Les principaux résultats de ma thèse sur les MOOC (partie 2)

DiplomaJe conclus avec ce billet la présentation des résultats de ma thèse, qui est, comme je vous l’ai dit il y a quelques jours, sera bientôt disponible en ligne. Le billet d’aujourd’hui est consacré d’une part au comportement d’inscription, et d’autre part à la question des projets d’apprentissage. Je conclus l’article sur des pistes de recherche possible. Bonne lecture !

Le comportement d’inscription est un bon prédicteur de l’attrition

Les utilisateurs de FUN sont inscrits à un peu plus de deux cours en moyenne sur la plate-forme, et ceux d’entre eux qui obtiennent le certificat d’au moins un cours ont réalisé au moins quatre inscriptions sur FUN. Nous parlons d’inscriptions multiples pour désigner les inscriptions d’un utilisateur de la plate-forme inscrit à de multiples cours, et de superposition lorsque ces inscriptions correspondent à des cours se recouvrant sur un certain laps de temps. Nous avons établi une corrélation négative entre superposition et probabilité d’obtenir le certificat. La nécessité de choisir entre plusieurs cours organisés en parallèle constitue vraisemblablement l’un des mécanismes centraux de l’attrition.

Néanmoins, le phénomène de superposition reflète également le fait que la plupart des inscriptions sont réalisées dans un laps de temps réduit, très souvent au cours de la même journée. Le concept de clé d’entrée (Isaac & Voole, 2008), issu du webmarketing, apporte un éclairage intéressant à cet égard. Nous suggérons que l’intention de suivre un MOOC sur un sujet donné fait le plus souvent suite à sa découverte sur la plate-forme, et ne précède l’inscription que dans une minorité des cas : c’est un cas de prédominance de la clé d’entrée plate-forme sur la clé d’entrée produit. Le mode de découverte du cours, compris comme l’ordonnancement des étapes qui ont débouché sur l’inscription, constitue l’une des pistes les plus intéressantes pour interpréter les faibles taux de certification des MOOC constatés.

La prédominance de la clé d’entrée plate-forme suggère qu’il est vraisemblable qu’une partie conséquente des participants n’aient jamais eu l’intention de suivre la formation, et qu’ils se soient inscrits en naviguant sur la plate-forme, et non suite à une recherche, ce qui pourrait expliquer l’importance de la non-participation. L’existence d’une offre de cours conséquente sur les plates-formes de MOOC – il arrive pour certaines que plusieurs dizaines de cours se déroulent à un instant donné – conduit à une dispersion des inscriptions, et, toutes choses restant égales par ailleurs, à une hausse de l’attrition. Ce phénomène est sans doute d’autant plus marqué que les plates-formes disposent d’une offre quantitativement importante. Enfin, il faut prendre en compte le fait que certaines plates-formes proposent des offres qualitativement similaires – comme les américaines edX et Coursera – susceptibles de disperser encore davantage les inscriptions entre plates-formes. Néanmoins, l’analyse de la dispersion des inscriptions doit être complétée par une analyse du retrait volontaire.

Le MOOC, un projet d’apprentissage

Plusieurs types de barrières peuvent être impliquées (Garland, 1992), conjointement ou non, dans la décision de se retirer volontairement de la formation, les barrières étant définies ici comme les motifs avancés par les participants pour justifier la cessation de sa participation. Nous nous sommes penchés au cours de ce chapitre sur les barrières épistémiques potentielles, i.e. les barrières liées au contenu du cours, à la nature des activités proposées, davantage qu’aux modalités d’organisation. Les biais d’auto-sélection limitent la portée des études se basant sur les questionnaires envoyés aux participants ayant cessé leur participation à une formation, d’autant qu’ils conduisent généralement à surestimer l’importance des barrières situationnelles (Garland, 1993).

Pour cette raison, nous nous sommes basés principalement sur les motifs d’entrée en formation (Carré, 2002) pour identifier les principales barrières épistémiques potentielles. Nous constatons que le motif opératoire, et en particulier le motif opératoire professionnel, joue un rôle prédominant dans l’inscription de la douzaine de cours que nous avons étudiés à cet égard. Si la plupart des participants déclarent porter un intérêt pour le certificat, rares sont ceux qui s’inscrivent avant tout dans l’optique de son obtention. Ces résultats, congruents avec les travaux réalisés sur l’éducation non-formelle des adultes (Johnstone & Rivera, 1960) et de la sociologie des loisirs (Dumazedier, 1962), nous permettent d’identifier le suivi d’un MOOC comme un projet d’apprentissage (Tough, 1971), dans la mesure où la plupart des critères d’inclusion sont respectés : la somme des épisodes d’apprentissage excède le plus souvent sept heures, ils sont auto-planifiés. Enfin, l’apprenant est à l’origine de ces épisodes d’apprentissage, à l’exception des cas, minoritaires, où le MOOC est intégré dans une formation.

Dès lors, l’incapacité du MOOC à répondre aux besoins du projet d’apprentissage, à commencer par le caractère opératoire des motivations, pourrait expliquer une partie significative du retrait volontaire. Nous avons conclu sur l’analogie entre l’échec des universités populaires au début du vingtième siècle et les faibles taux de certification des MOOC, qui découleraient selon nous en partie de l’incapacité de ces dispositifs à s’accorder aux attentes de leurs utilisateurs, qu’on les définissent en termes de thématiques abordées ou d’activités proposées.

Pistes de recherche

Deux pistes de recherche pourraient être suivies pour prolonger les travaux que nous avons mené dans le cadre de cette recherche. La première repose sur le croisement des différents types de données mobilisées dans le cadre de ce travail d’une part, et un travail sur les motivations et conceptions des enseignants impliqués dans la conception de MOOC d’autre part. Ainsi, les données d’inscription d’une plate-forme gagneraient à être croisées aux traces d’activité issues des cours qu’elle héberge afin de mieux appréhender les mécanismes sous-tendant le retrait volontaire ou la non-participation. Une telle approche s’avère nécessaire pour appréhender en particulier la dynamique qui prévaut entre cours superposés sur un laps de temps plus ou moins long. Dans la mesure où la superposition de cours concerne la majorité des inscriptions ne débouchant pas sur un certificat, la construction d’une typologie des apprenants eu égard à ces deux axes que sont le comportement d’inscription et le comportement observable au sein d’un cours constitue une étape indispensable à la compréhension de l’attrition au sein des MOOC.

La deuxième piste à explorer est relative à la meilleure identification des mécanismes du retrait volontaire en lien avec les barrières épistémiques. Notre analyse des motifs d’entrée en formation suggère que la propension des dispositifs à s’accorder à la démarche opératoire qui anime la majorité des projets d’apprentissage pourrait être déterminante dans la décision de poursuivre ou d’interrompre la formation. Le lien qui unit prédominance du motif opératoire et retrait volontaire reste néanmoins à ce stade une hypothèse qu’il convient de tester. Nous proposons donc en guise de conclusion de cette thèse de mener un travail d’enquête auprès des concepteurs de MOOC afin de déterminer les motivations qui sous-tendent la mise au point du dispositif, et de chercher à établir le lien entre ces motivations et la posture que les apprenants développent eu égard à la formation.

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