universités populaires), car je ne vais pas non plus faire tout un billet juste pour vous annoncer ma date de soutenance.
Les recherches sur les facteurs de décrochage, qu’elles se focalisent sur les caractéristiques du dispositif, la démographie des apprenants, ou sur les compétences en auto-régulation, s’inscrivent dans la lignée des décennies de travaux sur le sujet dans le champ de la formation à distance. Les recherches séminales de Tinto sur l’abandon dans les universités américaines avaient déjà beaucoup insisté sur la question de l’adéquation de l’étudiant avec les valeurs de l’établissement et sur l’intégration sociale, mobilisant par là-même la théorie durkheimienne du suicide. Un certain nombre d’auteurs ont depuis cherché à adapter le modèle à l’abandon de Tinto à la formation à distance. La FOAD représente un contexte particulier, puisque on s’intéresse à un cours donné et non à une année scolaire, et que l’isolement lié à la distance pose un certain nombre de problèmes spécifiques. Ces considérations peuvent nous aider à appréhender les faibles taux de complétion, mais expliquent mal les différences entre taux de complétion que l’on peut constater entre cours équivalents (en termes d’investissements requis, etc). L’importance que les apprenants accordaient à la montée en compétence dans les entretiens, en particulier dans un contexte professionnel, m’a amené à faire l’hypothèse que le décrochage résultait en grande partie du fait que les participants étaient en attente de formations aux contenus facilement transférables. Les dispositifs, très empreints de la logique académique, comblent ce type d’attente de manière inégale. Toutes les dimensions du dispositif sont susceptibles d’être concernées par ce problème, du niveau d’exigence demandé à la nature des enseignements dispensés, du degré d’autonomie requis pour suivre le cours à l’importance donnée par les concepteurs aux interactions entre participants. Les recherches en andragogie soulignent que la question de la transférabilité des acquis et de l’instrumentalité de la formation sont parmi les questions prioritaires des apprenants adultes. Si cette question n’est pas spécifique aux MOOC – elle est au coeur des recherches sur le décalage entre formation initiale et compétences professionnelles – l’absence de frais d’inscription et de contraintes susceptibles d’obliger à terminer la formation est susceptible d’exacerber le décrochage.
Cette hypothèse n’est pas sans rappeler l’analyse que certains auteurs ont fait de l’échec des universités populaires au début du XXième siècle. Comme le souligne Brigitte Albero dans l’Autoformation dans l’Enseignement Supérieur : « En contrepoint et à titre d’exemple fort illustratif, il est possible d’analyser l’échec des Universités populaires au tout début du XXème siècle (Terrot, 1983) à la lumière de cette même théorie. En effet, alors qu’elles avaient été crées, à la fin du XIXème siècle, dans le but de relayer l’ambition d’instruction collective et individuelle en proposant des lieux d’échanges entre intellectuels et ouvriers, cette tentative n’a pas eu les prolongements attendus. Malgré l’idéal de pratiques coopératives dans un esprit libertaire fondateur de cette initiative, les échanges entre intellectuels et ouvriers se sont rapidement calqués sur des pratiques d’enseignement magistral. Au lieu d’intervenir sur des bases de discussion et d’échanges, les professeurs invités se produisaient en conférences sur des thèmes qui correspondaient à leur spécialité. Sans prendre la précaution de relier ces thèmes aux préoccupations d’un public qu’en réalité ils ne connaissaient guère, ils induisaient implicitement – et sans doute en toute bonne foi – une relation hiérarchique dans laquelle ils se situaient au sommet et leur public à la base. En l’absence d’échange, de dialogue, voire de confrontation, ils reproduisaient une échelle sociale qui laissait peu d’espoir à la progression individuelle, face à une situation qui renvoyait à chacun une image aussi figée que peu valorisante de soi. Cette situation entraînait une attitude consumériste à la dynamique vite épuisée. »
Certes, les utilisateurs de MOOC ne sont pas les ouvriers du début du vingtième siècle, mais l’analogie entre les deux situations est troublante. Food for thought.
PS : Et je vous dis pas la pression, avec le dilemme cornélien de fin de thèse : Gestion de projet ou recherche ? post-doc ou ATER ? Privé ou public ? Si pour le moment mon cœur balance évidemment vers la recherche et l’enseignement (je pense vouloir être maître de conférence à court terme), rien n’est acté, et c’est tout un art que de continuer à rédiger efficacement (d’autant que je suis vraiment soumis à ces fameuses angoisses de la feuille blanche) tout en prévoyant l’année prochaine.
6 Responses to Venez à ma soutenance de thèse, aboutissement de quatre années de recherche sur les MOOC