Des MOOC pas assez orientés formation professionnelle ?

DiplomaLe retrait volontaire (comprendre, l’abandon) lié aux caractéristiques d’un MOOC peut avoir de multiples sources, et la motivation qui a sous-tendu l’inscription est vraisemblablement déterminante dans le motif de retrait avancé par le participant. Je vous propose aujourd’hui de revenir sur quelques réflexions de recherche sur la question du retrait volontaire. Je vous préviens, il faut avoir en tête la typologie des motifs d’entrée en formation de Carré (2002) dont je vous parle depuis quelques billets.

Toutes les sources de retrait volontaire n’ont pas la même importance si l’on s’engage dans une démarche de réduction de l’attrition. Au vu de la dominance apparente des logiques épistémique (la connaissance comme but en soi) et opératoire (gagner en efficacité dans son travail), c’est sur ces deux cas de figure qu’il faudrait sans doute se pencher davantage. Mon hypothèse est que le retrait volontaire s’explique largement par l’inadéquation entre la logique opératoire qui anime la majorité des participants, et la logique du dispositif, pas franchement orientée vers les professionnels.

La question de l’adaptation éventuelle aux attentes des participants a été relativement peu abordée jusqu’à présent dans la littérature. Dans un travail d’enquête mené par Najafi et al. (2015) auprès de huit enseignants de l’Université de Toronto, les auteurs s’interrogent sur ce qui différencie, du point de vue de leurs concepteurs, le MOOC et le cours correspondant qu’ils délivrent face aux étudiants. Si les auteurs concluent qu’il y a une adaptation du vocabulaire utilisée et de la difficulté des exercices, rien n’est dit en revanche quant à la nature des tâches proposées, et une observation directe de dispositifs pourrait se révéler être une piste de recherche fructueuse à cet égard en sus d’une approche par enquête.

À ma connaissance, rares sont les études transversales de dispositifs publiées dans la littérature (Margarayan et al. 2014, Toven-Lindsay et al., 2015). Toven-Lindsay et al. (2015) ont cherché à catégoriser un échantillon de MOOC sur la base d’une typologie pré-existante. Ils classifient vingt-quatre dispositifs selon trois axes : objectivisme versus constructivisme, modes d’interaction entre pairs, et modes d’évaluation. Les auteurs se cantonnent à décrire les cours de manière binaire : présence ou absence d’évaluation par les pairs, de questions à choix multiples, d’interactions entre participants et concepteurs. Margaryan et al. (2015) mènent un travail plus ambitieux et réalisent l’une des plus vastes analyses des dispositifs publiées à ce jour. Pour soixante-seize dispositifs sélectionnés parmi environ trois-cent cinquante MOOC, ils analysent les ressources pédagogiques, les dynamiques à l’œuvre dans les forums de discussion ou les modes d’évaluation pour alimenter une réflexion sur la dichotomie xMOOC / cMOOC. Néanmoins, aucune de ces deux études n’est susceptible de vous renseigner quant aux opportunités offertes aux participants d’opérationnaliser le contenu du cours.

Je pense qu’il serait intéressant de poursuivre la démarche adoptée par ces deux auteurs, mais en se concentrant cette fois sur la question de leur adéquation avec la logique opératoire éventuelle des participants. La deuxième approche que je propose de suivre consisterait à mieux caractériser les projets d’apprentissage, pour identifier les éventuels manquements du MOOC eu égard aux besoins de ceux qui les portent (Tremblay, 2002, p. 184). Pour ce faire, on pourrait chercher à caractériser les modalités d’articulation entre le projet d’apprentissage et son réinvestissement éventuel dans la vie personnelle ou professionnelle.

Milligan & Littlejohn (2014) suggèrent que le transfert du contenu du cours à l’activité professionnelle passe principalement par des échanges avec des collègues dans le cas du MOOC étudié par les auteurs, notamment pour demander de l’aide sur des points techniques ou des sources d’approfondissement. La plupart des enquêtés souhaitant transférer le contenu du cours dans leur vie professionnelle déclarent que le MOOC a davantage pour fonction de leur faire acquérir une vision globale d’un domaine, plus que de leur permettre d’acquérir des compétences définies. Ce travail suggère que rares sont les enquêtés dont les pratiques évoluent après le suivi du cours. Ces auteurs cantonnent leur analyse à un nombre réduit d’enquêtés d’une part et à un unique dispositif d’autre part, ce qui limite la portée de leurs résultats.

Tant l’extrapolation de cette démarche à un échantillon plus important de cours et d’apprenants, via une enquête, qu’un approfondissement des questions, serait nécessaire pour affiner la compréhension des mécanismes à l’œuvre. Si nombre des participants ont des attentes précises quant aux thématiques qu’ils souhaitent voir aborder, avec une application précise en tête, ou pour utiliser la terminologie des projets d’apprentissage, s’ils ont des objectifs d’apprentissage relativement clairs et définis, l’absence de la thématique recherchée peut vraisemblablement constituer une barrière de taille. A l’inverse, si les objectifs d’apprentissage ne sont pas clairement définis, alors d’autres barrières domineront vraisemblablement. La discrimination entre ces deux cas de figure pourrait constituer une piste de recherche fructueuse pour mieux appréhender les tenants du retrait volontaire.

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