J’aimerais aujourd’hui revenir sur la question de l’hybridation des MOOC, principalement sous l’angle de la politique de formation. On aura beau souligner l’essor des besoins de formation en France et dans la francophonie, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Un MOOC diffusé en français ne peut atteindre l’audience d’un MOOC diffusé en anglais si celui-ci est diffusé sur une plate-forme disposant d’une large audience anglophone. C’est une simple question de nombre d’internautes anglophones et de nombre d’internautes francophones. Il est rare qu’un MOOC français ne délivre davantage que quelques centaines de certificats ; par ailleurs, les formations sont souvent organisées une ou deux fois tout au plus, ce qui est bien peu pour amortir l’investissement consenti dans la création de la formation. Dans ces conditions et au vu du coût qu’implique la création d’un MOOC, il est crucial d’approfondir la réflexion sur les thématiques choisies, notamment dans l’optique d’une hybridation du MOOC avec la formation initiale.
Les thématiques d’un MOOC sont vraisemblablement davantage choisies en fonction des disponibilités et de la motivation d’un ou plusieurs enseignants qu’en fonction d’une analyse des besoins de formation des internautes, besoin auquel il s’agirait de répondre. On peut s’inquiéter du fait que nombre de MOOC se situent dans un entre-deux, partageant trop des caractéristiques d’une formation académique sur le fond comme sur la forme pour mobiliser un public d’internautes adultes engagés dans la vie professionnelle, tout en ayant été trop adaptés à un public d’internautes pour pouvoir être intégrés au sein d’une maquette pédagogique. L’avenir du phénomène MOOC passe sans doute par un choix plus tranché entre l’une ou l’autre de ces deux stratégies : se concentrer sur des thématiques susceptibles de mobiliser une vaste audience, car répondant à une demande de formation largement partagée, ou penser les MOOC de sorte à ce qu’ils puissent s’intégrer dans les maquettes pédagogiques de formations de l’enseignement supérieur. L’ouverture à un plus large public ne représente dans ce dernier cas qu’un bénéfice secondaire légitimé par le faible surcoût qu’implique le partage.
C’est sur cette seconde stratégie que j’aimerais revenir, car elle est d’autant plus complexe à mettre en œuvre qu’elle implique un nombre plus important de parties prenantes. Concevoir de but en blanc un MOOC comme une formation académique, c’est prendre le risque d’échouer d’une part à mobiliser des internautes engagés dans la vie professionnelle, et d’autre part à intégrer une maquette pédagogique si aucun accord n’a été envisagé au préalable. Les difficultés à syndiquer ressources et formations au service d’une plus grande mutualisation du fonctionnement de l’enseignement supérieur ne sont pas nouvelles. Des auteurs de renom se sont déjà penchés sur la question au travers de leurs réflexions sur la formation à distance ou sur les ressources éducatives libres, et cette invitation à la mutualisation des ressources des systèmes de formation date en France de près d’un demi-siècle (Schwartz, l’Education Demain, 1973). Les concepteurs ont certes la responsabilité d’adapter leur offre aux besoins de l’enseignement supérieur, mais la balle est également dans le camp de ceux qui conçoivent les maquettes pédagogiques de l’enseignement supérieur. Sans une adhésion de leur part au principe de mutualisation, toute tentative de syndication d’une offre de qualité sera vaine. Combien de portails ou de bibliothèques de ressources pédagogiques ont-elles été assemblées à grand frais sans parvenir à mobiliser suffisamment d’utilisateurs pour légitimer l’investissement consenti pour leur création ?
La question n’est pas tant de savoir quelle proportion des cours universitaires doit être mise à disposition sur Internet que de choisir quelle proportion des maquettes pédagogiques doit être constituée des formations à distance mutualisées. Si le phénomène MOOC n’a pas eu l’ampleur que certains espéraient, au moins aura-t-il eu le mérite de relancer le débat sur cette question. Ce débat a parfois débouché sur des tentatives de mutualisation encourageantes, mais ces tentatives représentent probablement toujours un phénomène marginal. Il est peu vraisemblable qu’aboutisse une politique de mutualisation de la formation ambitieuse sans le soutien actif des différents échelons de l’enseignement supérieur.
Les évolutions actuelles de l’enseignement supérieur français, et en particulier le processus de regroupement d’établissements à l’œuvre dans les COMUE, pourraient représenter à cet égard une condition favorable à la mise en place de telles politiques. Le regroupement a pour conséquence mécanique d’accroître le nombre d’étudiants potentiellement touchés par un projet interne aux communautés d’établissements, légitimant ainsi davantage l’investissement dans la création de MOOC dont la vocation est de s’intégrer dans des maquettes pédagogiques. Pour qu’une telle évolution voie le jour, l’ensemble des acteurs du supérieur doivent se concerter sur la stratégie à adopter, du concepteur du dispositif au responsable des enquêtes pédagogiques en passant par les rédacteurs des appels à projet.
La réflexion sur les questions d’hybridation a vraisemblablement été relancée par l’essor des MOOC et l’époque est sans doute propice à la mise en œuvre d’expérimentations ambitieuses, mais les travaux académiques n’ont jusqu’à présent que peu contribuer à faire avancer la réflexion sur le sujet. A l’image de ma thèse, les recherches se sont concentrées jusqu’à présent sur le public des MOOC, sur leurs comportements observables, sur leurs motivations, sur leurs intentions. Un tel travail s’avère nécessaire pour interpréter les évolutions récentes du phénomène MOOC, mais n’a pas vocation à alimenter une réflexion sur l’hybridation. Si l’on souhaite éviter que le phénomène MOOC français n’ait été qu’une brève passade, simple écho de l’engouement initié par les expérimentations américaines, on ne pourra selon moi guère faire l’économie d’une politique d’hybridation avec la formation initiale, ni de la réflexion qui doit immanquablement l’accompagner.
Au fait, plus que trois mois avant ma soutenance de thèse (si je suis encore vivant d’ici là). Viendez nombreux !
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