Des certificats de MOOC pour légitimer des apprentissages non-formels ?

DiplomaNous poursuivons aujourd’hui sur la question de l’intérêt que les apprenants portent aux certificats de MOOC. Un certain nombre d’apprenants veulent le certificat pour des raisons professionnelles, notamment pour gagner en légitimité sur certain sujet (mais n’est-ce pas toujours le but d’un certificat après tout ?). Comme dans les billets qui vont suivre, je vous propose quelques retours d’entretiens réalisés avec des apprenants.

Nous avons distingué deux cas de figure au sein des participants déclarent vouloir gagner en légitimité. Tout d’abord, le participant peut chercher une légitimité sur une discipline plus ou moins clairement définie, et non uniquement sur la thématique correspondant au MOOC. Cet argument est notamment avancé par une enseignante d’anglais en reconversion professionnelle, cherchant à devenir ingénieure pédagogique. Elle accumule des certificats de MOOC dans le champ de la formation, pour contrebalancer son impossibilité de suivre des formations professionnelles de type « cours du soir ».

Pour moi le certificat c’est important parce que c’est quelque chose que je vais mettre sur mon CV. Comme je n’ai pas une maîtrise en ingénierie de formation, il faut que je compense ça par des MOOC. […] J’ai pas les moyens de m’arrêter de travailler ou de, ni non plus la disponibilité pour m’inscrire à des cours du soir ou des choses comme ça. Dans ce domaine-là je suis pas sûre que ce soit non plus très pertinent, j’ai rencontré des personnes du CNAM, et je me suis rendu compte que ça allait être des cours assez théoriques et ça me prendrait mes soirs mes samedis etc. C’est pas très onéreux mais c’est un gros investissement personnel, et donc je me suis dit que j’avais plutôt intérêt à me former avec des MOOC en parallèle de mon activité.

Dans une certaine mesure, le certificat a ici vocation à démontrer une certaine culture générale de la discipline plus que des acquis sur un sujet précis. Cette participante a d’ailleurs fini par trouver un travail dans le secteur qu’elle visait ; dans un courrier électronique, elle déclarera par la suite que ces certificats ont contribué au succès de sa reconversion dans la mesure où ils ont été favorablement accueillis par ses futurs employeurs. On constate dans ces propos que ce n’est pas un MOOC en particulier qui l’intéresse, mais que l’intérêt pour le certificat s’inscrit dans une démarche de formation dans un domaine.

Deuxième cas de figure, le participant cherche à gagner en légitimité spécifiquement sur la thématique du MOOC, et le certificat a vocation à démontrer une certaine maîtrise du domaine. Nous allons illustrer plusieurs cas de figure, selon que le participant s’inscrit avant tout pour gagner en légitimité, ou que ce motif soit relativement secondaire, que le participant cherche à valider des connaissances ou des compétences qu’il aura acquises via le MOOC ou qu’il aura acquises en amont de celui-ci. Cette experte-comptable s’inscrit au MOOCAZ avant tout pour obtenir une légitimité sur la question du montage de formations numériques, car elle a l’objectif de proposer à sa hiérarchie de coordonner la mise en place d’un projet de MOOC sans pour autant s’inscrire dans une logique de mobilité professionnelle.

Auprès de ma direction je m’étais engagée en disant, bah moi je voudrais monter des formats, en tout cas, numériques dans des formations, et je cherche quand même en ayant fait ça une crédibilité, en disant, mais moi je me suis formée.

Un participant anticipe parfois sur le fait qu’il pourrait avoir par la suite besoin de démontrer un certain nombre d’acquis, nous parlerons de logique de prévoyance. Nous l’illustrerons par le cas de cette médiatrice culturelle expatriée au Chili, ayant obtenu le certificat du MOOCAZ. Elle s’est inscrite pour apprendre davantage sur les MOOC, et elle suit par ailleurs plusieurs autres MOOC pour son plaisir. Néanmoins, dans la mesure où elle envisage de proposer à ses employeurs de développer un projet de MOOC, elle déclare vouloir le certificat pour démontrer sa compétence sur la question si le besoin se présente.

