Le comportement d’inscription, une piste de recherche féconde pour analyser les MOOC

Mon travail de doctorat s’est focalisé sur la question des indicateurs de performance dans les MOOC, et plus précisément sur celle des taux de certification. Les taux de certification des MOOC, compris comme le pourcentage des inscrits qui obtiennent l’éventuel certificat gratuit, sont généralement inférieurs à 10% (Koller et al., 2013 ; Ho et al., 2014). En d’autres termes, l’attrition des MOOC, définie comme la proportion des non-certifiés, est bien supérieure à celle observée dans le contexte de la formation à distance payante. La gratuité de ces cours, et par conséquent l’absence de perte économique que constitue un arrêt du suivi du MOOC, ne saurait constituer une explication pleinement satisfaisante de cet état de fait. D’autant que la gratuité ne permet pas d’interpréter les différences de taux de certification observées d’un cours à l’autre. C’est dans ce contexte que je me suis intéressé à ce que l’on pourrait appeler, le comportement d’inscription.

J’ai cherché au cours de ma thèse à identifier les principaux mécanismes qui sous-tendent les formes d’attrition identifiées, en me focalisant d’abord sur le comportement d’inscription, puis dans un second temps sur les données auto-déclarées relatives aux motivations qui sous-tendent l’inscription. Je me suis basé sur les données de la plate-forme FUN, sur laquelle plus d’un million d’inscriptions ont été réalisées au cours de la période étudiée, pour montrer que le comportement d’inscription constitue un puissant prédicteur des taux de certification, et que son analyse est donc incontournable dans l’interprétation de la forte attrition qui caractérise les MOOC. Un chapitre consacré presque exclusivement au comportement d’inscription constitue l’un des principaux apports de ma thèse. Il permet de replacer dans un contexte plus large l’interprétation des schèmes d’utilisation mis au jour au sein de cours donnés. Les données suggèrent que, dans la mesure où un utilisateur est généralement inscrit à plusieurs cours organisés de manière simultanée, le comportement observé dans un MOOC donné ne devrait dans l’idéal pas être étudié indépendamment de celui adopté dans les autres MOOC.

En effet, les utilisateurs de FUN sont inscrits à un peu plus de deux cours en moyenne sur la plate-forme, et ceux d’entre eux qui obtiennent le certificat d’au moins un cours ont réalisé au moins quatre inscriptions sur FUN. On peut parler d’inscriptions multiples pour désigner les inscriptions d’un utilisateur de la plate-forme inscrit à de multiples cours, et de superposition lorsque ces inscriptions correspondent à des cours se recouvrant sur un certain laps de temps. Nous avons établi une corrélation négative entre superposition et probabilité d’obtenir le certificat. La nécessité de choisir entre plusieurs cours organisés en parallèle constitue vraisemblablement l’un des mécanismes centraux de l’attrition.

Néanmoins, le phénomène de superposition reflète également le fait que la plupart des inscriptions sont réalisées dans un laps de temps réduit, très souvent au cours de la même journée. La notion de clé d’entrée (Isaac & Voole, 2008), issue du webmarketing, est mobilisée pour éclairer ces données. Je suggère que l’intention de suivre un MOOC sur un sujet donné fait le plus souvent suite à sa découverte sur la plate-forme, et ne précède l’inscription que dans une minorité des cas : c’est un cas de prédominance de la clé d’entrée plate-forme sur la clé d’entrée produit. Le mode de découverte du cours, compris comme l’ordonnancement des étapes qui ont débouché sur l’inscription, constitue à cet égard une piste féconde pour interpréter les faibles taux de certification des MOOC constatés.

La prédominance de la clé d’entrée plate-forme suggère qu’il est vraisemblable qu’une partie conséquente des participants n’aient jamais eu l’intention de suivre la formation, et qu’ils se soient inscrits en naviguant sur la plate-forme, et non suite à une recherche, ce qui pourrait expliquer l’importance de la non-participation. L’existence d’une offre de cours conséquente sur les plates-formes de MOOC – il arrive pour certaines que plusieurs dizaines de cours se déroulent à un instant donné – conduit à une dispersion des inscriptions, et, toutes choses restant égales par ailleurs, à une hausse de l’attrition. En conclusion, j’émets l’hypothèse selon laquelle ce phénomène est sans doute d’autant plus marqué que les plates-formes disposent d’une offre quantitativement importante.

L’un des objectifs non affichés de ce travail consiste à montrer l’intérêt des partenariats avec des acteurs majeurs d’un écosystème, comme ici la plate-forme française France Université Numérique. Ce partenariat m’a permis d’avoir accès à un jeu de données unique en son genre, les données d’inscription de l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme, soit plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs. Il n’y avait virtuellement aucun travail équivalent sur les comportements d’inscription, pourtant nécessaires à appréhender dès lors que l’on s’intéressait à des indicateurs de performance comme le taux de certification. Les rares travaux ne présentaient pas de théorisation, et nous avions aussi bien l’intention de fournir un ancrage empirique solide, que de proposer une première théorisation. Je ne saurai jamais exprimer suffisamment ma gratitude pour ce jeu de données. D’où l’importance d’avoir des acteurs du service public engagés dans l’univers MOOC !

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