Quelles sont les intentions des participants qui s’inscrivent à un MOOC ? La seule manière de le savoir me direz-vous, c’est de leur demander, notamment via une enquête. Mais voilà, il y a un hic : le biais d’auto-sélection. Si les participants sont libres de répondre ou non à l’enquête, il y a de bonnes chances que les participants qui répondent soient les plus motivés, et que du coup vous risquez d’être complétement à côté de la plaque si vous pensez que les réponses que vous obtenez sont véritablement représentatives de votre auditoire. J’aimerais vous en apporter une preuve aujourd’hui en revenant sur une publication d’un collègue faisant le lien entre intention déclarée et comportement observable (Reich, 2014). Je conclurai sur les raisons qui m’ont poussé à enrichir mon travail sur les intentions des participants par une petite étude des comportements d’inscription.
Reich a croisé les résultats d’enquêtes rassemblant plusieurs dizaines de milliers de réponses sur les intentions autodéclarées aux traces d’activité disponibles sur l’engagement des inscrits. Les répondants devaient déterminer s’ils avaient l’intention de terminer le cours et d’en obtenir le certificat, de le suivre jusqu’à son terme en auditeur libre, ou de simplement naviguer au sein des ressources ; enfin, ils pouvaient répondre ne pas être sûrs de leur intention ou ne pas souhaiter pas terminer le MOOC. La première catégorie est de loin la plus représentée ; environ 60% des répondants déclarent vouloir terminer le cours et en obtenir le certificat.
Reich (2014) mesure la persistance de chaque catégorie de répondants au sein du cours et constate par une analyse de survie que ceux qui affirment vouloir terminer le cours et obtenir le certificat ont quatre à cinq fois de plus de chances de terminer le cours que ceux qui disent vouloir simplement naviguer au sein du cours. Il ressort de cette analyse que l’intention déclarée constitue la donnée autodéclarée dont le pouvoir prédictif sur les taux de certification est le plus important, un résultat qui sera notamment reconfirmé par Greene et al. (2015).
Si l’intention déclarée possède un pouvoir prédictif important, elle n’est en revanche guère fiable si l’on considère la proportion des personnes affirmant avoir l’intention de terminer le cours, et qui le font de manière effective. Les travaux de Reich (2014) montrent distinctement que seule une minorité de ceux qui disent avoir l’intention de terminer le cours le font de manière effective.
Du fait du biais d’auto-sélection, les non-répondants rassemblent probablement une grande quantité de participants qui n’ont pas l’intention de suivre le cours. L’analyse des traces d’activité conduite par Reich montre que les non-répondants représentent la catégorie de participants qui quittent le cours le plus précocement, résultat qui illustre les limites de l’approche autodéclarative dès lors que l’on cherche à déterminer les intentions des inscrits. Si la recherche sur les intentions souffre d’un certain nombre d’obstacles méthodologiques, les MOOC disposent d’un avantage qui a fait défaut aux premières recherches sur l’abandon en formation de Tinto (1975), la possibilité d’observer les comportements des utilisateurs au-delà du seul cours ou programme auquel ils s’inscrivent.
Tinto (1975) estime qu’il faudrait pouvoir suivre les trajectoires des étudiants au sein du système de formation dans son ensemble, ne serait-ce que pour distinguer l’abandon des études d’un simple changement d’établissement. Il suggère ainsi de se baser sur des comportements observables pour distinguer plus précisément les formes de décrochage. Cette position prend tout son sens dans le contexte d’un MOOC où l’on peut plus facilement suivre l’activité d’un utilisateur au sein d’une même plate-forme. Je pense avec Koller et al. (2013) que le comportement d’inscription peut fournir un certain nombre d’indications relatives aux intentions des participants. Koller et al. (2013) soulignent que les utilisateurs de Coursera sont en moyenne inscrits à quatre MOOC sur la plate-forme. La multiplicité des inscriptions serait d’après les auteurs le signe que les participants n’auraient pas l’intention de suivre l’ensemble des cours auxquels ils s’inscrivent.
Autre hypothèse avancée par ces mêmes auteurs, la charge de travail correspondant à un MOOC imposerait de choisir entre les formations, et le décrochage dans un cours serait la condition de la persistance dans un autre. Si l’on ne peut suivre un même utilisateur sur l’ensemble des plates-formes de MOOC existantes, on peut en revanche appréhender le comportement d’inscription au sein d’une même plate-forme. Ces données peuvent d’une part sans doute nous fournir des indications quant aux intentions des inscrits, et d’autre part nous renseigner quant à la probabilité que l’inscription débouche sur un certificat avant même que le cours n’ait commencé.
J’espère vous avoir mis l’eau à la bouche avec ces questions de comportements d’inscription, on y reviendra à l’occasion.
One Response to MOOC : comprendre les intentions des participants à travers l’étude du comportement d’inscription ?