Un certain nombre de participants n’accordent que peu d’importance aux certificats de MOOC, et ce pour diverses raisons. J’ai identifié sur la base des entretiens deux catégories d’arguments distinctes pour justifier cette position. La première catégorie rassemble les arguments relatifs à la faible utilité du certificat, notamment du fait de la faible valeur qu’il a sur le marché de l’emploi. Le second type d’argument est relatif au caractère autodirigé de la l’apprentissage, c’est ce que nous appellerons l’argument de l’autodirection. Quelques mots de plus sur la question dans ce billet, un peu plus long que d’habitude.
Lorque le participant justifie son désintérêt pour le certificat par le fait qu’il n’en voit pas l’utilité, nous sommes dans le cas de l’argument de la valence du certificat, le terme valence étant emprunté la théorie de l’expectation-valeur. J’ai identifié à travers divers entretiens semi-directifs un certain nombre de situations dans lesquelles l’interviewé justifie cette position. Dans un premier cas, le participant n’envisage pas de mobilité professionnelle, ou d’usage professionnel du certificat, et estime que le certificat ne lui est par conséquent d’aucune utilité. C’est ce qu’exprime cette chef de projet salariée d’une association :
De toute façon le savoir-faire, bon déjà j’ai un boulot déjà, donc voilà quoi, mon cv ça va pas me changer la vie quoi ? En plus j’ai, par contre l’enjeu qui était vraiment pour nous, c’était assez bizarre, c’était d’être participant et de se regarder en tant que participant, et de voir comment ça marchait quoi.
Alternativement, le participant peut envisager une mobilité professionnelle mais considérer que le certificat n’a pas suffisamment de valeur sur le marché de l’emploi pour lui être d’une quelconque utilité. Ce cas de figure est illustré par une étudiante de Master en Français Langue Etrangère ayant suivi le MOOCAZ de manière optionnelle dans le cadre de son cursus. Interrogée sur l’intérêt qu’elle porte au certificat, elle répond comme suit :
Je me destine vers l’enseignement en France donc je sais que ça ne va pas être quelque chose qui va me rapporter quoi que ce soit dans ma vie professionnelle. L’enseignement en France étant ce qu’il est, tout ce qui ne sort pas, n’étant pas un vrai diplôme ne sert à rien.
Elle explique ne pas attacher une grande importance au certificat dans la mesure où celui-ci n’est pas reconnu sur le marché du travail français. Ces participants ne désavouent pas nécessairement la logique de buts de performance, dans le sens où ils accorderaient davantage de valeur au certificat si ce dernier était plus reconnu, comme en témoignent les propos de ce biologiste en reconversion professionnelle :
Pour moi, le MOOC ça aurait plus de valeur si c’était des certifications un peu reconnues. […] Si les certifications ne font pas autorité et reconnues comme formatrices, je ne suis pas sûre que ça ait une grande valeur.
En quelque sorte, le certificat est considéré comme une « monnaie de singe », qui ne présente pas de valeur aux yeux d’employeurs potentiels, et qui ne présente donc pas de valeur à leurs yeux. C’est une position un peu extrême, que je n’ai pas souvent entendue, mais qui mérite que l’on y prête attention, car elle pourrait contribuer à l’existence de faibles taux de certification.
Le second type d’argument est celui de l’autodirection. Pour un certain nombre de participants, la démarche d’autoformation qu’ils suivent est antinomique avec la logique qu’implique la recherche du certificat. Ce cas peut être avancé aussi bien par un participant qui estime que son apprentissage ne doit être guidé que par sa seule satisfaction personnelle que par un participant autodirigé, ayant une idée précise de ce qu’il veut apprendre à travers le dispositif. Nous illustrerons ce dernier cas par la figure du développeur Web auto-entrepreneur, utilisant des dizaines de MOOC dans une logique opératoire professionnelle, et ayant créé des cartes mentales pour identifier les lacunes qu’il doit combler par le MOOC. Il déclare être opposé au principe même de la délivrance de certificats dans le contexte d’un MOOC.
Pour moi, ça fait pas partie de la philosophie des MOOC, la certification. Ça peut être bien parce que t’as beaucoup de gens qui recherchent ça, mais je pense que c’est des gens qui ont beaucoup de choses à régler. Tu vois, c’est personnel, y a un besoin de reconnaissance, de diplôme, et autre. Quelque part si tu utilises les MOOC pour apprendre des choses, tu as pas besoin d’une validation, […] Si t’as envie d’un diplôme, pour moi tu fais une formation diplômante.
En un sens, il estime qu’il doit assumer la responsabilité du processus d’évaluation de l’apprentissage. Dans la mesure où cet argument repose aussi bien sur l’autodétermination que sur l’auto-régulation, nous l’appellerons l’argument de l’autodirection.
Si l’argument de l’autodirection est avancé par des participants autodirigés, gardons à l’esprit qu’il n’y a pas une correspondance parfaite entre propension à l’autodirection et désintérêt pour le certificat. Nombre de participants dont on peut estimer qu’ils ont une forte propension à l’autodirection, car s’étant formés en ligne pendant plusieurs années avant l’essor des MOOC, déclarent porter un intérêt au certificat. Nous nous baserons d’abord sur l’exemple de ce jeune ingénieur indien, qui a cherché à obtenir plusieurs dizaines de certificats au cours d’une année sabbatique consacrée aux MOOC, parfois en ne réalisant que les seules activités nécessaires à l’obtention du certificat. Il avait passé des années à se former sur des OCW comme le MIT OCW :
I was following MIT OCW for seven years, I started in 2007. I was aware of Open Courseware, because I used them extensively to study lot of different things, but more courses completely new, I think it was extension of ocw. […] These were actually the grandfather, of the grandmother of MOOCs.
Il en va de même pour cette cadre d’entreprise expatriée en Chine, qui cherche à obtenir une demi-douzaine de certificats de MOOC, et qui jusqu’à présent s’inscrivait dans une démarche d’autoformation intégrale, basée sur des livres et sur des ressources trouvées sur Internet :
Donc du coup y a ça, et après, il y a encore dix quinze ans je lisais des bouquins, management, entreprise, aujourd’hui je les lis plus trop, c’est plutôt sur Internet, mais je suis abonnée à tout ce qui est Business Reviews, des trucs comme ça. Sur Internet y a quand même beaucoup beaucoup de sujets accessibles, et de temps en temps quand y a un best-seller.
Ce que ces deux extraits démontrent, c’est que le fait d’être un apprenant autodirigé n’implique pas toujours que l’on refuse systématiquement de souscrire à la logique du certificat.
Voilà, je pense qu’on a fait un petit tour des divers arguments utilisés pour justifier un certain désintérêt pour le certificat (utile à comprendre quand l’on s’intéresse aux faibles taux de certification). Pour le prochain billet, si vous le voulez bien, je vais vous proposer de réfléchir sur ce que l’on pourrait appeler l’intérêt personnel pour le certificat, où le caractère extrinsèque de la motivation est moins prononcé.
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