On n’en parle pas beaucoup, mais vous devez vous en douter quand même : un certain nombre de MOOC ont été utilisés en formation initiale. Je ne parle pas d’une utilisation ponctuelle de telle ou telle vidéo pédagogique, mais bien du dispositif dans son ensemble. Deux cas de figure : soit il y a hybridation, c’est-à-dire une médiation de la part des équipes pédagogiques locales, soit il n’y en a pas (grosso modo : ramène-moi le certificat et puis c’est tout). On a souvent parlé des réactions des enseignants qui se voient imposer certaines formes d’hybridation, notamment aux Etats-Unis. On parle moins des réactions des étudiants, qui ne sont pas toujours ravis non plus. Quelques mots sur la question des réactions des étudiants face au MOOC et de leur potentiel pour le recrutement à l’international….
Réactions d’étudiants face à l’hybridation
J’ai connu quelques Grandes Ecoles au sein desquelles un MOOC avait été intégré selon le modèle de la classe inversée. Et bien les étudiants en question se montraient par exemple nettement plus sévères que les autres inscrits lorsqu’il s’agissait de noter la formation. Mon interprétation est que les étudiants de Grandes Ecoles françaises n’apprécient pas nécessairement de suivre une formation qui ne serait pas exclusive, c’est-à-dire que la formation puisse par ailleurs être suivie par des personnes qui n’auraient pas payé de frais d’inscription ou qui ne serait pas passés par l’étape des classes préparatoires. Selon cette hypothèse, c’est davantage le problème de l’exclusivité – et donc de la rareté de la formation dont ils disposent – qui serait à l’origine de cette moindre satisfaction. En effet, ce n’est pas une question d’encadrement, vu que même dans ce contexte d’hybridation ils disposent d’un taux d’encadrement supérieur à celui du cours magistral. Ils ont par ailleurs accès à des services dont ne disposent pas les autres participants au MOOC.
Je mettrais ma main à couper que cela dépend énormément du contexte, cette question de la réaction de l’étudiant. Il serait intéressant de comparer les attitudes relatives selon leur établissement d’appartenance et leur pays d’origine. Déjà, je serais curieux de savoir comment les étudiants d’université réagiraient en comparaison avec ceux de Grandes Ecoles. Les différences culturelles sont importantes, mais le sont-elles au point de se manifester dans ce type de contexte ? Ensuite, y-a-t’il un effet Sud/Nord ? Comment est perçue dans les pays émergents l’intégration de cours d’établissements de pays développés ? Ce type d’interrogations, récurrentes dans les travaux sur les REL (Ressources Educatives Libres), se pose de manière particulièrement aiguë dans le cas des MOOC. J’imagine
Recrutement d’étudiants à l’international
Mais bon, pour ce qui est des étudiants, il n’y a pas que la question de l’hybridation. Il y a aussi bien sûr la question de l’impact des politiques de diffusion de MOOC sur le recrutement d’étudiants. La question du recrutement détudiants internationaux revient notamment de manière récurrente dans les interrogations des décisionnaires mais je pense que ce sont en grande partie des fantasmes. Des exemples fortement médiatisés comme celui du recrutement par le MIT d’un lycéen d’Oulan-Bator ont sans doute contribué, dans un contexte de compétition exacerbée les meilleurs étudiants, à susciter un certain nombre d’attentes.
Si certains des entretiens que j’ai réalisés soulignent la pertinence d’une telle interrogation, nous manquons de données chiffrées qui permettraient d’évaluer l’importance du phénomène. J’ai rencontré quelques lycéens qui voulaient partir faire leurs études en Australie, et pour qui la qualité des MOOC semblait peser sur ce choix de manière considérable. Reste à savoir si cela signifie quelque chose sur le plan quantitatif. Il faudrait pour en savoir davantage cibler spécifiquement les étudiants dans les enquêtes diffusées en début de MOOC, pour vérifier s’ils envisagent de s’inscrire dans l’établissement, et si oui à quel niveau de formation. J’en avais parlé à New York avec un haut responsable de la Delft TU, une grande école d’ingénieurs hollandaise, qui me disait qu’environ 10% de ses néo-arrivants avaient suivi un MOOC avant de mettre un pied dans l’établissement. Cela ne veut pas dire que cela ait pesé sur leur décision, on s’entend. Mais bon, je suis curieux tout de même d’en savoir plus.
Pour conclure, je dirais que l’ampleur du débat que l’essor des MOOC a introduit sur la place du numérique dans l’enseignement supérieur est probablement inédite (ou pas d’ailleurs, l’enseignement programmé avait déjà fait un sacré tintouin en son temps, mais comment les comparer ?). Si les interrogations sur la place des technologies dans l’enseignement reviennent de manière cyclique, le débat avait rarement pénétré la sphère publique aussi profondément que dans le cas des MOOC. On entend parfois qu’à défaut d’avoir impacté à grande échelle les pratiques pédagogiques dans l’enseignement supérieur, ils ont affecté la perception du numérique pédagogique par l’institution et par les étudiants, et qu’ils marqueraient un tournant en la matière. Ptet ben qu’oui, ptet ben que non, je peux pas dire.
Voilà, c’était quelques idées qui me venaient comme ça au moment de conclure ma thèse, mais j’ai préféré les livrer aux lecteurs du blog plutôt que de les mettre dans mon manuscrit (le mieux est l’ennemi du bien, la conclusion est déjà bien assez riche comme ça). Je pense que ce sont des bonnes pistes de réflexion, et j’espère que des collègues (ou des étudiants en recherche de bonnes idées pour leur mémoire) vont tâcher de s’y attaquer de manière un peu sérieuse ….
PS : ah les affres de la rédaction du manuscrit de thèse, vous êtes surement nombreux amis lecteurs à les avoir connus. D’autant que j’enchaîne les petits soucis de santé bénins mais déstabilisants. Le dernier en date : le VPPB, pour Vertige Paroxystique Positionnel Bénin (ou un truc qui y ressemble sacrément). C’est une sorte de vertige plus ou moins permanent qui peut durer quelques semaines si mal traité. Dans les crises les plus aiguës, on a l’impression d’être sur un bateau qui tangue par forte houle. Pour mon oreille interne, je pourrais rédiger sur un catamaran que ce serait la même chose. Non parce que vous comprenez, ce serait trop simple sinon, il fallait monter le niveau en mode « Difficile » pour qu’il y ait un peu de défi. Bon, mais maintenant que la date de soutenance est annoncée, je ne peux plus reculer (c’est un peu pour ça que je l’ai fait d’ailleurs).
8 Responses to MOOC et étudiants : de la classe inversée au recrutement à l’international