Je suis au Chili, et un papier quel qu’il soit, ça fait toujours son petit effet. Un certificat quel qu’il soit, si j’arrive en disant j’ai suivi un cours sur les MOOC ils vont me dire c’est bien. Si j’arrive en montrant un petit papier, une attestation, ça va être mieux. Donc pour mes employeurs si ça a une importance. Moi en vrai je le fais pas pour ça, je le fais vraiment pour les connaissances que ça peut m’apporter, mais je vais quand même aller jusqu’au bout parce que ce papier va être important pour mes employeurs.

Le motif de la recherche de légitimité ne concerne pas la seule relation employé-employeur. Il a été identifié au cours des entretiens aussi bien chez des enseignants que chez des entrepreneurs envisageant de légitimer leur démarche vis-à-vis d’un investisseur potentiel, ou vis-à-vis d’un client. Illustrons ce dernier cas par les propos de ce dirigeant d’une agence Web, qui suit de nombreux MOOC, aussi bien pour le plaisir qu’avec une application professionnelle en tête. Confronté via son travail à une certaine diversité de projets, il s’autoforme dans des disciplines variées où il ne dispose pas d’expérience à l’origine. L’obtention du certificat lui permet de donner de la crédibilité, auprès d’éventuels clients, à cette démarche d’autoformation :

D’ailleurs dans les MOOC que j’ai suivis, y avait celui sur les métadonnées, […] là pour le coup, vous voyez les certificats où sur ces domaines-là où je peux en parler après avec les clients, me donnent un semblant de légitimité. […] Malgré toute la curiosité intellectuelle que j’ai, je peux pas la vendre à un client. Si j’arrive devant un client et puis je commence à dire voilà ça me fait penser à ça j’ai lu ça etc, le client va dire « Bravo c’est très intéressant, mais concrètement, qu’est-ce qui, à quoi ça me sert ? »

Abordons maintenant la dernière variante de la recherche de légitimité qui nous intéressera : le participant cherche à valider à travers le certificat des compétences ou des connaissances acquises en amont du MOOC. Cette auto-entrepreneuse dans le domaine de la communication explique notamment avoir acquis de manière informelle des compétences sur la question des réseaux sociaux et de la production de vidéos, sans que ces acquis n’aient été reconnus de manière formelle, un manque que le certificat vient en partie combler. En recherche d’emploi, sa démarche d’inscrit aussi bien dans une logique « dérivative », car elle veut éviter de « ronger son frein » pendant une période d’inactivité, que « vocationnelle », car elle espère que cette démarche l’aidera à trouver des missions :

En fait j’avais deux motivations, la première c’est que je suis en profession libérale et que ça marche pas du tout pour moi et c’est surtout à la Réunion, et que plutôt si tu veux que d’être au chômage technique et me ronger le frein, je me suis dit que ne serait-ce que pour mon état de santé mentale il fallait que j’apprenne des choses. Ça c’était le premier point, le second point, je me disais que plus j’allais me former, plus j’aurais peut-être de chances de trouver un job. […] Si tu veux sur les réseaux sociaux par exemple, ou écrire et produire une vidéo, ce que j’avais fait mais c’était pas validé par une certification, je me suis dit que si c’était validé par une certification, je pourrais peut-être changer de métier.

Cette logique correspond à ce que l’on pourrait nommer la légitimation des apprentissages informels, qui existe, comme nous allons le voir dans les prochains billets, aussi bien dans une logique d’intérêt personnel que professionnel pour le certificat. On n’est pas tout à fait dans une logique d’éducation formelle, et je me demande dans quelle mesure cette légitimation des apprentissages informels réalisés en ligne mérite d’être approfondie plus avant par la recherche. On touche également à la question des projets d’apprentissage, qui mérite sans doute d’être discutée davantage, mais le billet est déjà assez long comme ça …

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