Aujourd’hui, et dans les semaines qui viennent, je vais revenir sur les motifs d’entrée en formation (Carré, 2002), qui correspondent aux motivations qui sous-tendent l’inscription, si je caricature. Vous ne serez pas surpris si je vous dis qu’un certain nombre de participants s’inscrivent au MOOC avant tout pour interagir avec leurs pairs, au point que le contenu de la formation devient secondaire ; cette situation correspond à ce que l’on nomme le motif socio-affectif dans la typologie de Carré (2002).
Commençons par illustrer ce motif d’entrée par les propos d’une ingénieure pédagogique, qui s’inscrit au MOOC Enseigner et Former Avec le Numérique avant tout pour échanger avec d’autres participants sur leur conception du numérique :
« Pour moi le MOOC c’est de rencontrer d’autres personnes que je connais pas, et puis échanger avec ces personnes, pour avoir aussi une autre perception, parce que les personnes que je connais, on échange déjà régulièrement ensemble. Je connais voilà voilà. Là le MOOC, c’est l’occasion, c’est génial avec Internet aussi. Du coup on s’ouvre des perspectives plus larges, au niveau des publics, des expériences. […] Bah alors là ma première entrée dans le MOOC [EFAN] c’était plus les forums. Bah tiens j’aimerais bien voir qui suit ces MOOC-là, j’étais allée dans les forums, j’étais allée me présenter, j’étais allée contacter des personnes. Justement y a pas mal de personnes qui étaient en FLE. Je m’étais dit bah tiens, je vais approcher ces personnes-là pour un peu avoir leur conception du numérique. […] Je m’étais vraiment focalisée plus sur l’aspect réseau en fait que contenu, parce que le contenu je l’avais déjà. »
Ce motif ne semble néanmoins pas répandu parmi les répondants si l’on s’en tient aux résultats des enquêtes diffusées par mes soins. La combinaison des résultats de ces enquêtes, de la faible activité des forums de discussion et des réseaux sociaux – à l’exception de celle de quelques MOOC connectivistes – suggère que les participants qui s’engagent dans des interactions avec leurs pairs, quelles qu’elles soient, sont minoritaires. La faible proportion de participants actifs sur les forums de discussion est généralement constituée des participants les plus assidus. Il est possible qu’une grande partie des apprenants animés avant tout par une logique socioaffective quittent le MOOC peu après son démarrage faute de pouvoir interagir comme ils le souhaiteraient avec les autres participants, que ce soit pour des raisons d’ergonomie de la plate-forme ou du fait de la faible réactivité de leurs pairs.
Cette situation est illustrée par les propos de l’ingénieure pédagogique que nous avons citée plus haut ; déçue par les interactions et l’absence de fonctionnalité dédiée, elle finit par se retirer du MOOC.
« C’est compliqué à chaque de devoir aller faire des recherches dans le forum, retrouver les messages pour voir si on m’avait répondu, pour au final ne pas avoir de réponse ou de réaction. Donc comme moi c’était mon seul intérêt sur ce MOOC-là c’était vraiment d’échanger sur les pratiques, là ça répondait pas à mon attente. »
Pour ce webdesigner autoentrepreneur, la qualité des interactions avec les pairs constitue un élément déterminant quant à sa décision de poursuivre ou non un MOOC. Il dénonce la médiocre qualité des échanges, qui le pousse souvent à se retirer de la formation.
« Très clairement en fait si il y a pas, sur le forum s’il y a pas des discussions intéressantes, bah j’accroche pas. En fait y a une période où je m’inscrivais, c’était pas nécessairement sur les forums internes, mais on te proposait systématiquement les groupes twitter, facebook, linkedin, là très rapidement j’ai décroché sur certains MOOC parce que c’était pas intéressant. D’ailleurs les interactions dans les MOOC, c’est censé stimuler l’intelligence, mais ça a plutôt, on est plus proche du bullshit qu’autre chose quand même quoi. J’ai rencontré des gens très intéressants, mais putain je me suis tapé un paquet de boulets quand même. »
Si je n’ai pas cherché à analyser de manière qualitative les échanges entre participants, j’ai trouvé à travers une analyse quantitative manuelle de l’activité des forums de discussion d’une dizaine de MOOC quelques-uns des éléments que pointent ces participants. Les fils de discussion sont relativement courts, puisqu’ils comprennent en moyenne, selon les cours, entre 2,2 et 6,3 messages, et il arrive que plus de la moitié des messages soient orphelins, c’est-à-dire que ces messages n’obtiennent pas de réponse.
Dans ces conditions, il est vraisemblable qu’un participant qui s’inscrit avant tout dans une logique socioaffective se désengage de la formation. Je soutiens que le motif socioaffectif est relativement peu représenté parmi les participants de MOOC (en tout cas les xMOOC), ou, alternativement, que les participants qui s’inscrivent dans cette logique sont enclins à se retirer rapidement du cours face aux limites des interactions qui se déroulent dans les forums de discussion ou les réseaux sociaux. Pour des raisons méthodologiques, il est délicat de trancher entre les différentes situations, nous y reviendrons.