Nous avons traité plus tôt cette semaine les motivations économiques qui peuvent sous-tendre la conception d’un MOOC. Nous allons terminer aujourd’hui par deux motivations qui, bien que plus rares, me semblent dignes d’être mentionnées. La première est la constitution d’une communauté d’apprenants. La seconde porte sur l’utilisation du MOOC comme une formation à distance, afin de contourner les problèmes que pose parfois l’organisation de cours en présentiel, notamment dans le cas de coopérations internationales.
La création d’une communauté d’apprenants est une motivation qui revient relativement rarement dans les propos des enseignants, et qui ne figure dans aucun des travaux sur les motivations des concepteurs. Cette enseignante met en avant sa volonté de créer une communauté d’apprenants et insiste sur l’importance des réseaux sociaux pour réaliser ce but.
Ce qu’on voulait faire avec ce MOOC c’était principalement créer une communauté d’apprenants justement. Le but c’était de, c’est pour ça qu’on a fait multi-plateforme. On a créé notre page Facebook, le Tumblr […] Et avec tous ces éléments là ce qu’on voulait c’était à la fois interagir avec les apprenants, et que les apprenants interagissent aussi entre eux, ils créent des discussions et une vraie communauté.
Les activités correspondantes représentent pour elle le partage de ressources et la réalisation de retours d’expérience.
C’est encore une fois, c’est le partage de ressources, l’interactivité qui va se faire autour du cours, parce que c’est hyper important ça que les apprenants ils partagent leur expérience […] Certes nous on donne un cours, voilà, mais il faut qu’il y ait de l’activité autour, il faut qu’il soit vivant ce cours, et ça passe par la création d’une communauté d’apprenants.
L’enseignante considère notamment que la communauté a vocation à perdurer sur les réseaux sociaux au-delà de la fin du cours.
Ce serait bien que ça continue. Après nous on garde la page Facebook, on garde le compte Twitter. C’est à nous aussi d’animer, de continuer à animer au-delà du cours en lui-même.
Cette motivation n’a néanmoins été soulevée qu’à une seule occasion et reste probablement davantage l’apanage des concepteurs de MOOC connectivistes.
On a essayé de faire ça en présentiel, mais le format n’était pas bon
Ce cas est illustré par les propos de ce concepteur d’un MOOC d’épidémiologie, qui face à la nécessité d’enseigner dans des diplômes d’institutions réparties dans plusieurs pays, propose de se baser sur un MOOC pour résoudre une partie des problèmes de transport ; les examens sont réalisés en dehors du MOOC.
Quand on fait le centre on s’est dit oui on va aller à Berlin le plus fréquemment possible, mais on peut quand même pas aller faire nos cours à Berlin comme on fait ses cours à la Sorbonne quand on habite dans Paris donc c’était pas si simple. Ce qu’on s’est dit c’est qu’on allait privilégier l’enseignement à distance, et euh, et j’ai proposé à l’époque que les MOOC soient le, je dirais le point d’orgue de notre, de notre coopération à distance.
Cette situation est également illustrée par cet enseignant de mathématique, qui considère que son MOOC a vocation à être intégré dans les maquettes pédagogiques d’universités, en particulier des universités africaines.
J’ai des difficultés d’emploi du temps, c’est difficile de trouver des créneaux pour enseigner et je suis engagé en Afrique ; tous les ans, je passe deux semaines en Afrique Subsaharienne. Je fais des cours et ce n’est pas beaucoup. L’idée de pouvoir prolonger de manière virtuelle, dans un contexte où les contacts internationaux avec les enseignants sont rares, c’était très intéressant.
Le second cas s’inscrit dans le champ de la formation continue dans le domaine du Big Data. Une formation nécessitant un certain nombre de prérequis. Le format présentiel n’étant pas adapté à cette étape d’acquisition de prérequis, les responsables de la formation ont transformé en MOOC cette étape de la formation ; l’ouverture au grand public inhérente au format MOOC n’est intervenue que dans un second temps.
L’idée du MOOC était venue car on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de demandes sur les métiers du Big Data, particulièrement le métier de Data Scientist. […] On a essayé de faire ça en présentiel, des formations pour raviver tous ces souvenirs, mais on s’est rendu compte que le format n’était pas bon. Il y avait besoin qu’ils suivent des cours mais qu’ils fassent des recherches en parallèle et on ne pouvait pas le faire en une semaine de formation en présentiel. Et on s’est dit qu’on avait les compétences pour le faire donc pourquoi ne pas utiliser tout ça pour ouvrir à un maximum de monde. On a donc créé ce MOOC Fondamentaux pour le Big Data.
Il nous faut néanmoins distinguer le cas où l’articulation avec le système de formation initiale représente la principale motivation du concepteur et détermine les choix de conception du cas, plus fréquent, où cette articulation n’intervient que dans un second temps et représente un bénéfice secondaire de la conception du dispositif.
Je trouve ces derniers cas particulièrement intéressants. Enfin, je me répète, vous connaissez déjà bien assez ma position sur le sujet. Pour moi, les MOOC ont vraiment vocation à entrer dans une logique de mutualisation des ressources, de projets d’établissement, et d’optimisation du temps passé en présentiel. Concernant les communautés d’apprenants, je trouve ça bien sûr très bien, mais il est rare que cela marche véritablement, que l’on dépasse la constitution d’un noyau dur particulièrement réduit.